C’est un joli mensonge français qui court, court, enrobé de toutes sortes d’extrapolations et d’une grosse dose de mauvaise foi. Dans la bouche des pourfendeurs des Algériens, de l’Algérie et de son régime il est devenu La vérité, la seule. Celle que l’on sérine à foison, qu’on répète à l’envi jusqu’à ce qu’elle ait valeur de vérité absolue, comme le serait un Livre sacré pour les croyants. Je parle de l’aide colossale au développement que la France verse à l’Algérie, 842 millions d’euros dit-on, dit surtout la compagne de l’infréquentable Eric Zemmour, Sarah Knafo. Elle l’a asséné publiquement – sur une radio – le 20 septembre 2024. Un grossier mensonge qui a été aussitôt éventré par des journalistes français, par la magie du fact checking, mais également par le ministère de l’Économie sur le site de TF1 Info. L’Etat algérien a vu rouge et a porté plainte contre Mme Knafo devant la Justice française. Cette dernière a débouté la plainte en un temps record. L’eurodéputée d’extrême droite a pris ça pour un blanc-seing, elle a encore dégainé son énorme mensonge sur l’Algérie le 10 janvier 2025.
Son rival au Rassemblement national (RN), le député Jean-Philippe Tanguy, s’est laissé aller à la même contre-vérité le même jour, mais au moins il n’est pas allé jusqu’à répéter cette histoire d’aide totalement fantasmée. L’élu n’a avancé aucun chiffre et pour cause les chiffres il les connait très bien, c’est son nom qui est cité pour piloter le ministère de l’Economie et des Finances si le RN gagne les élections. Les bons chiffres, les ministres de l’Intérieur et de la Justice, Bruno Retailleau et Gérald Darmanin, les connaissent tout aussi bien, tout le gouvernement français les connait. Mais ils se gardent de les sortir pour dissiper définitivement l’enfumage de Mme Knafo.
Retailleau et Darmanin parlent de représailles avec les visas, avec les Accords de 1968, etc., mais jamais des chiffres de l’aide au développement parce que l’argumentaire ne sert pas leur logorrhée incendiaire sur l’Algérie, leur agenda politique. Cette mauvaise foi manifeste entretient un mensonge qui ternit l’image d’Alger et c’est exactement ce que cherchent ses ennemis. Ce que Paris sait et qu’il refuse de trancher définitivement, l’agence officielle Algérie Presse Service (APS) le fait. APS monte toujours au front quand elle juge que la France en fait un peu trop, elle est revenue sur cette fumeuse aide au développement. L’agence clôt le débat avec ce communiqué très copieux :
“Dans une sorte de concours Lépine à la meilleure sanction, c’est à qui proposerait la mesure la plus rude, la plus dure, la plus dissuasive et la plus spectaculaire contre notre pays. Parmi toutes ces mesures proposées, celle se rapportant à une prétendue aide au développement est incontestablement celle qui retient l’attention et mérite légitimement un traitement à part.
Cette partie de la France à laquelle l’Algérie souveraine et indépendante est restée en travers de la gorge, tourmente sa conscience jours et nuits et l’empêche de dormir sur ses deux oreilles, cette partie là de la France ressasse des propos trompeurs et éculés, elle est facilement oublieuse, elle les répète alors qu’elles produiront, tout naturellement et sans surprise aucune, les mêmes effets.
Qu’est ce à dire ? Dans des circonstances qui rappellent à certains égards celles que vit la relation algéro-française aujourd’hui, la même France revancharde et haineuse avait proposé en 1994 de mettre fin à ce qu’elle présentait indûment comme une aide française au développement de l’Algérie.
Or, cette prétendue aide n’existait que dans son imaginaire et dans sa vision fantasmée d’une Algérie toujours dépendante, mais ingrate à l’égard de la France. En réalité, il s’agissait de “crédits fournisseurs” qui aidaient les entreprises françaises à sauvegarder leur part du marché algérien et lui imposer de garder son tropisme français. L’Algérie avait alors pris les devants et annoncé, elle-même, officiellement, qu’elle renonçait définitivement à ce mécanisme de financement des exportations françaises, présenté faussement comme une aide à l’Algérie.
Aujourd’hui, l’histoire se répète et avec elle se répètent aussi les mêmes erreurs françaises du passé. Aujourd’hui, comme hier, il n’y a pas d’aide française au développement de l’Algérie. Cette aide n’existe absolument pas et n’a même pas un début de réalité dans l’économie algérienne.
