Economie

Analyse – La Tunisie subira-t-elle les répercussions de la stagflation à la zone euro ?

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Le terme stagflation est un condensé des mots stagnation et inflation, il désigne une inflation stagnante. Il s’agit d’une situation économique généralement marquée par un taux de chômage élevé, une hausse des prix et une croissance détériorée.

Ce phénomène a été constaté à partir des années 1960 et jusqu’en 1980 notamment en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Pour faire face à cette situation de crise, les gouvernements ont optés pour des politiques de rigueur dont le but était réduire l’inflation en augmentant les taux bancaires et en diminuant les budgets publics.

La stagflation peut être due à une création monétaire massive, ce qui engendre l’hyperinflation. Un accroissement trop important des prix des matières premières peut aussi limiter la capacité de production et faire accroitre les prix des biens et services, ce qui crée l’inflation et bloque l’économie. Ceci correspond amplement à la situation qui mine actuellement les économies de plusieurs pays développées et à faibles et moyens revenus.

Selon une note d’analyse récente de Natixis Corporate & Investment Banking, quoi qu’il en soit, la macro-économie 2022 est déjà clairement sur une trajectoire différente de celle d’il y a quelques mois, là où il y avait une croissance encore forte et une inflation amenée à se normaliser, c’est désormais l’inverse qui se dessine : moins de croissance et plus d’inflation.

Dans une hypothèse d’un conflit qui ne dégénère pas, c’est grosso modo un point de moins de croissance mondiale et 2 points d’inflation en plus avec des disparités énormes entre pays. L’Allemagne dont la croissance était attendue à plus de 4% de croissance ne devrait pas faire mieux que 1,9%. Un arrêt brutal des importations de gaz et de pétrole russe pourrait rapprocher l’Europe de la récession (Allemagne, Italie et pays de l’Est étant les plus impactés). Si cela couterait ½ pt de croissance à la France ce serait plus proche de 2 points de moins pour la croissance allemande. Quant à l’inflation, même en l’absence d’embargo total, elle devrait se rapprocher de 8% dès la fin du mois courant.

Pour l’instant, après déjà une forte révision le mois dernier de -1,1 point, Natixis abaisse de nouveau la croissance zone euro de 0,4 point à 2,7% avec une France attendue à 3,1% (-0,2 après -0,7 déjà le mois dernier), l’Italie à 2,6% (-0,3) ou l’Espagne à 3,3% (-0,7). Le pic d’inflation devrait être atteint en juin / juillet après de 8% avec 6,5% en moyenne sur l’année (5,5% le mois dernier).

En Tunisie, les chiffres officiels ont révélé que l’économie tunisienne a réalisé une croissance de 3,1% sur l’ensemble de l’année 2021. L’Institut National de la Statistique a déclaré que le produit intérieur brut (PIB) avait augmenté de 1,6% au dernier trimestre 2021, sur une base annuelle.

​​​​​​​Au mois de mars 2022, l’inflation a confirmé sa tendance haussière en augmentant à 7,2% après 7% en février et 6,7% en janvier. Cette progression est expliquée essentiellement par l’accélération du rythme des hausses des prix des groupes de l’alimentation, des articles de ménage et entretien courant du foyer et des produits manufacturés et des services. Les prix des produits libres ont augmenté de 7,4%. Les produits alimentaires libres ont connu une hausse de 9,7%.

Sur un autre plan, le nombre de chômeurs estimé pour le troisième trimestre 2021 s’élève à 762,6 mille du total de la population active, contre 746,4 mille chômeurs pour le premier trimestre 2021 ; soit 16 mille chômeurs de plus sur le marché du travail. Ainsi, le taux de chômage est de 18,4% contre 17,9% au deuxième trimestre.

Tous les ingrédients sont ainsi réunis pour considérer la Tunisie comme un pays en pleine stagflation, d’abord par l’ « importation » de ses facteurs de son premier partenaire commercial et financier qui est l’UE, fortement exposé à ce fléau et ensuite à cause de la multiplication de ses causes endémiques : chômage élevé, économie de pénurie et contre-productivité sectorielle généralisé.

Parmi les signes confirmant la stagflation en Tunisie, on trouve aussi l’augmentation de la masse monétaire par le gouvernement à travers la non maitrise du budget qui est à la base d’une forte inflation dans un contexte où la croissance économique ne suit pas. L’inflation caractérisée par une hausse généralisée des prix aura pour conséquence l’érosion grave et de plus en plus lourde du pouvoir d’achat importante pour les ménages.

En outre, la hausse des prix des matières premières induira certes l’augmentation des coûts de production des entreprises, réduira leur capacité de production, et engendrera l’augmentation des prix de leurs biens pour limiter les pertes de leurs marges bénéficiaires. Cette situation durera, en Tunisie et créera une spirale inflationniste qui fera chuter la consommation, minera la croissance et empoisonnera le climat social.

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Publié par
Mohamed Ben Abderrazek