Le marché algérien ne sera pas le seul problème du blé français cette année (il aurait été viré des appels d’offres internationaux), il y a toutes ces portes qui resteront fermées sur le marché mondial. La raison de ce cataclysme majeur pour un secteur qui pèse lourd : Une baisse drastique des rendements du blé français et la mauvaise qualité de la maigre récolte à cause d’«une année exceptionnellement pluvieuse». La pluie c’est très bien, mais quand il y en a trop au mauvais moment ça fait de sacrés dégâts…
C’est la soupe à la grimace pour les producteurs français de blé. Et comme on le sait “le malheur des uns fait toujours le bonheur des autres”, là en l’occurrence c’est la Russie qui se frotte les mains. Le premier exportateur mondial de blé fera une percée historique sur le très juteux marché algérien en 2024. D’après un communiqué de la mission commerciale de la Russie en Algérie repris par l’agence Reuters les commandes de céréales russes par l’Algérie «pourraient atteindre 3 millions de tonnes au cours de la saison 2024/25».
Fin août dernier les Grands Moulins de Paris évoquaient «une récolte atypique», avec un exemple qui témoigne de l’ampleur du sinistre : “dans la zone de récolte de la coopérative VIVESCIA un taux de protéine moyen et du Temps de Chute d’Hagberg (TCH) des valeurs supérieures à 220 secondes suite à des cas de germination de grains sur épis“. C’est un jargon de spécialiste, la seule chose à retenir c’est qu’il y a le feu au lac…
La situation est telle que les blés meuniers pourraient être déclassés en blés fourragers du fait d’une farine devenue impropre à la panification. Et puis il y a le risque de mycotoxines potentiellement cancérogènes pour cause de rafales de pluie tombées durant l’épiaison et favorables à la propagation de la fusariose sur épi, rapporte Intercéréales, le porte-voix de la profession en France.
Même le poids spécifique n’est pas épargné, il ne franchit même pas le seuil des 76 kg/hl requis, ce qui rogne sérieusement la valeur des récoltes et par conséquent les revenus des agriculteurs. Aux problèmes de rendement et de qualité du blé s’ajoutent la fonte des prix du fait d’une offre surabondante de blé russe sur le marché mondial…
C’est la double punition pour les céréaliers français : ils «vont vendre moins et moins cher cette année !», s’alarment les syndicats. Début août 2024 le président de l’influente Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), Arnaud Rousseau, disait sur la radio France-Infos que les pertes sont de «l’ordre de 30 000 à 40 000 euros» pour une exploitation agricole moyenne.
Fin août dernier Agreste, un organisme du ministère français de l’Agriculture, indiquait ceci : «En 2024, la production de blé tendre est estimée à 26,3 millions de tonnes (Mt), une des plus faibles récoltes des 40 dernières années». Dans un communiqué publié fin juillet 2024 la Coordination Rurale (CR) avertissait que la France «court à la catastrophe : En moyenne, les producteurs français récoltent 30% de céréales en moins par rapport à 2023».
Un recul des recettes céréalières alors que le coût des engrais est très haut et que le carburant dépasse 1 euro le litre avec des pics à 1,4 euros. Si l’Office Algérien Interprofessionnel des Céréales (OAIC) continue de verrouiller la porte face au blé français la filière céréalière remettra difficilement dans les prochaines années, l’Algérie étant l’un premiers importateurs de blé au monde.
Et le pire est à venir si le blé ukrainien monte en puissance sur les places mondiales grâce au coup de main de l’Union Européenne (UE). Les céréaliers français exigent des aides pour survivre à la mauvaise récolte de 2024. Dans son communiqué la CR insiste pour une réunion avec le ministre de l’Agriculture «afin de réfléchir à un plan de sauvetage des exploitations céréalières»…
Il martèle que sans un report des versements pour les cotisations sociales et les échéances de remboursement auprès des banques «les céréaliers ne pourront pas payer». Arnaud Rousseau a demandé sur France Infos que les «enveloppes de crise» mises à disposition par l’UE «soient rapidement activées».
Les céréaliers exigent un coup de pouce alors que le gouvernement de Michel Barnier se débat dans les déficits publics historiques laissés par Bruno Le Maire – il a bon dos, c’est tout le pays qui a dérivé. Alors est-ce que les agriculteurs voudront bien entendre la voix de la raison, celle des économies d’argent, de l’orthodoxie budgétaire ? Verra-t-on prochainement le retour des tracteurs pour paralyser des pans entiers de l’économie du pays ? La réponse dans les semaines qui viennent…
Laissez un commentaire