Enseignement

Danger : Quand la complexité des manuels scolaires risque de décourager les élèves tunisiens

Danger : Quand la complexité des manuels scolaires risque de décourager les élèves tunisiens

En Tunisie, les manuels scolaires officiels destinés aux enfants du primaire suscitent un débat croissant. L’exemple d’un texte extrait du manuel officiel de deuxième année primaire, destiné à des enfants de 7 ans, illustre les nombreuses critiques.

وجدان بنت ذكية ونشيطة. كانت تشاهد شريطا سينمائيا حول عليسة فأعجبت بإقدامها وشجاعتها. ثم خطرت ببالها فكرة طريفة. فدخلت غرفتها

بزي ي وارتدت رداء يشبه ملابس عليسة. ووضعت قناعا على وجهها وتاجا فوق رأسها.

ثم خرجت على عائلتها. رآها أخوها غسان فصاح قائلا: “من أنت؟ ماذا تفعلين؟”

فأجابته البنت قائلة: “أنا الملكة عليسة، أتيت من مدينتي الجميلة صور.”

فبادرتها الأم بالسؤال: “لماذا دخلت بيتنا؟” تشجعت وجدان وقالت: “أريد

قطعة أرض. أرجوكم لا تنزعجوا. فأنا أرضى بالقليل. أريد أن آخذ من أرضكم مقدار جلد ثور. هذا يكفيني». فتدخل الأب قائلا: «قطعة أرض؟! هذا مستحيل. نحن لا نفرط في شبر واحد من أرضنا».

وفي غفلة من البنت تقدم غسان ونزع الرداء فسقط القناع. ضحك الجميع وصفقوا وضمت الأم وجدان وقالت لها: «أنت ماهرة في تقمص الأدوار. وكل مرة أراك فيها تشاهدين البرامج الوثائقية على شاشة التلفاز أو تفتحين الحاسوب، أعرف أنك ستبدعين…»

Traduction en Français :

Wijdane, une fille intelligente et dynamique, regardait un film sur Elyssa et fut impressionnée par son audace et son courage. Elle eut alors une idée originale. Elle entra dans sa chambre, enfila une tenue ressemblant à celle d’Elyssa, se couvrit le visage d’un masque et plaça une couronne sur sa tête.

Elle sortit ensuite rejoindre sa famille. Son frère Ghassan, surpris, s’écria : « Qui es-tu ? Que fais-tu ? »
Wijdane répondit : « Je suis la reine Elyssa, venue de ma belle ville de Tyr. »

Sa mère lui demanda : « Pourquoi es-tu entrée chez nous ? »
Prenant son courage à deux mains, Wijdane répondit : « Je veux un bout de terre. Je vous en prie, ne soyez pas contrariés. Je ne demande pas grand-chose. Je souhaite simplement prendre un espace équivalant à la mesure de la peau d’un taureau. Cela me suffira. »

Le père intervint alors, étonné : « Un bout de terre ?! C’est impossible. Nous ne cédons pas un seul pouce de notre terre. »

Profitant d’un moment d’inattention, Ghassan s’approcha et retira le déguisement. Le masque tomba. Tout le monde éclata de rire et applaudit. La mère prit Wijdane dans ses bras et lui dit : « Tu es vraiment douée pour jouer des rôles. À chaque fois que je te vois regarder des documentaires à la télévision ou ouvrir ton ordinateur, je sais que tu vas faire preuve de créativité… »

Ce texte complexe, qui n’est qu’un exemple parmi des dizaines d’autres, soulève une question fondamentale : pourquoi un tel niveau de difficulté dans un programme destiné à des enfants si jeunes ?

Des mots et concepts inadaptés pour des enfants de 7 ans

Le texte en question raconte une anecdote inspirée de l’histoire d’Elissa et de la fondation de Carthage. Mais il inclut des expressions et des termes difficiles pour un petit enfant en deuxième année primaire comme :

  • تقمص الأدوار (incarner des rôles),
  • البرامج الوثائقية (programmes documentaires),
  • خطرت ببالها (il lui est venu à l’esprit),
  • مقدار جلد ثور (la mesure d’une peau de taureau).
  • نحن لا نفرط في شبر واحد من أرضنا (Nous ne cédons pas un seul pouce de notre terre)

Ces mots, bien qu’éducatifs, sont trop avancés pour des enfants de cet âge. En outre, la référence historique à la fondation de Carthage, avec des notions telles que la mesure d’une peau de taureau pour délimiter des terres, est difficile à comprendre et à assimiler pour un enfant de 7 ans.

Des parents dépassés et des enfants découragés

Pour de nombreux parents, ces dizaines de textes compliqués rendent l’accompagnement de leurs enfants presque impossible. « Comment expliquer à un enfant de 7 ans des concepts historiques et des expressions idiomatiques qu’un adulte aurait parfois du mal à comprendre ? » s’interrogent plusieurs familles.

Les parents qui n’ont pas les moyens financiers pour offrir des cours particuliers ou qui n’ont eux-mêmes pas le bagage nécessaire pour expliquer ces contenus se retrouvent impuissants face à un programme qu’ils estiment démesuré.

Résultat : les enfants qui n’ont pas d’aide extérieure risquent d’être indirectement exclus du système éducatif tunisien.

Le danger d’un apprentissage prématurément rebutant

À cet âge, l’enseignement devrait être ludique et centré sur la découverte, afin d’inculquer aux élèves l’amour de la lecture et de la connaissance. Malheureusement, ce type de programme, jugé trop chargé et peu adapté, risque d’avoir l’effet inverse.

De nombreux enseignants rapportent une baisse d’intérêt chez les enfants qui perçoivent les cours comme une obligation stressante plutôt qu’un moment d’apprentissage agréable. Ces programmes peuvent également entraîner :

  • Un décrochage scolaire progressif,
  • Une aversion pour la langue arabe, qui devient associée à des textes perçus comme inaccessibles,
  • Une perte de confiance des élèves en leurs capacités.

Une réforme nécessaire et urgente

Ce constat soulève une question fondamentale : pourquoi autant de complexité pour des enfants si jeunes ? Les experts en pédagogie s’accordent à dire qu’à cet âge, l’apprentissage doit se faire de manière simple et accessible, avec des histoires captivantes et des exercices adaptés.

Le ministère de l’Éducation, qui a la responsabilité d’élaborer des programmes équilibrés, doit envisager une réforme sérieuse de ces manuels. L’objectif est de concevoir un programme qui encourage l’éveil intellectuel et l’amour de la connaissance, sans créer un sentiment de découragement.

Les enfants sont l’avenir du pays, et leur parcours scolaire doit commencer sur des bases solides, où la curiosité et l’envie d’apprendre priment sur la difficulté et la frustration. Il est temps d’écouter les parents, les enseignants, et surtout les enfants eux-mêmes.

 

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