Economie

Analyse – Bloquant l’investissement, l’inflation en Tunisie engendre un coût de capital négatif

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La guerre en Ukraine a eu des effets immédiats sur le marché des produits de base par le biais de prix plus élevés et d’une volatilité prononcée, ce qui entraînera des effets secondaires de l’inflation et une aggravation de l’insécurité alimentaire, indique un récent rapport de la Banque mondiale. 

Le rapport examine les impacts humanitaires et économiques de la guerre, notant qu’elle a menacé la stabilité des relations géopolitiques. La production économique en Europe et en Asie centrale devrait se contracter de 4,1% en 2022, ce qui est en fait le deuxième choc majeur et la deuxième récession régionale en deux ans. 

Les canaux de transmission de la crise

L’impact économique de la guerre s’est fait sentir à travers de multiples canaux mondiaux, notamment les marchés des produits de base et financiers, les liens commerciaux et migratoires et la confiance, a déclaré la Banque mondiale. 

Les prix du blé ont augmenté de 40% depuis le début de la guerre en février. La guerre a perturbé les saisons de plantation et de récolte en Ukraine, y compris d’autres cultures telles que le maïs, l’orge et le tournesol ; détruit des champs, des infrastructures et une production critique ; et stoppé la navigation depuis la mer Noire. 

La Russie et l’Ukraine représentent un quart des exportations mondiales de blé, plusieurs pays importent 75% ou plus de leur blé de Russie et d’Ukraine. 

Les ports russes fonctionnent mais les prix des assurances ont grimpé en flèche et ont empêché les cargaisons de partir, a déclaré la Banque mondiale. 

Les intrants de production agricole connaissent également des pénuries et des prix en hausse. La Russie et la Biélorussie, qui font l’objet de sanctions internationales, fournissent 38% du marché mondial en valeur des engrais potassiques, 15% des engrais azotés et environ 17% des engrais composés. La Russie est le plus grand exportateur mondial d’engrais, représentant 13% des exportations mondiales. 

La Russie est également un important fournisseur de gaz naturel, un intrant clé dans la production d’engrais azotés – la hausse des prix du gaz naturel a déjà doublé le prix des engrais. 

La deuxième plus grande entreprise d’engrais au monde a annoncé une réduction de 50% de sa production en Europe en raison de ces contraintes. 

Répercussions sur l’inflation

La hausse des prix des matières premières devrait avoir des effets secondaires, se répercutant sur l’inflation et l’aggravation de l’insécurité alimentaire, a déclaré la Banque mondiale. Les prix alimentaires mondiaux approchaient déjà des niveaux record avant la guerre. Les restrictions commerciales sur les produits agricoles, y compris les quotas de licences plus stricts introduits par la Russie avant la guerre et les interdictions d’exportation annoncées en mars, devraient exercer une pression supplémentaire sur les prix des denrées alimentaires. 

Les perturbations physiques et logistiques associées à l’invasion, aux sanctions et à la hausse des prix des matières premières sont susceptibles de se répercuter sur les chaînes de valeur mondiales, exacerbant les tensions actuelles et allongeant les délais de livraison et les coûts de production élevés pour les fabricants du monde entier, précise-t-on. 

L’inflation en Tunisie engendre un coût de capital négatif

Evidemment, la Tunisie est largement exposée où l’inflation est devenu un phénomène endémique et rampant et ravivé par l’envolée des prix de l’énergie et des produits de base avec des déficits énergétique et alimentaire qui ne cessent de se creuser.

Les chiffres de l’inflation édités par l’INS sont biaisés et ne reflètent en aucun cas l’inflation ressentie par des millions de ménages vivant dans la précarité d’autant plus que les autorités maintiennent d’une manière délibérée une méthodologie archaïque pour calculer l’indice des prix à la consommation afin de présenter des chiffres d’une inflation dont le taux ne dépasse pas 7 ou 8%, en glissement annuel.

A titre indicatif, l’indice en question ne prend pas dans le calcul de l’inflation, l’évolution des prix des services de télécommunications, des biscuits, du savon parfumé, du shampooing, des articles d’hygiène, des produits de lessive, des jus, et de centaines d’autres produits jugés « non nécessaires ».

Les marchés hebdomadaires, les souks populaires et les points de ventes classés « informels » qui sont dispersés par centaines de milliers au pays ne font pas partie des lieux où l’INS fait ses enquêtes périodiques pour le calcul de l’indice des prix à la consommation relatant ainsi une inflation largement minorée par rapport à la réalité. 

Lors de sa réunion tenue le 30 mars 2022, le conseil d’administration de la banque centrale de Tunisie a examiné les évolutions économiques et financières et a décidé de maintenir le taux directeur de la banque inchangé à 6,25%, le coût du capital est désormais négatif au vu d’une inflation de 7,2% ce qui constitue un frein de plus pour le financement et l’investissement productif.

Le Conseil a exprimé, à ce titre, sa préoccupation quant aux risques haussiers entourant la trajectoire de l’inflation en soulignant la nécessité d’entreprendre, dans les plus brefs délais, les réformes structurelles nécessaires permettant d’assainir les finances publiques et de renouer avec une croissance saine, durable et inclusive. Toutefois, par manque de volonté et surtout de compétence, ces réformes tardent à être mises en œuvre.

La BCT a réitéré encore une fois son appel à l’extrême vigilance vis-à-vis de l’incidence de la crise russo-ukrainienne sur les équilibres macroéconomiques globaux. 

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Publié par
Mohamed Ben Abderrazek