Ils y sont venus, enfin… Il était temps ! Je parle de la diatribe contre Israël, signée par une cinquantaine de leaders de la Ligue arabe et de l’Organisation de la coopération islamique (OCI). Ils étaient en conclave à Riyad hier lundi 11 novembre, sur convocation du Prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salmane. Un Sommet extraordinaire dicté par les urgences du moment, en premier les dizaines de milliers de Palestiniens tués par l’armée israélienne. Une rencontre surtout dictée par le bouillonnement dans le coeur des citoyens arabes, une colère qui terrifie les dirigeants arabes. Autrement pourquoi ces mots ils ne les ont pas dits avec cette force, cette véhémence depuis l’attaque du 7 octobre 2023 en Israël et la riposte sanglante de Tsahal ?
À en croire les postures la fin du purgatoire est proche
D’abord les déclarations, en commençant par l’initiateur de cette grand-messe, l’homme qui décide de tout finalement dans cette partie du monde : Ben Salmane. Au terme de la réunion il a dit haut et fort son indignation pour le “massacre commis contre les peuples palestinien et libanais”. Il est même allé jusqu’à balancer le terme “génocide”, ce que l’Afrique du Sud, l’Algérie et beaucoup d’autres pays très loin du théâtre de guerre ont eu le courage de dénoncer bien avant le Prince saoudien…
Donc pour le courage on repassera, ce n’est pas avec ça que Riyad impressionnera son petit monde. Ensuite Ben Salmane a fait une incursion sur la “profanation de la mosquée Al-Aqsa” et “la remise en cause du rôle essentiel de l’Autorité palestinienne sur tout le territoire palestinien”.
Et comme les autres ne peuvent pas – ou plutôt n’osent pas – laisser le Prince saoudien pérorer seul dans le désert ils ont suivi son sillage. “Les mots ne peuvent pas exprimer la situation désespérée du peuple palestinien (…). Les actions entreprises par Israël sapent les efforts pour une paix durable. Ce n’est qu’avec la justice que nous pourrons établir une paix durable. Le monde ne peut pas détourner le regard”, a embrayé Ahmed Aboul Gheit, le secrétaire général de Ligue arabe.
Le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, qui ne bouge pas le petit doigt sans les Saoudiens et les Américains qui l’arment et le financent, n’est pas allé jusqu’à asséner le mot “génocide”, il s’est borné à pointer le “meurtre systématique de civils à Gaza”. Le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui lui aussi mange à tous les râteliers, a été un peu plus téméraire sur la forme (il sait pertinemment que ça ne lui coûtera rien) : il a dénoncé la volonté d’Israël d’“annihiler les Palestiniens”…
Pour finir le président turc a exigé un embargo sur les armes et le gel de tous les accords commerciaux avec Israël. Il ferait mieux de commencer par montrer la voie, lui qui commerce toujours avec l’Etat hébreu, et d’ailleurs le peu qu’il a suspendu l’a été sous la pression populaire et surtout la crainte que ses ennemis – très nombreux – attisent la colère des citoyens pour tenter de le déboulonner.
On prend les recettes de 2023 et on recommence, devinez la suite…
In fine le communiqué du Sommet poussera l’indignation outrée – largement feinte et surfaite pour la plupart des participants – jusqu’à dénoncer le “contexte de crime de génocide”, marteler “la pleine souveraineté de l’État de Palestine sur [Jérusalem-]Est occupé[e], la capitale éternelle de Palestine” et balayer “toute décision israélienne ou mesure visant à consolider l’occupation coloniale de la ville”…
C’est peu ou prou la même résolution qui avait été adoptée en 2023. Qu’est-ce qui a changé depuis ? Qu’on fait par la suite les dirigeants pour aider à concrétiser leurs voeux ? Rien. Le chaos à Gaza et dans les autres territoires occupés le démontre. Et la grand-messe de 2024 aussi ne débouchera sur rien, les 57 membres de l’OCI et les 22 membres de la Ligue arabe n’ont rien posé sur la table, ils se borneront à jeter la pierre dans le jardin du président américain Donald Trump.
