Economie

Appel à l’adoption urgente d’un cadre d’organisation et de gestion des systèmes semenciers paysans

Appel à l’adoption urgente d’un cadre d’organisation et de gestion des systèmes semenciers paysans

Actuellement, il s’observe en Tunisie, l’émergence d’un mouvement paysan en faveur du retour vers les semences paysannes. Cette émergence a été facilitée par l’action soutenue de la société civile après la révolution, notamment les associations telles que l’Association Tunisienne de Permaculture (ATP), le Groupe de Travail pour la Souveraineté Alimentaire (GTSA), les petits réseaux de semenciers locaux, quelques chercheurs engagés, etc., c’est ce que révèle une nouvelle étude publiée par Rosa Luxemburg Stiftung (RLS) et intitulée « Assurer la résilience de l’Agriculture dans la région Nord-Afrique : Les semences paysannes comme solution aux crises majeurs ».

Cette mouvance commence à gagner du terrain au niveau du débat public et à porter la cause sur différents fronts, dans les médias, au niveau de l’administration, des communautés, etc. Mais elle ne parvient pas à imposer un réel changement de politiques.

Conviction généralisée pour le retour aux semences paysannes

Le retour vers les semences paysannes est motivé par la conviction que l’ensemble du système semencier formel n’est pas durable. La recherche des semences paysannes, l’échange et l’action collective pour la constitution de banques, entrent dans la cadre de la préparation à une transition dans laquelle certains paysans s’engagent par expérience, d’autres par intuition, indique l’étude.

D’après RLS, l’uniformisation par l’usage des semences hybrides et les monocultures sont la base même de la non-résilience du système agricole dans la région de l’Afrique du Nord et en Tunisie. Ceci constitue un frein à l’adaptation au changement climatique contrairement aux variétés paysannes qui s’adaptent facilement aux conditions environnementales difficiles et ne dépendent pas de l’usage d’engrais ou de pesticides chimiques.

Les hybrides sont également chers, non renouvelables et nécessitent beaucoup d’intrants qui polluent et appauvrissent le sol. Cette dépendance touche les conditions de résilience à différentes échelles, à savoir : aux niveaux de l’exploitation, de la région et du pays. Les monocultures exposent aussi le système à une fragilité économique, sociale et environnementale. En cas de maladie, de chute des prix, de catastrophe environnementale ou de rupture des chaînes du commerce mondial, l’exploitation agricole qui ne mise que sur un seul produit se retrouve en crise grave qui induit très souvent l’abandon de l’activité.

Nécessité d’un modèle plus résilient

La résilience d’un système de production dépend, au vu des données de l’étude de RLS, de trois facteurs essentiels : (i) l’emploi judicieux des ressources, (ii) l’adaptation de la production au climat et à la culture alimentaire, (iii) la capacité du tissu des exploitations agricoles à réagir de façon solidaire aux crises. Le modèle conventionnel provoque l’accaparement des ressources et la dévalorisation du travail, ce qui provoque à son tour des tensions sociales.

Il tend à augmenter la productivité de certains produits sans comptabiliser le coût environnemental, sans prendre en compte le changement climatique et sans rattachement au marché local ce qui détériore l’environnement et épuise les ressources sans satisfaire la fonction sociale de la paysannerie qui est de nourrir les populations. Enfin, il tend à transformer les paysans en « ouvriers agricoles » et fini par les déposséder de leurs biens et du fruit de leur travail.

Il sied de procéder à des réformes pour mettre en place un système favorable aux acteurs principaux de la production agricole, les paysans et leurs familles, à l’environnement et à la biodiversité, et qui profite au pays en termes d’accès à une alimentation saine, localement maitrisée et à l’abri des aléas climatiques et de la conjoncture internationale comme la COVID-19 et la guerre en Ukraine.

Ceci appelle, selon l’étude, un modèle agricole fondamentalement différent, basé sur la diversification des exploitations et des paysages agricoles, le remplacement des intrants chimiques, l’optimisation de la biodiversité et des interactions entre différentes espèces. Sur cette nouvelle base, des stratégies intégrées seraient créées, axées sur une fertilité des sols à long terme, des agroécosystèmes durables, et des moyens de subsistance sécurisés. Un tel modèle est proposé par le Groupe International d’Experts sur les Systèmes Alimentaires Durables (IPES-Food) sous le vocable de « systèmes agroécologiques diversifiés ».

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