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Si l’ambassadeur américain faisait ailleurs ce qu’il fait avec Taboubi, il serait expulsé

Si l’ambassadeur américain faisait ailleurs ce qu’il fait avec Taboubi, il serait expulsé

L’affaire n’a pas fait grand bruit, et pourtant… L’ambassadeur des tout-puissants Etats-Unis d’Amérique, Donald Blome, qui s’installe dans le salon feutré du leader de la toute-puissante centrale syndicale, Noureddine Taboubi, pour parler de quoi ? Pour évoquer les affaires intérieures de la Tunisie, devant un Taboubi qui savoure l’instant. Et pas n’importe quelle affaire : Pour évoquer le Dialogue national, un sujet cher au chef de l’Etat, Kaïs Saïed et pour lequel il s’énerve volontiers, s’irrite, exclut certains, en bénit d’autres… Bref, c’est le sujet du moment, et pour cause il va certainement façonner l’avenir politique et institutionnel du pays, même si Kaïs Saïed ne pipe pas mot là-dessus. L’ambassadeur américain qui devise tranquillement avec Taboubi sur une affaire aussi délicate, sous d’autres cieux le diplomate américain aurait eu de sérieux ennuis.

Stéphane Hessel a raison, mais…

Indignez-vous ! a lancé l’ancien diplomate et écrivain français Stéphane Hessel dans son petit livre qui a fait le tour du monde. Le citoyen lambda peut et doit s’indigner sur certains sujets sociétaux, géopolitiques, environnementaux, etc., sans que ça porte à conséquence. Mais en diplomatie il faut avoir les moyens de son indignation, de sa colère. Vous imaginez le désordre monstre que créerait à Washington la convocation de son ambassadeur à Tunis par le président de la République. Déjà que la trajectoire qu’a prise Kaïs Saïed depuis le 25 juillet inquiète en haut lieu aux USA, jusqu’à valoir à la Tunisie une séance de travail au puissant et influent Congrès américain (c’est lui qui décaisse l’argent que doit dépenser le président Joe Biden, c’est lui qui fixe le paquet de l’aide financière en direction de l’étranger, etc.). Ajouter à ça une séance d’explication de l’émissaire américain chez Saïed, vous imaginez le tableau !

Quand on se farcit les problèmes qu’a la Tunisie depuis une décennie, on peut pas se permettre de mordre la main qui vous nourrit, et il se trouve que les USA font partie des pays qui nous financent, nous arment, nous donnent un coup de main avec le FMI (bon, le recours aux institutions internationales n’est pas d’actualité présentement). Quand on n’a pas les moyens de sa politique, de ses ambitions, on fait profil bas. C’est comme ça. C’est exactement le sort de Kaïs Saïed en ce moment. Il voit grand pour la Tunisie- et c’est très honorable -, vocifère contre les pays et agences de notation qui se mêlent de nos affaires, menacent de ses foudres les comploteurs de l’étranger… Mais encore faut-il qu’il ait les reins suffisamment solides pour imposer sa volonté. Et ce n’est pas le cas.

“La raison du plus fort est toujours la meilleure…”

Si l’ambassadeur américain à Tunis s’était conduit de la sorte dans un pays européen, il aurait été, à tout le moins, immédiatement convoqué à la présidence de la République pour une bonne séance d’explication. Bon, on est entre démocraties, à la limite ça se solde par une petite tape, et on passe à autre chose. En Chine, en Russie, ou même chez l’irascible Recep Tayyip Erdogan (en Turquie), c’est une toute autre musique. Dans ces Etats, très peu regardants sur les étiquettes et les usages diplomatiques bienséants, l’ambassadeur risque carrément l’expulsion pour toute incursion dans les affaires intérieures du pays.

Partout dans le monde c’est le règne absolu, ou presque, de la diplomatie de la force, de la puissance. C’est d’ailleurs ce qui fait qu’aucun Américain – je ne parle même pas de l’ancien président Georges W. Bush – ne sera jamais traîné devant un tribunal international pour les crimes commis en Irak ou en Afghanistan, alors que les dirigeants africains et de l’Europe de l’Est défilent à la barre. Quand on voit tous ces Messieurs – surtout les présidents russe et chinois – pérorer dans les Assemblées de l’ONU, les grandes rencontres internationales ou trôner fièrement au Conseil de sécurité pour causer droits de l’homme et consort, malgré toutes les horreurs qu’ils commettent chez eux, on se dit que quelque chose ne tourne pas rond dans ce monde. Que dire d’Israël, le pays qui a le plus piétiné de résolutions de l’ONU dans l’histoire de cette institution. Mais que voulez-vous, quand on est protégé par le pays de l’Oncle Sam, on peut tout se permettre ! ‘Petit’ Etat=petite diplomatie=impuissance totale. C’est la terrible réalité au pays de Kaïs Saïed. Et c’est pas près de changer…

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