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Les enjeux du voyage de Bouden dépassent de loin quelques milliards de dollars

Les enjeux du voyage de Bouden dépassent de loin quelques milliards de dollars

La Tunisie, aux caisses exsangues, attend beaucoup du déplacement de la Première ministre, Najla Bouden (il faut bien l’appeler comme tel, vu la place démesurée que prend le chef de l’Etat, Kaïs Saïed). Ce voyage sera-t-il, une fois de plus, sous le sceau ‘un petit tour puis s’en va’, sans retombée économique notable ? Pas tout à fait, puisqu’il est d’usage de ramener toujours quelque chose à la maison dans ce type de périple. A ce niveau on ne joue pas. Les choses sont calées depuis un bail et Bouden n’aurait pas avalé autant de kilomètres si elle n’avait pas la certitude de ramener dans ses valises des espèces sonnantes et trébuchantes. Reste les autres enjeux de cette affaire, et ils sont au moins aussi importants que les précieux sous que la Tunisie va ramasser…

Colère feinte de Saïed ou vrai basculement ?

Dans les dernières saillies et discours enflammés du président de la République, Kaïs Saïed, contre le FMI, les agences de notation, les Américains, l’Union européenne et tout le toutim, on a senti un point de basculement. Du moins dans le ton. Dire les choses de cette façon, avec cette véhémence, en direction de ses “amis”, partenaires et soutiens, on ne l’a jamais vu depuis la dite Révolution. Pour la simple et bonne raison qu’on ne mord pas la main qui vous nourrit. Trop risqué ! Et justement la Tunisie a usé et abusé de l’assistance étrangère depuis le départ de Ben Ali.

Mais ne rêvons pas – je le dis surtout pour les plus radicaux parmi les fans de Saïed : la rupture avec le FMI et toute la cohorte de ceux qui portent à bout de bars le pays du jasmin depuis une décennie, ce n’est pas pour demain. Et c’est le gouverneur de la la Banque centrale de Tunisie (BCT) lui-même, Marouane El Abassi, qui le dit. «La sortie de la crise actuelle ne sera ni facile ni imminente. Nous avons tellement perdu en termes d’investissement et d’épargne, que la conjonction des efforts de toutes les parties prenantes est plus que jamais nécessaire pour préparer le terrain à la relance de l’investissement (…). Ce plan de stabilisation macroéconomique fait aussi l’objet de discussion avec les principaux bailleurs de fonds, notamment, le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale», a déclaré le patron de la BCT à la 42ème assemblée générale de la Chambre tuniso-allemande de l’industrie et du commerce (AHK). Avant d’asséner : «contrairement à ce que véhiculent certains médias, les discussions avec le FMI ne se sont jamais arrêtées». Les choses sont claires… et nettes.

L’Arabie saoudite, une amie qui nous veut du bien ?

La rupture avec le FMI est une vue de l’esprit. D’abord parce que la Tunisie a des liens organiques avec son principal bailleur, ne serait-ce que par le paquet de sous qu’elle lui doit et qu’il faudra rembourser, de toute façon. Ensuite la Tunisie sait pertinemment que c’est sur le FMI qu’il faudra compter pour conduire des réformes qui accompagnent l’appui financier. L’argent des pays du Golfe, de l’Algérie ou de la Libye, sans aucun élan de réforme, ce n’est absolument pas dans l’intérêt de la Tunisie. Et ça si Kaïs Saïed ne le sait pas, le ministre des Finances et son armada d’experts, sans parler du gouverneur de la BCT, le savent très bien. En fait le chef de l’Etat joue au pyromane, par des propos incendiaires, ensuite les services de ce même Etat courent pour éteindre le feu. Ce que dit Saïed plait à ses fans et fanas, mais ça ne compromet nullement les liens du pays avec ses partenaires, puisque le gouvernement fait exactement le contraire de ce qu’il dit. Et ça le président le sait bien.

Reste le basculement vers l’Arabie saoudite. Et ça c’est un peu nouveau. En fait au même moment que le Qatar et son ami turc s’effacent un peu dans l’agenda politique tunisien (“disparition” de Ennahdha oblige), l’Arabie saoudite propose ses services pour renflouer nos caisses publiques. Et c’était attendu : là où Ankara et Doha ne sont plus en odeur de sainteté, Riyadh montre le bout de son nez. Les deux camps ne mangent jamais dans la même assiette. Mais ne nous leurrons pas : “les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts“, exactement comme n’a l’a dit le général De Gaulle. Et le fait que la Tunisie ait changé de curseur en acceptant la main tendue de l’Arabie saoudite ne veut pas dire que Tunis ait effacé de ses tablettes les Qataris. De ce point de vue rien n’est figé, gravé sur le marbre. Les vérités d’aujourd’hui ne sont pas forcément celles de demain.

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