Société

14 janvier 2011 : chroniques d’un désastre tunisien

14 janvier 2011 : chroniques d’un désastre tunisien

Que ce soit avant le 25 juillet 2021 ou après, le constat est évidemment le même : le portefeuille se vide davantage, le chômage prend une ampleur sans précèdent, l’économie est en berne, la croissance est négative, bref l’horizon s’assombrit. La Tunisie vit l’une des pires crises qu’elle ait subies depuis des décennies.

Il ne s’agit pas d’un ralentissement économique dû à une conjoncture difficile, ni d’une récession aggravée par la crise du COVID-19, mais plutôt d’une véritable dépression, dont la dimension dépasse probablement celle que la Tunisie avait vécu la veille de la chute de Bourguiba en 1987.

Une crise qui dure

Contre tout bon sens, les autorités ont affirmé que la croissance se situerait entre 2,9% en 2021 et 3,5% en 2022, alors qu’en ce moment-là, déjà et rien que pour les deux dernières années, 130 mille PME ont mis les clés sous la porte.

Malgré l’envolée vertigineuse et inédite des prix, la Banque centrale de Tunisie prévoit une baisse relative des prix dans…deux ans.

Désormais, ce faux optimisme n’est plus tenable, et le taux de croissance est inférieur aux prévisions de tous les organismes compétents et le pouvoir d’achat de la population déjà érodé par la cupidité des rentiers, les contrebandiers et les trafiquants de toutes sorte, sera laminé bien avant l’éventuelle baisse des prix dans deux ans…

Il en est de même pour le chômage qui a atteint le triste taux de 18,4% fin septembre 2021. Rien que pour le troisième trimestre de 2021, 16000 emplois ont été détruits faute d’un véritable plan de sauvetage des PME.

La machine à déficit

Gouverner, c’est prévoir. Or à la vérité, les nouveaux gouvernants après 2011 n’ont pas vu venir la crise, mais ils ont plutôt contribué activement à sa création. Pourtant, l’endettement massif, interne et externe, la dilapidation des deniers publics et les revendications syndicales injustifiées pouvaient le laisser prévoir tôt ou tard.

La dette tunisienne, vertigineuse est désormais un cas d’école. Elle n’a rien servi sauf au financement de faux acquis sociaux et le train de vie de bras cassés de planqués, combler un déficit public abyssal et autres en empruntant à tort et à travers.

La dette publique est passée de 38,3 milliards de dinars 2010 à 85,6 milliards de dinars en 2021. Et encore ce chiffre n’est que le chiffre officiel. Si l’on compte la dette des entreprises publiques, qui seraient également à la charge du contribuable si elles venaient à s’effondrer, la dette totale est supérieure à 116,5 milliards de dinars. Le service annuel de la dette globale a été estimé 14,9 milliards de dinars l’année dernière soit 11,4% du PIB ! Concernant le déficit budgétaire, même politique des petits pas : d’abord, on dit que c’est 8,3% du PIB attendu fin 2021, soit 10,4 milliards de dinars et puis le niveau de celui-ci grimpera au fil du temps.

Mais le problème, c’est que les gouvernements successifs font depuis 11 ans du déficit qui ne cesse de se creuser d’une année à l’autre. Et le déficit d’aujourd’hui et financé par l’endettement abusif.

A moins que les pouvoirs publics n’aient compris, qu’une autre crise, bien plus grave, se prépare, qui va survenir dans les mois qui viennent, ruinant les entreprises et entrainant dans son sillage une montée en flèche de l’inflation.

Delenda carthago !

Sans jamais admettre leurs erreurs ni essayer de les corriger, sans jamais assumer leur bilan, seulement fidèles à la négation de toute responsabilité, les gouvernements post-2011 osent justifier leur incompétence légendaire par des faux complots fomentés contre eux attribués parfois aux ennemis politiques et d’autres fois aux contraintes extérieures. 

Les partis politiques jadis au pouvoir osent même, avec un incroyable cynisme, faire de temps en temps les mêmes promesses électorales qu’ils n’ont jamais tenues, qu’ils ne peuvent pas tenir, qu’ils sont là pour ne pas tenir, et qu’ils ne tiendront jamais.

D’une rare arrogance et indécence et sans jamais reculer devant aucune contradiction, aucune invraisemblance, les islamistes et leurs harkis osent déclarer après leur destitution, sans rire, avoir un bilan socio-économique honorable durant la décennie noire et entre autres avoir lutter contre la dette, la baisse du pouvoir d’achat, le chômage et l’insécurité.

Depuis 11 ans, tous ces gens qui se sont succédés au pouvoir, se sont ingéniés par idéologie, par démagogie et par amour des privilèges que leurs procurait le pouvoir à détruire tout ce qui fonctionnait dans notre pays. Ils ont tout cassé, l’emploi, le pouvoir d’achat, la cohésion sociale, l’entreprise, la diplomatie, l’école, l’agriculture, la jeunesse, bref tout espoir…

Il aura fallu de l’acharnement dans la cupidité et la malhonnêteté pour mener à la catastrophe la Tunisie et détruire les sacrifices de générations de tunisiens qui ont cru à l’ascenseur social, désormais en panne. Ces générations qui ont cru à l’école publique, au progrès, à la liberté, la libre entreprise à l’Etat providence et à la joie de vivre.

