Le président français, Emmanuel Macron, qui boucle ce mercredi 4 décembre une visite très faste – en gros contrats – en Arabie saoudite ne verra pas l’envers du décor. Comme ne l’ont pas vu les stars Jennifer Lopez et Céline Dion, venues divertir les nababs le 13 novembre. Comme ne le verront pas les nombreux spectateurs des grands combats de boxe. Comme ne l’ont pas vu les membres du Comité qui ont attribué au Prince héritier Mohammed Ben Salmane l’organisation du Mondial de football de 2034. Etc. Les Saoudiens font des pieds et des mains pour attirer les talents de la finance et investisseurs du monde entier, mais le pays se garde bien de montrer au monde le spectacle hideux des exécutions publiques. Certaines choses ont la vie dure dans le Royaume, les condamnations à mort en font partie.
303 condamnés à la peine capitale ont été exécutés depuis le début de l’année. C’est un record absolu pour Riyad. L’ONG Amnesty International, qui répertorie depuis 1990 les exécutions dans le monde, n’a pas encore pondu son rapport pour 2024, mais ce qui certain c’est que l’Arabie Saoudite y sera en bonne place, sur le podium, comme à l’accoutumée.
La Chine est la championne incontestée en la matière, avec plus de la moitié des exécutions dans le monde, d’après les évaluations (car là-bas il est impossible de trouver une information qui ne soit pas infectée par la propagande). On parle de milliers de personnes exécutées chaque année en Chine. L’Iran est à la deuxième position, avec 853 personnes exécutées en 2023 selon l’organisation de défense des droits humains.
Les choses s’emballent en Arabie saoudite, après les 172 exécutions de l’an dernier. Le précédent record avait été établi en 2022, avec 196 exécutions. Taha al-Hajji, directeur juridique de l’ONG l’European Saudi Organisation for Human Rights, juge que les chiffres de 2024 sont «incompréhensibles et inexplicables», il est stupéfait par la «vitesse» à laquelle les vies humaines sont fauchées.
«Ce sombre bilan montre le mépris flagrant des autorités saoudiennes pour le droit à la vie et contredit leurs propres promesses de limiter le recours à la peine de mort», a commenté Lina al-Hathloul, responsable de la communication de l’organisation de défense des droits humains ALQST. En dépit du combat que mènent les ONG le premier exportateur mondial de pétrole reste inflexible, soutenant mordicus que la condamnation à mort est «nécessaire au maintien de l’ordre public».
Pourtant en 2022 Ben Salmane avait confié à “The Atlantic” que son pays avait décidé de réserver la peine capitale aux crimes qui heurtent les citoyens. Promesse non tenue. «Les chiffres ne mentent pas et contredisent complètement ces déclarations», a glissé Taha al-Hajji. Depuis 2015, date à laquelle le roi Salmane a pris les rênes, l’Arabie Saoudite a signé plus de 1000 exécutions, alors que le monarque s’était engagé à desserrer l’étau sur la société saoudienne et à moderniser le système judiciaire.
Depuis le début de cette année 45 personnes ont été exécutées pour «des affaires liées au terrorisme» et au moins 103 pour trafic de drogue, soit plus d’un tiers du total. L’hécatombe est telle que les Nations unies ont demandé à Riyad de stopper les exécutions pour trafic de drogue, qui sont très loin des standards internationaux. A noter que parmi les 303 personnes exécutées depuis janvier 2024 il y a 113 étrangers, majoritairement condamnés pour trafic de drogue. Un record de plus.
Des records que le royaume dispute avec son voisin et adversaire, pour ne pas dire ennemi, l’Iran. Téhéran affiche plus de 400 exécutions depuis janvier dernier. Une “compétition” folle, funeste, dont on ne voit pas le bout et qui est surtout en déphasage total avec la modernité apparente dans ces pays, avec la marche du monde et les progrès humains à tous les niveaux.
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