Il y a dans l’économie algérienne des exportations françaises, dont le montant s’est élevé en 2023 à 3,2 milliards USD. Il y a dans l’économie algérienne des investissements français, dont le stock est de 2,5 milliards USD, loin, très loin de rivaliser avec les principaux investisseurs étrangers en Algérie, à l’image des Etats-Unis d’Amérique, de la Turquie, de l’Italie, du Qatar, du Sultanat d’Oman, de l’Egypte et de tant d’autres pays amis. Il y a, enfin, dans l’économie algérienne le bénéfice à outrance de la commande publique algérienne qui se monte à des milliards de dollars et qui a fait le bonheur de nombre d’entreprises françaises dont elle a sauvé certaines parmi les plus prestigieuses de faillites annoncées.
Voilà la réalité de l’implication française dans l’économie algérienne. Voilà la réalité incontestable, irréfutable et têtue. Le reste, tout le reste, participe de la tromperie éhontée et du fantasme incorrigible.
En dehors de cela, il y a des miettes que l’on peut, très généreusement, considérer comme relevant de l’aide publique au développement. Quelle est la part réelle de ces miettes dans la relation économique algéro-française ?
Au titre de l’année 2022, les statistiques de la Commission européenne indiquent que le montant global de cette aide s’établit à près de 130 millions d’euros. On voit bien déjà qu’on est très loin du chiffre féerique de 800 millions d’euros avancé ici et là dans la nébuleuse de la droite française.
Encore, faut-il le souligner, il s’agit là de statistiques européennes consolidées sur la base d’informations provenant de la partie française. Car, du côté algérien, les estimations de la valeur des aides au développement reçues de la France n’excèdent pas le chiffre, si dérisoire, de cinq (5) millions d’euros. Et encore, ces fonds sont strictement liés à la mise en œuvre de projets de coopération bilatérale, dont l’inscription au titre de la catégorie de l’aide publique au développement est sujette à discussion et nullement acquise d’office.
Mais, il y a plus important encore, l’affectation de ces fonds et leur utilisation. Là aussi, les statistiques que nous fournit la Commission européenne sont édifiantes à plus d’un titre. En prenant toujours l’année 2022 comme année de référence, il y a lieu de constater deux données difficilement réfutables:
– La première donnée étant que 80% de la soi-disant aide annuelle fournie par la France à l’Algérie ne quitte même pas le territoire français. Cette partie, dont la valeur totale dépasse les 106 millions d’euros est affectée directement aux écoles et aux universités françaises en vue d’encourager ces établissements à accueillir des étudiants algériens. Le choix des spécialités s’opère, bien évidemment, dans le respect des priorités de la France et des besoins de son économie.
– La seconde donnée est, quant à elle, liée au fait que les 20% qui restent de cette soi-disant aide au développement de l’Algérie sont orientés vers le financement d’actions qui servent principalement les intérêts de la France en Algérie. Ces actions incluent, entre autres, la promotion de la langue et de la culture française, le soutien aux ONG françaises autorisées à opérer en Algérie, ainsi que la consolidation de la présence économique de la France dans notre pays. Autant dire qu’il ne reste que des miettes aux secteurs techniques censés être les principaux bénéficiaires de ces programmes.
Au vu de ces données, on ne peut s’empêcher de conclure que la prétendue aide publique française au développement de l’Algérie n’est autre qu’une opération de transfert de fonds de la France, vers la France et au profit de la France. L’Etat algérien n’y gagne absolument rien, dans la mesure où il n’est associé ni à la conception de cette aide, ni à son orientation, ni encore moins à sa mise en œuvre sur le terrain.
Force est, ainsi, de constater qu’il n’y a, en réalité, pas d’aide publique française au développement de l’Algérie au sens généralement reconnu à ce terme. Il y a plutôt une grande œuvre mystificatrice visant à projeter l’image d’une France engagée dans le respect de ses obligations internationales. Il y a là, aussi, une supercherie honteuse tendant à promouvoir l’image d’une Algérie récipiendaire d’une aide française désintéressée dont elle ne peut se passer.
Et il y a là, enfin, un abus de langage visant à couvrir, plutôt mal que bien, un acharnement qui tente, en vain, de perturber la marche résolue de l’Algérie vers l’accomplissement de son destin.
Au bout du compte, on est tenté d’éviter à cette partie de la France, qui croît qu’elle a toujours quelque chose à solder avec l’Algérie, de se fatiguer dans la recherche d’un moyen pour mettre fin à la prétendue aide de la France au développement de l’Algérie. Comment l’aider, sinon en l’assurant que si cette aide existe, l’Algérie est prête à y renoncer volontiers et de bon cœur”.
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