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Par Amine Ben Gamra : Lorsque l’État néglige son secteur agricole

Par Amine Ben Gamra : Lorsque l’État néglige son secteur agricole

Pendant de nombreuses années, la Tunisie a négligé son secteur agricole. L’attention de l’État et celle de la Banque Mondiale a été focalisée sur le tourisme et l’industrie. Le déficit de la balance alimentaire est passé de 0,6 milliard de DT en 2009 à 1,3 milliard de DT fin octobre 2019, chiffre appelé à s’aggraver d’ici à la fin de l’année. Alors qu’environ 30% de la production agricole en Tunisie est détruite, selon l’expression même de président de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP).

Problèmes structurels

L’agriculture souffre d’une population vieillissante (43% des agriculteurs ont plus de 60 ans), une population moins scolarisée et où la moitié de ceux qui cultivent la terre ont un emploi saisonnier.

Les lois sur l’héritage continuent de diviser la propriété foncière, réduisant ainsi la surface du terrain que chaque famille peut exploiter.

À mesure que le climat s’assèche et que les ressources en eau deviennent plus coûteuses, la nécessité de soutenir une agriculture à grande échelle augmente.

Une grande partie des terres de l’État sont en friche, dans les régions du nord et du centre. Par ailleurs, les services de la direction régionale des domaines de l’Etat à Béja ont récupéré, jeudi 05 décembre 2019, une ferme domaniale agricole dénommée « Saidiya » d’une superficie d’environ 548 hectares, située dans la délégation de Gbollat à Béja. La ferme agricole comprenant des terrains labourés (378 ha), des plantations d’amandes (100 ha) des terrains non labourés ainsi que des espaces destinés aux constructions. A noter qu’environ 14.443 hectares de terrains domaniaux ont été restitués jusqu’à ce jour dans le gouvernorat de Béja.

A cela s’ajoute l’absence d’une vision stratégique, rappelons à titre indicatif, le record enregistré en Tunisie cette saison dans le domaine de la culture céréalière et la déclaration du ministre de l’Agriculture que la récolte céréalière, au titre de la saison 2018/2019, permettra de réduire les importations des denrées alimentaires et d’économiser près de 350 MDT. Mais devant l’incapacité du gouvernement à protéger et à stocker les récoltes de blé du pays, la Tunisie a importé jusqu’à fin octobre 2019 près de 514 mille tonnes de blé dur (442 millions de dinars MDT), 462 mille tonnes d’orge (322 MDT) et 1081 mille tonnes de blé tendre (734 MDT).

Par ailleurs, l’Etat n’est pas en train de jouer son rôle de régulateur du marché. Par exemple, la Tunisie s’attend, cette saison, à une récolte record d’huile d’olive alors que les prix de vente des olives connaissent, ces derniers jours, une forte baisse qui met l’agriculteur dans l’incapacité de couvrir les dépenses de la production.

D’autre part, il y a lieu de signaler que ce secteur manque de financement. En effet, la Banque Nationale Agricole ne détient que 35% de son portefeuille de prêts aux agriculteurs. Sachant que  les prêts à l’agriculture représentent un maigre 4% de l’ensemble des prêts.

Le mépris de l’élite tunisienne à l’égard de l’agriculture prévaut encore, alors que de nombreux jeunes semblent se contenter de vivre maigrement dans les villes plutôt que de gagner un meilleur revenu sur leurs terres.

Solution potentielle

L’agriculture peut contribuer à créer des emplois dans le pays et participer significativement à la relance économique mais il faut inaugurer une nouvelle ère de prise de décision rationnelle surtout au niveau des grandes exploitations afin d’encourager la production à grande échelle.

La Tunisie doit développer la production et l’exportation d’huile de qualité et de dattes ce qui apportera des recettes précieuses en devises.

Le secteur agricole contribue infiniment plus au développement du pays que quelques milliers de touristes qui achètent des séjours à des prix bradés. Par ailleurs, l’exportation des dattes cette année continue sa tendance haussière, avec une croissance respective de 9% sur la quantité exportée et d’environ 25% sur le volume des exports des dattes en dinar, et ce, par rapport à la même période de la saison précédente.

La Tunisie pourrait aussi développer de nombreuses productions de niches, telles que les amandes. En effet, la Californie fournit 80% de toutes les amandes consommées dans le monde et l’UE importe 70% de sa consommation de ce produit. Pourquoi l’État n’encourage-t-il pas la plantation d’amandiers et de pistachiers: un produit de grande valeur et sur lequel l’UE n’impose aucun quota?

Amine BEN GAMRA. Expert Comptable – Commissaire Aux Comptes- Membre de l’Ordre des Experts Comptable de Tunisie.

 

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