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Droits de douane : ils ont tout vu et disent tout, ce que Trump a commis est innommable…

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Après la stupeur et l’effet de sidération provoqués par l’avalanche de taxes américaines, place à l’observation au microscope. Le président Donald Trump a décrété hier mercredi 2 avril la “Liberation Day”, un déluge de tarifs douaniers «réciproques» pour «rendre l’Amérique riche à nouveau». C’est la première fois depuis 1930 que les USA, premier promoteur du libéralisme économique, se verrouillent de la sorte. Un protectionnisme forcené dont le but est de garnir les caisses publiques exsangues et d’obliger les entreprises du monde entier à rappliquer aux Etats-Unis pour y produire, forçant ainsi les Américains à consommer américain. Les spécialistes se sont penchés sur la grande affaire de Trump. Ce qu’ils ont vu dans le document brandi par la Maison-Blanche n’est pas joli joli.

L’oeil des experts décortique les grossières manipulations

Le républicain ou plutôt ceux qui ont soufflé à son oreille sont partis d’une matrice simple pour ne pas dire simpliste ou carrément simplette : Pas de quartier – sauf quelques exceptions -, toutes les nations seront logées dans le droit de douane minimal de 10%, une base qui peut monter très vite si on est catalogué parmi les “méchants partenaires” profitant des largesses des USA et s’engraissant sur le dos de sa balance commerciale. Sauf que le mécanisme est très loin d’être transparent.

L’oeil des experts a décelé des étrangetés dans les majorations appliquées aux “ennemis” des Etats-Unis dans le commerce mondial. Si on se fie au tableau brandi par le président américain et qui a provoqué un émoi mondial, plus d’un tiers des États pointés du doigt sont fichés comme des fossoyeurs des richesses américaines. Un catalogage qui fourmille de contre-vérités, bizarreries et anomalies, comme nous a habitué Trump dès le premier jour de son investiture.

Les analystes pointent les taux affolants calculés par la Maison-Blanche pour fixer les pourcentages de la première colonne du fameux tableau, et en conséquence les taxes décidées par Washington en représailles à ces prétendus abus. Une posture qui ne résiste pas à la sagacité des observateurs et médias. Le fact-cheking a tourné à plein régime. Ces «chiffres de la Maison-Blanche semblent correspondre en réalité au déficit commercial divisé par les exportations américaines», souligne Politico. Ce qui explique le chiffre de 39% collé à l’Union européenne, alors que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) avance un pourcentage de quelque 3% pour les tarifs douaniers actuels réels.

Même surprise en Nouvelle-Zélande, où la taxe en cours dégainée par Washington a été fixée à 20%. «Nos taux de droits de douane ne sont pas de 20%. Non. Pour les exportateurs américains, la moyenne est d’environ 1,9%, à première vue», a rectifié illico presto le ministre du Commerce Todd McClay.

Dans un message posté sur X, le journaliste américain James Surowiecki a passé au crible le calcul effectué par l’administration Trump, en citant l’exemple de l’Indonésie : les USA ont «un déficit commercial de 17,9 milliards de dollars avec [ce pays]. Ses exportations vers [les États-Unis] s’élèvent à 28 milliards de dollars. 17,9/28 = 64%, ce qui, selon Trump, correspond au taux de droits de douane que l’Indonésie (…) impose [à Washington]. Quelle absurdité !»

Kush Desai, l’attaché de presse adjoint de la Maison-Blanche, a répondu à l’attaque en soutenant que l’administration Trump avait «littéralement calculé les droits de douane et les barrières non tarifaires», en postant l’image d’une méthode de calcul très élaborée. Patatras, les utilisateurs de X ont répliqué en publiant une note de contexte sous le message : cette méthode de calcul «n’inclut aucune disposition relative au taux tarifaire appliqué par le pays exportateur».

Des îles et territoire inhabités mais taxés quand même…

Et que dire des étrangetés dans la liste d’États déballée par l’administration Trump. On y trouve des îles arctiques administrées par la Norvège. Par exemple l’île Jan Mayen est inhabitée, elle n’a pas de résident permanent. Idem pour le territoire australien des îles Heard et McDonald, taxé pourtant de 10%, dans la région subantarctique. On n’y croise que des colonies de manchots !

Même anomalie pour le «Territoire britannique de l’Océan Indien (…). Quelqu’un peut-il dire à Donald Trump que les seules personnes présentes dans [ce territoire] sont [les militaires de] la base américaine de Diego Garcia ?», a taclé un internaute sur X. Rappelons que Diego Garcia est un atoll de l’archipel des Chagos, dans lequel le Royaume-Uni encaisse un loyer pour loger une base militaire américaine depuis 1966.

Il y a aussi les départements et territoires d’outre-mer français, ils ne sont pas taxés au même niveau que l’Union européenne (UE), 39%. Ils font partie du territoire douanier de l’UE mais sont étiquetés fiscalement comme des territoires tiers ; et bien la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et Mayotte seront soumises à une taxe supplémentaire de 10% seulement sur le marché américain. Par contre la Réunion, qui pourtant relève du même statut légal, est frappée par un droit de douane de 37%.

On peut aussi parler de la surtaxe de 50% sur les produits importés depuis l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, alors que ceux provenant de la Polynésie française ne payent que 10%.

Par ailleurs le gouvernement australien a fait part de son étonnement face aux droits de douane de 29% édictés par Trump sur le territoire de l’île Norfolk, 2000 habitants à peine. «Je ne suis pas certain que l’île Norfolk soit un concurrent commercial du géant économique que sont les États-Unis», s’est gaussé le Premier ministre Anthony Albanese devant les médias. «La dernière fois que j’ai regardé, l’île Norfolk faisait partie de l’Australie», a-t-il confié à la radio publique ABC, face à cette frappe «quelque peu inattendue et un peu étrange».

Pour finir il y a les grands absents dans le tableau du républicain : La Russie et la Corée du Nord. Un responsable américain a argué qu’elles ploient déjà sous les sanctions et qu’elles ne sont plus des partenaires commerciaux de poids. Le Canada et le Mexique aussi ont été épargnés. Ils ont un accord de libre-échange avec les USA et ont donc un statut spécial. Ce qui ne les empêchera pas d’être heurtés frontalement par les 25% de taxes additionnelles sur les véhicules produits à l’étranger.

 

 

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