Le président Kaïs Saïed a donné son feu vert à une réforme ambitieuse du Code du travail tunisien, qui vise à lutter contre la précarité, mieux encadrer les contrats et interdire la sous-traitance abusive.
Ce projet, salué comme une avancée majeure pour le monde professionnel, entend moderniser les relations de travail et aligner le droit tunisien sur les normes internationales.
L’un des changements les plus importants introduits par la réforme est la conversion automatique de tous les CDD en cours en contrats à durée indéterminée (CDI). Une fois la réforme adoptée, seuls les contrats saisonniers, les remplacements temporaires ou les hausses d’activité exceptionnelles justifieront le recours à un contrat à durée déterminée.
Chaque nouveau CDD devra être justifié par écrit, avec mention explicite de la nature temporaire du besoin. En l’absence de justification claire, le contrat sera automatiquement requalifié en CDI.
Cette mesure est conçue pour mettre fin à l’utilisation systématique des CDD pour des postes en réalité permanents.
La réforme prévoit également l’instauration d’une période d’essai de six mois, renouvelable une fois, afin de permettre aux employeurs et salariés de mieux s’ajuster. En cas de rupture du contrat pendant cette période, un préavis de 15 jours sera obligatoire.
L’un des volets les plus attendus de cette réforme concerne la sous-traitance, souvent utilisée pour contourner les obligations sociales ou salariales. La nouvelle loi interdira strictement la sous-traitance des activités essentielles d’une entreprise. Toute entreprise contrevenante s’exposera à une amende comprise entre 10 000 et 20 000 dinars. En cas de récidive, des peines de prison allant de trois à six mois pourront être prononcées.
Pour Hafedh Laâmouri, ancien ministre de l’Emploi et ex-directeur général de la CNSS, cette disposition concrétise les décisions du président Saïed annoncées le 6 mars 2024, qui visent à remettre de l’ordre dans un marché du travail longtemps laissé sans régulation stricte.
La réforme introduit aussi des garanties pour les travailleurs à temps partiel : leur salaire ne pourra être inférieur aux deux tiers du SMIG. En parallèle, ces salariés auront le droit de cumuler plusieurs emplois pour atteindre un revenu décent, tout en conservant une protection sociale minimale.
Pour les décideurs économiques et employeurs, cette réforme représente un changement profond de paradigme. Elle impose plus de rigueur dans les pratiques contractuelles, tout en sécurisant le parcours professionnel des salariés.
En réduisant la précarité, le gouvernement entend stimuler l’emploi stable, faciliter l’accès au crédit, améliorer la couverture sociale et renforcer la productivité. Du point de vue des investisseurs, ce nouveau cadre vise à renforcer la transparence du marché du travail, un facteur souvent pris en compte dans les décisions d’implantation ou d’expansion.
Ce projet marque une modernisation structurelle du droit du travail tunisien, qui s’aligne désormais davantage sur les recommandations de l’OIT (Organisation internationale du travail). Il répond à un besoin urgent d’équité dans les relations professionnelles, dans un pays où les formes atypiques d’emploi (CDD en série, travail non déclaré, sous-traitance opaque) ont longtemps nourri un sentiment d’insécurité sociale.
En renforçant la stabilité juridique des contrats et en défendant les droits des travailleurs, cette réforme ouvre la voie à un marché de l’emploi plus sain, plus équitable et plus attractif, au bénéfice de l’ensemble des acteurs économiques.
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