Economie

1er mai : l’UGTT n’a plus besoin de combattre, Saied le fait pour elle, une “victoire à la Pyrrhus ” que nous payerons cher

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La Fête du Travail sera morose, comme toutes les autres ces dernières années, comme le temps qu’il fait ce lundi 1er mai. Le temps n’y est pour rien, la première responsable de cette morosité ambiante c’est l’apathie des citoyens, happés par d’autres préoccupations. Le deuxième facteur c’est que la plupart des acteurs qui animaient le 1er mai sont derrière les barreaux, pour des motifs que les autorités refusent d’exposer et expliciter publiquement en dépit de la pression interne et surtout externe. La troisième cause c’est la léthargie de l’UGTT, épicentre de la Fête du Travail. Elle fait le service minimum cette année pour des tas de raisons…

Un étrange silence…

La centrale syndicale défendait deux dossiers : le projet de sauvetage national. Il y avait aussi le dossier de l’accord avec le FMI et les réformes douloureuses qu’il devait drainer. Dans le communiqué long comme le bras que l’UGTT a publié pour marteler la symbolique du 1er mai Noureddine Taboubi et compagnie ont dit tout le mal qu’ils pensent de la trajectoire de la Tunisie. Les désaccords on les connait, ils sont profonds, mais étrangement la centrale ne le crie plus avec la même vigueur.

On a nettement remarqué le 4 mars dernier que la musique de l’UGTT avait changé. Depuis on n’entend pas beaucoup et on voit encore moins Taboubi. Son mutisme a été si long que les rumeurs sur son état de santé ont fusé, obligeant la direction à émettre un communiqué pour couper court aux bruits. C’est dire le caractère inhabituel de la chose au regard de tous les sujets brûlants sur lesquels le secrétaire général de l’UGTT était attendu et qu’il avait l’habitude d’aborder sans se faire prier.

Le fracas du discours de Monastir est passé par là

Sur le projet de sauvetage national on nous dit que le document est prêt et qu’il sera bientôt soumis au chef de l’Etat, Kais Saied. Sauf que ça fait des mois qu’on nous dit ça et on ne voit rien venir. Pourtant Taboubi et ses compagnons se disaient même prêts à en découdre avec l’exécutif si leurs propositions pour sauver le pays étaient recalées. Mais le fait est qu’ils reculent sans cesse l’échéance parce qu’ils savent pertinemment le sort qui attend leur document. Et ils ne sont pas outillés en ce moment pour l’affrontement.

Pour l’accord avec le FMI les choses sont plus simples : l’UGTT n’a pas besoin de mettre ses habits de combat parce que Saied le fait à sa place. Ce que la centrale syndicale ne veut pas – les fameuses lignes rouges – c’est qu’on aille farfouiller du côté des canards boiteux du secteur public pour leur appliquer la thérapie de choc (privatisation surtout). Ce que Taboubi ne voulait pas – il l’a dit publiquement au moins à trois reprises – c’est qu’on rogne les subventions. Il était content d’apprendre le 6 avril dernier que le chef de l’Etat pense la même chose.

Compter sur nos propres moyens, travailler, trimer, a dit le chef de l’Etat à Monastir. Chiche ! Tant que le discours officiel est celui-là Taboubi n’aura aucune raison d’éructer, de vociférer ou de battre le pavé puisque le pays dans le sens qu’il veut : l’immobilisme total, ou presque. Donc ce 1er mai l’UGTT fera ce qu’elle faisait les années précédentes mais ce sera un raffut de pure forme, juste pour marquer une tradition.

Taboubi rit aujourd’hui, demain tout le pays pleurera

Les temps changent. Le pays est revenu des lubies de “l’argent facile” – quelque 13 milliards de dinars – que devait ramener la Commission nationale de conciliation pénale. Saied avait éjecté le président de l’instance parce qu’il n’allait pas assez vite à son goût. Le moins qu’on puisse dire est que son successeur ne va pas plus vite, ça se saurait s’il avait obtenu des résultats tangibles. L’heure est au réalisme, dit-on : le bon vieux phosphate qui a rendu bien des services aux caisses du pays…

Sauf que là aussi la direction de la CPG douche les ardeurs du chef de l’exécutif en assénant que le seuil de 10 millions de tonnes n’est pas pour demain… ni pour après demain. Et quand bien même on l’atteindrait ça ne réglerait pas tous les problèmes du pays, ça ne compenserait pas le financement étranger dont la Tunisie a besoin pour 2023, près de 16 milliards de dinars.

Voilà, on en est là, des sujets après les autres, des mirages après les autres, des rêves après les autres. Pendant ce temps la poussière reste sous le tapis. Les réformes sur lesquelles des centaines compétences tunisiennes ont travaillé depuis plus de 12 mois et qui ont permis au voisin marocain de commencer à sortir de l’eau restent dans les tiroirs de nos dirigeants. Plus la Tunisie reculera plus le traitement fera mal. Aujourd’hui l’UGTT rit, exulte, demain c’est tout le pays qui pleurera.

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