Dis-moi ce que tu manges

Dis-moi ce que tu manges: Chez Raouia entrepreneure de Sfax, à Ramadan le budget explose

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Tunisie Numérique s’est penchée sur les habitudes alimentaires des ménages tunisiens qui ont bien voulu partager avec nos journalistes, dans les régions, leurs modes de consommation.

L’initiative, intitulée ‘‘Dis-moi ce que tu manges’’, vise à dépeindre avec authenticité et sans préjugés la manière dont les familles tunisiennes gèrent leur budget alimentaire en période de crise.

Dans un élan de générosité et de transparence, les familles participantes, issues de divers horizons géographiques et socio-économiques de la Tunisie, ont volontairement accepté de révéler les coulisses de leur organisation domestique. Elles ont ouvert les portes de leurs garde-manger et réfrigérateurs, nous permettant ainsi d’observer de près les choix et les sacrifices qu’elles font au quotidien pour nourrir leurs proches.

À Sfax, Raouia, 42 ans, mène une vie trépidante entre son centre de beauté, qu’elle dirige avec son mari Khalil, et sa vie familiale, marquée par la chaleur et la stabilité. Spécialiste en soins esthétiques et titulaire d’un master en langue française, elle partage son quotidien avec Khalil, coiffeur talentueux formé à Paris, et leur fille Baya, âgée de 10 ans.

Passion, famille et business: Le quotidien d’une femme entrepreneure

Avec un revenu mensuel d’environ 5000 dinars, le couple consacre entre 1500 et 2000 dinars à leurs courses, hors période de Ramadan. Le rythme soutenu de leur travail les pousse souvent à commander des plats préparés dans un restaurant local spécialisé en cuisine traditionnelle. Pourtant, Raouia veille personnellement à préparer les repas de sa fille et ne transige pas sur la qualité de son alimentation, privilégiant des recettes ancestrales comme le zrir, la bsissa et la zomita, ainsi que des repas riches en légumes, fruits, viandes et poissons frais.

Le lundi: parenthèse gourmande et conviviale

Le lundi, jour de repos du couple, est consacré aux plaisirs de la table. Raouia se transforme alors en véritable chef et invite souvent des proches à savourer des plats élaborés. Elle confie que, bien qu’elle préfère les repas faits maison, la charge de travail accrue depuis l’ouverture du centre il y a dix ans l’amène à opter fréquemment pour des plats à emporter, notamment en été, période de forte activité. Néanmoins, elle choisit avec soin des repas équilibrés pour garantir une alimentation saine à sa famille.

Gérer son budget avec malice: Astuces et organisation au quotidien

Raouia gère à la fois les finances de son foyer et celles de son institut de beauté. Chaque dimanche, elle consacre deux heures aux achats au marché hebdomadaire et complète ses emplettes dans un magasin à proximité. 

Suivant de près les promotions, elle profite aussi des conseils de ses clientes, qui échangent avec elle sur les bonnes affaires et les meilleures adresses.

Lorsque son emploi du temps le permet, elle prépare plusieurs plats à l’avance et les conserve au réfrigérateur. Sinon, elle se tourne vers un restaurant, en sélectionnant des mets traditionnels adaptés aux goûts de Khalil et de Baya. 

Ramadan: Quand tradition rime avec innovation en cuisine

Avec l’arrivée du mois sacré, le quotidien de Raouia prend un tout autre rythme. L’activité du centre ralentit, les clientes se faisant plus rares en journée. 

Elle en profite pour rester à la maison et préparer les repas de l’iftar et du sahur, tandis que Khalil continue d’accueillir la clientèle jusqu’à la 27e nuit du mois sacré. Lors des deux dernières nuits précédant l’Aïd, elle rejoint son mari pour faire face à l’afflux des clientes.

Son approche des courses se modifie également : elle privilégie les marchés ruraux de Sidi Mansour et El Amra pour s’approvisionner en poissons, viandes fraîches et légumes de saison à des prix compétitifs. 

Malgré une volonté de limiter le gaspillage, le budget familial explose en cette période, atteignant 2900 dinars en raison de la multiplication des invitations et de la variété des plats préparés. 

Elle plaisante souvent en disant : « Heureusement que Ramadan ne dure qu’un mois, sinon j’aurais ruiné la famille ! »

Raouia s’attache à allier tradition et modernité dans sa cuisine : elle privilégie les grillades aux fritures et compose des menus variés; la soupe d’orge, le couscous au mérou et aux calamars, ou encore les petits pois aux boulettes de viande. 

Inspirée par les émissions culinaires et les réseaux sociaux, elle ose également des incursions dans les cuisines chinoise, turque et marocaine.

De la beauté aux fourneaux: Créativité sans limites

Pour Raouia, la cuisine et l’esthétique partagent une même essence : l’amour du détail, la passion du geste précis, et l’envie de créer une expérience unique. Tout comme elle sublime les cheveux de ses clientes, elle transforme chaque plat en une œuvre où les saveurs et les émotions se mêlent.

Le foyer est son atelier, où elle fait revivre les recettes de sa grand-mère, expérimente de nouvelles techniques et adapte les traditions aux goûts contemporains. Malgré l’évolution des outils, elle reste attachée à l’idée que « chaque époque a son charme, mais la passion, elle, ne change pas »

Ramadan: Un mois de retrouvailles et de partage

Au-delà du jeûne et des repas festifs, Ramadan représente pour Raouia une parenthèse dans son quotidien effréné. Avec la réduction de son activité professionnelle, elle profite de ce temps pour se recentrer sur l’essentiel : sa famille. Ce mois sacré est l’occasion de renouer avec les traditions, de partager des moments précieux avec Khalil et Baya, et de revivre les souvenirs d’enfance aux côtés de sa mère et de sa grand-mère.

Les soirées ramadanesques sont aussi l’occasion pour elle de resserrer les liens avec ses proches. Entre visites aux parents, veillées entre amis et accueil des invités chez elle, son foyer devient un lieu de retrouvailles où se mêlent saveurs d’antan et anecdotes chaleureuses.

Malgré un budget doublé durant cette période, elle considère Ramadan comme bien plus qu’un mois de dépenses supplémentaires. Pour elle, c’est une pause nécessaire, une opportunité de retrouver l’harmonie et de se rappeler que la vie ne se mesure pas uniquement en efforts, mais aussi dans ces instants partagés avec ceux qui comptent le plus.

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