Tunisie Numérique s’est penchée sur les habitudes alimentaires des ménages tunisiens qui ont bien voulu partager avec nos journalistes, dans les régions, leurs modes de consommation.
L’initiative, intitulée ‘‘Dis-moi ce que tu manges’’, vise à dépeindre avec authenticité et sans préjugés la manière dont les familles tunisiennes gèrent leur budget alimentaire en période de crise.
Dans un élan de générosité et de transparence, les familles participantes, issues de divers horizons géographiques et socio-économiques de la Tunisie, ont volontairement accepté de révéler les coulisses de leur organisation domestique. Elles ont ouvert les portes de leurs garde-manger et réfrigérateurs, nous permettant ainsi d’observer de près les choix et les sacrifices qu’elles font au quotidien pour nourrir leurs proches.
Chaque récit décrit de manière fidèle les stratégies diverses et les adaptations nécessaires face aux défis économiques, tout en reflétant la richesse des traditions culinaires et la résilience des familles tunisiennes.
Nous nous rendons cette fois-ci dans la région de Sbiba, une petite localité située dans le gouvernorat de Kasserine, pour rencontrer Mustafa, un homme de 53 ans, qui vit avec sa femme, Fatma, âgée de 50 ans, et leurs trois filles : Jawaher (16 ans), Khouloud (18 ans) et Naâma (20 ans).
Bien que leurs ressources financières soient limitées, cette famille a su mettre en place une gestion budgétaire rigoureuse qui lui permet de maintenir un équilibre alimentaire malgré les défis économiques actuels.
Revenus limités, budget serré, mais une gestion efficace
Mustafa travaille en tant que superviseur pour les ouvriers agricoles dans une ferme de Sbiba. Avec un revenu mensuel de 1500 dinars, Mustafa est le seul à subvenir aux besoins de la famille. Chaque mois, il consacre 600 dinars à l’achat de nourriture.
Avec des moyens limités, la famille a mis en place un système de gestion rigoureux et collaboratif, où chaque membre a un rôle à jouer bien défini.
Mustafa se charge de l’achat des viandes, du poisson et des fruits de saison. L’achat de viande rouge est de plus en plus rare à cause du budget serré.
Fatma, la mère de famille, étant plus familière avec la cuisine, s’occupe des légumes et des épices nécessaires pour préparer les repas.
Naâma, l’aînée, prend en charge l’achat des produits de base : pâtes, sucre, café, lait, riz, etc.
Grâce à son travail dans la ferme, Mustafa bénéficie parfois de légumes et de fruits frais, en surplus de production ou invendus, ce qui permet à la famille de réduire ses dépenses alimentaires avec ces produits gratuits.
Des repas sains et économiques : un défi quotidien
La famille de Mustafa mange deux repas principaux par jour, avec une collation légère le soir. Les repas sont simples mais nourrissants et adaptés au budget. La répartition des repas se fait comme suit :
- Petit-déjeuner : Un repas léger mais équilibré, souvent composé de “assida” (crème de semoule), “ghrayef” (crêpes mille trous) ou Kessra accompagnés d’huile d’olive, avec une tasse de café au lait.
- Déjeuner : Le repas principal, à base de viande blanche et des légumes frais, avec à de rares occasions de la viande rouge. En raison des prix élevés de la viande rouge, celle-ci n’apparaît sur la table de la famille qu’une fois par mois.
- Dîner : En soirée, la famille se contente généralement d’un plat de fruits frais, d’un verre de jus ou de yaourt, une manière de limiter les coûts tout en s’assurant des repas légers et nutritifs.
El Oula : l’incontournable astuce tunisienne pour faire face à la crise
La famille de Mustafa se tourne également vers une vieille mais infaillible tradition familiale, “El Oula”, qui consiste à stocker des provisions pendant les saisons de production pour faire face aux hausses de prix durant le reste de l’année.
En été, Fatma et les filles préparent des quantités importantes de couscous, de poivrons secs, d’épices, de tomates séchées et de viande séchée “kaddid”.
En hiver, l’huile d’olive est stockée dans des jarres en argile pour en préserver la qualité et la saveur.
Serrer la ceinture pour survivre tout en maintenant une alimentation équilibrée
Face à la crise économique et l’augmentation des prix, la famille de Mustafa a dû ajuster ses habitudes alimentaires. L’achat de produits comme la viande rouge ou certains types de poissons coûteux est devenu un luxe qu’ils ne peuvent plus se permettre.
La famille privilégie désormais les produits locaux, moins chers et plus accessibles, et évite autant que possible les produits industriels et surgelés.
Le foyer tient particulièrement à la préparation des repas à la maison, en évitant de manger à l’extérieur et en réduisant l’achat de produits transformés ou en conserve.
Manger avec un budget serré, sans compromettre la qualité
Malgré les difficultés économiques, la famille de Mustafa garde un amour profond à la cuisine traditionnelle régionale. Chaque membre participe activement à la préparation des repas, ce qui transforme la cuisine en un moment de partage et de plaisir.
Fatma se spécialise dans la préparation de plats traditionnels tels que le couscous au kaddid, El Obsen (panse farcie), Chebtia ou Mloukhia.
Les filles, quant à elles, aiment cuisiner des plats comme les pâtes et les tajines, mais elles n’hésitent pas à s’inspirer des réseaux sociaux pour explorer de nouvelles recettes.
Le couscous, qui est préparé plusieurs fois par semaine, reste un plat central pour la famille. Ce plat est souvent servi avec des légumes de saison ou du poulet, et une fois par mois avec de l’agneau lorsque le salaire de Mustafa permet une petit dépassement budgétaire.
Mustafa et sa famille : une leçon de résilience et d’adaptation face aux défis
L’histoire de Mustafa et de sa famille montre comment, malgré les difficultés économiques et la hausse des prix, une gestion minutieuse du budget, des traditions bien ancrées et une solidarité familiale peuvent permettre de maintenir un équilibre alimentaire tout en restant fidèle à ses racines culinaires. Cette famille prouve que même dans les périodes de crise, il est possible de s’adapter et de gérer les ressources de manière efficace, sans sacrifier la qualité de la nourriture ni la richesse des traditions.
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