Mais il n’y a pas que les Arabes qui attendent le républicain comme le Messie, Israël aussi. Son ministre des Finances, Bezalel Smotrich, un redoutable faucon qui rêve d’effacer tous les Palestiniens de la carte, a osé dire hier que le retour de Trump à la Maison Blanche sera “une occasion importante d’appliquer la souveraineté israélienne aux colonies de Judée-Samarie”, nom historique d’une partie de la Cisjordanie. “Je ne doute pas que le président Trump, qui a montré courage et détermination dans ses décisions de son premier mandat, soutiendra l’État d’Israël sur ce point”, a asséné Smotrich, qui se prépare à partager ses idées de dangereux illuminé avec les Français.
Quand le ministre israélien loue le “courage” et la “détermination” de Trump lors de son premier mandat il parle des Accords d’Abraham, qu’il a imposés en 2020 aux pays arabes en échange des largesses des USA et d’Israël. Tout ce qu’ils avaient à faire c’est normaliser avec l’Etat hébreu. Beaucoup de “frères” arabes l’ont fait et les autres allaient sauter le pas, à commencer par le Grand-frère, l’Arabie saoudite…
Sauf que ces Accords n’avaient rien prévu pour les Palestiniens, ils n’en parlaient même pas, ils ont tout donné à Israël, dont l’emblématique Jérusalem comme capitale indivisible de l’Etat hébreu. Mais ça n’avait pas l’air de troubler le sommeil de Ben Salmane ; d’ailleurs moins de 3 semaines avant l’attaque du 7 octobre il a dit publiquement, sur la chaîne américaine Fox News, qu’il était à deux doigts de normaliser avec Benjamin Netanyahu.
On l’a dit dès le 1er novembre 2023, hélas les faits le confirment
On vous disait que “les “frères” arabes ont validé “in petto” la mort du Hamas“, c’est exactement la séquence actuelle. Regardez l’état dans lequel Tsahal a mis le groupe palestinien et ses chefs, regardez la désolation à Gaza. Ben Salmane a attendu le “nettoyage” dans l’enclave palestinienne pour monter au front. Il a attendu la mort cérébrale du Hamas parce que l’islam politique lui et ses pairs arabes n’en veulent pas, ils en ont une peur bleue. C’est aussi valable pour le Hezbollah libanais et les Houthis du Yémen.
Si Ben Salmane parle maintenant c’est parce qu’il sait que l’une des premières choses que fera Trump c’est remettre les Accords d’Abraham sur la table. Avant ça le républicain mettra un terme aux bruits de canon au Proche et Moyen-Orient, il stoppera la main de Netanyahu. Il ne le fera pas pour les beaux yeux des Palestiniens ou des Libanais, il le fera avant tout parce que le business ne peut pas se faire quand la poudre parle. Un point c’est tout.
Et cette fois le Prince saoudien et les Etats qui lui sont inféodés ne rateront pas le train des Accords d’Abraham, pour rien au monde. L’Etat palestinien attendra le départ de Trump et bien après, Ben Salmane se contentera d’une accalmie et de la reconstruction des territoires occupés. L’obsession de Riyad est ailleurs : elle est dans la protection des Américains, contre le grand méchant loup, l’Iran. Et pourquoi pas l’arme nucléaire pour se mettre définitivement à l’abri.
Il ne faut jamais oublier la raison pour laquelle l’Arabie saoudite a signé la Paix avec l’ennemi historique, Téhéran : la peur, les intérêts suprêmes des nababs du Golfe et accessoirement de la nation. C’est ce qui poussera Ben Salmane à sacrifier le rêve palestinien et tout ce qui barrera sa route, et il le fera sans aucun état d’âme, comme il le dit en privé…
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