Economie

Cession des entreprises publiques : Un grand jeu d’écritures comptables

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La ministre des Finances, Sihem Nemsia, a assuré dans une déclaration médiatique le 3 novembre courant que le document des réformes proposé au fonds monétaire international (FMI) ne prévoit la privatisation d’aucune entreprise publique. L’orientation du gouvernement consiste, selon la ministre, à réformer et à restructurer les entreprises publiques, notamment celles à dimension stratégique.

Toutefois, Kristalina Georgieva la directrice générale du FMI a déclaré fin octobre dernier que « la privatisation des entreprises publiques tunisiennes est une intention formulée et proposée par les autorités tunisiennes et non pas une instruction dictée par le Fonds » ce qui contredit totalement ce qui a été avancé par Sihem Nemsia.

D’ailleurs, le bal des privatisations est déjà ouvert avec la décision des autorités ces derniers jours de la recherche d’un actionnaire de référence pour acquérir une part d’au moins 60% du capital de la Société Tunisienne de Sidérurgie « El Fouladh ».

L’Etat tunisien supportera le remboursement des dettes de la société à céder, sur une période de 25 ans, aux banques publiques qui sont ses principaux créanciers.

Toute l’opération se solde ainsi par une écriture comptable au niveau des bilans des banques dans une logique où elles seront celles qui supporteront le fardeau de la dette d’El Fouledh en dernier ressort.

Cependant, cette manœuvre constitue une pratique courante sur la place financière en Tunisie et ce, depuis plusieurs années et qui s’illustre à travers l’endettement du Trésor public auprès des établissements de crédit via l’émission de bons d’Etat pour juguler le déficit budgétaire rampant, sans aucune contrepartie au niveau de l’économie réelle.

Mieux encore, l’octroi de prêts par les banques à l’Etat se fait souvent dans le cadre d’opérations de rééchelonnement – non annoncées – suite au non-règlement d’échéances de prêts qui est de plus en plus fréquent, ces derniers mois. 

C’est d’ailleurs pour cette raison que Moody’s Investors Service a dégradé le 4 octobre dernier les notations de dépôts à long terme Caa1 de cinq grandes banques tunisiennes en évoquant l’exposition directe des banques au risques de souscription aux bons du Trésor pour financer le budget de l’Etat ce qui pourrait éroder leurs fonds propres de 53% et menace la qualité de leurs actifs.

Aussi, Moody’s estime que l’exposition totale des banques aux crédits à l’État est assez importante – environ 1,1 fois de leurs fonds propres et ce, en tenant compte des prêts aux entreprises publiques et des crédits syndiqués en devises accordés au gouvernement depuis 2017. De ce fait, elle a considéré que les seuils des fonds propres de la plupart des banques notées tomberaient en deçà des exigences réglementaires minimales ce qui pourrait mener à des recapitalisations.

Encore une fois, l’absence de planification pour gérer les grands défis économiques en Tunisie faute certainement de volonté mais aussi de compétence mènera le pays à transposer la crise de la quasi-faillite des entreprises publiques au secteur bancaire avec une prise de risque démesurée quant à sa résilience et même la continuité de son exploitation.

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Publié par
Mohamed Ben Abderrazek