La tension s’intensifie entre la France et le Niger autour du secteur stratégique de l’uranium. La société française Orano, détenue à 90 % par l’État français et spécialisée dans le combustible nucléaire, a lancé un signal d’alarme ce jeudi : sa filiale nigérienne Somair est au bord de la faillite.
Selon les déclarations relayées par Reuters, cette situation résulte directement des restrictions imposées par les autorités militaires de Niamey sur les exportations d’uranium, ainsi que de la décision unilatérale de nationaliser l’entreprise minière.
Une rupture progressive entre Orano et Niamey
Le projet commun Somair, autrefois au cœur du partenariat minier franco-nigérien, a vu sa situation se détériorer depuis le coup d’État militaire de juillet 2023. En décembre 2024, les nouvelles autorités de Niamey ont pris le contrôle opérationnel de l’unique mine d’uranium active du pays, gérée jusque-là par Orano via Somair.
Le mois dernier, cette mainmise a été officialisée par une annonce de nationalisation, considérée par l’entreprise française comme une escalade grave du conflit latent.
Pour Orano, cette décision s’inscrit dans un climat de divergences croissantes sur la gestion des ressources minières et les intérêts stratégiques en jeu.
Un actif stratégique fragilisé
La Somair représentait jusqu’à 15 % des approvisionnements en uranium d’Orano lorsque la mine fonctionnait à pleine capacité. Le Niger, septième producteur mondial d’uranium, constitue un pilier essentiel du portefeuille de matières premières nucléaires pour la France et l’Europe.
Orano affirme avoir alerté dès octobre 2024 sur la dégradation financière de Somair, soulignant que la poursuite de l’exploitation sous contrainte, malgré les pertes croissantes, ne faisait qu’aggraver la situation.
Aujourd’hui, selon l’entreprise, l’absence de coopération et le maintien de l’activité dans un contexte économique défavorable mènent inexorablement vers la cessation de paiement.
Une crise à implications géopolitiques
Pour Paris, ce dossier dépasse la seule sphère économique. L’enjeu est stratégique : maintenir un accès stable et sécurisé à une ressource indispensable à l’industrie nucléaire française. Orano représente une pièce maîtresse de l’autonomie énergétique nationale.
Le bras de fer entre Orano et les autorités nigériennes s’inscrit dans un contexte plus large de réaffirmation de la souveraineté économique du Niger depuis le changement de régime. La récente montée des tensions autour d’autres matières premières comme l’or ou le charbon reflète une volonté assumée de redéfinir les partenariats avec les anciennes puissances coloniales.
Pour l’heure, le ministère des Mines du Niger n’a pas répondu aux demandes de commentaires transmises par Reuters. L’avenir de la Somair, et plus largement de la coopération énergétique entre les deux pays, demeure suspendu à une clarification politique de la situation.
Analyse stratégique
La perte du contrôle de la Somair fragilise non seulement Orano mais interroge aussi l’ensemble de la stratégie française d’accès aux ressources critiques en Afrique de l’Ouest. L’épisode met en lumière la vulnérabilité des entreprises dépendantes de régimes instables et la nécessité pour les États européens de repenser leurs chaînes d’approvisionnement.
Le Niger, en reprenant la main sur ses ressources, envoie un message fort aux autres États africains engagés dans des accords de longue date avec des multinationales étrangères. Toutefois, la nationalisation sans solution de viabilité financière pourrait à terme compromettre la rentabilité de l’exploitation et nuire au développement du secteur minier local.
Pour Orano, le défi sera désormais de sécuriser de nouveaux approvisionnements, tout en évitant de perdre son ancrage dans une région historiquement stratégique pour sa croissance.
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