Il en aura fallu de l’acharnement dans l’incompétence pour mener la Tunisie à cette Tunisie des « 11 vaches maigres », cette Tunisie des « 11 honteuses » dans laquelle nous nous enfonçons depuis 2011 et peut-être avant.

Ils ont cassé la cohésion nationale et sociale par une islamisation perfide et perverse qui s’est infiltrée dans toutes les couches de la société et les institutions de l’Etat créant ainsi les conditions d’une division quasi sectaires des tunisiens et un terrain propice aux affrontements communautaires et à la ruine identitaire.

Leur Tunisie de la décadence, du reniement et du renoncement à propos de laquelle, depuis cette époque, on ne cesse, en vain, de tirer la sonnette d’alarme.

11 ans après la sainte sacrée « révolution » qui a conduit les fréristes et leurs alliés au pouvoir, l’école publique est détruite et est devenue une vraie fabrique de l’ignorance.

Jadis, la Tunisie s’honorait d’une école publique acceptable, qui n’était pas ce lieu de marginalisation qui voit bon nombre de ses enseignants se faire agresser à la machette et au couteau en salle de classe et ses élèves sortir sans savoir ni lire, ni écrire et devenir des boat-people qui remplissent les bateaux de fortune vers la côte sud de l’Europe !

Pareil pour l’université tunisienne en bas du classement des universités à l’échelle internationale où des diplômes au rabais sont dispensés à tout va, comme de la fausse monnaie.

Ils ont cassé l’Etat providence par la destruction systématique des caisses sociales, noyées par la reconstitution de carrière de milliers de partisans repris de justice soi-disant victimes de la dictature et par toutes sortes d’abus.

Le chaos né de leur négligence et incompétence voire parfois leur complicité a laissé libre cours à la montée vertigineuse de la criminalité. Une criminalité qui détruit jeunesse et enfance, par le déferlement de toutes sortes de déviances : drogues servies devant collèges et écoles, un laisser-faire complice devant l’embrigadement des jeunes par le takfirisme, enseignement parallèle dans des camps de lavage de cerveaux à l’instar de « l’école » terroriste de Regueb (Gouvernorat de Sidi Bouzid) où se mêlent enseignement terroriste, mauvais traitement, torture et pédophilie sous l’œil « bienveillant » de Kapo terroristes.

Ils ont cassé l’agriculture et mis les agriculteurs sous le joug des rentiers concussionnaires qui ont asservi les petits éleveurs, mené à la faillite des milliers d’entre eux pour aboutir à leur disparition dans quelques années si rien n’est fait.

Ils ont entravé la liberté d’entreprendre, par une bureaucratie et des lois kafkaïennes, des charges insoutenables, au profit des rentiers et des lobbies s’accaparant des pans entiers de l’économie, en même temps qu’ils dévalorisaient les métiers manuels, et le petit commerce, véritables instruments de la promotion sociale et de la création de fortune.

Et en cassant, systématiquement, la liberté d’entreprendre c’est toute volonté de s’en sortir, d’innovation et de concurrence qu’ils ont fini par détruire.

Il serait injuste que malgré la ruine de l’économie, la classe politique post-2011 soit exonérée, demain, des responsabilités qui sont les siennes au titre de ses erreurs. D’autant plus injuste que la pauvreté galopante, la faillite des entreprises privées, la ruine du service public, en revanche, pénalisera une fois de plus les Tunisiens sans que justice soit faite et sans que ceux qui ont détruit le pays ne rendent des comptes !

Lueur d’espoirs malgré la ruine

La crise est aujourd’hui si grave, dans un pays au bord de la ruine et menacé de faillite, que tous ces casseurs, après 11 ans de mensonges et de destructions, sont libres comme l’air. 

Sentant la colère des masses le 25 juillet 2021 après 11 ans de dos ronds, sentant la désespérance monter, malgré la propagande de certains médias, la multiplication manœuvres de diversion, ils osent enfin parler, de la nécessité de dialogue national « inclusif » et de changement.

A première vue, la situation peut apparaître comme fatale, mais nous savons que le peuple a connu des hauts et des bas mais saura et pourra rebondir. On pourra faire échec au malheur avant qu’il ne soit trop tard.

Il n’y a pas de fatalité. La destitution des fréristes est une vraie lueur d’espoir. La dynamique sociale qui a eu raison de régime de Ben Ali, du régime de Ghannouchi est encore en marche et elle aura raison aussi, tôt ou tard, pas sans dégâts, des systèmes politico-mafieux qui sévissent encore dans notre pays.

La dégradation de la situation de la Tunisie peut être freinée si on remédie d’urgence à ces principaux problèmes : insécurité, chômage, pauvreté, déficits budgétaires et sociaux et commerciaux. La tâche n’est pas facile, certes, mais n’est pas impossible.

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