A la une

Exclusif : La lettre d’ AbdelHamid Jelassi en réponse aux critiques d’Ennhdha

Exclusif : La lettre d’ AbdelHamid Jelassi en réponse aux critiques d’Ennhdha

AbdelHamide Jelassi a subi une avalanche de critiques des membres d’Ennahdha suite à la publication de sa lettre de démission, dans laquelle il accuse Ghannouchi de totalitarisme et de dictature à l’intérieur du parti puisque Ghannouchi refuse de céder la présidence à quelqu’un d’autre comme le stipule le règlement interne. AbdelHamide Jelassi s’est adressé à ses détracteurs àtravers une nouvelle lettre :

Voici le texte intégral du message de la démission de Jlassi dont une copie a été obtenue par la Tunisie numérique.

La prison de l’amour

1-Je remercie tous ceux qui ont réagi à ma démission et je remercie tous ceux qui ont réagi au texte de la démission. Je savais que j’allais lancer un dialogue politique, intellectuel ou stratégique et fixer les responsabilités, mais je savais aussi que le plus compliqué serait de gérer la masse de sentiments et d’émotions, et c’est ce qui s’est produit. Au lieu de se concentrer sur le contenu du texte, on a focalisé sur l’historique du démissionnaire, ses responsabilités antérieures, ses intentions pour l’avenir et la menace que son retrait ferait courir à la structure à laquelle il appartenait. Je réitère le fait que je suis une partie prenante dans un parcours de 40 ans et dans ses postes de responsabilité depuis plus de 30 ans. J’ai dit clairement Je resterai toujours dans le mouvement où je pourrai assumer des responsabilités dans tout mécanisme indépendant, je l’ai sollicité plus d’une fois et je réitère ma demande. Il y a des actions qui n’ont pas de prescription, je suis fier de tous ceux avec qui j’ai eu l’honneur de travailler et demande des excuser à tous ceux à qui j’ai causé du tort.

Je me suis juste assuré d’être toujours honnête dans les limites humaines du possible. Je me connais assez bien : je suis un être humain qui mange, qui marche. Je suis beaucoup moins qu’un Ange et mais loin d’être un démon. J’ai également un devoir de mémoire vis-à-vis de l’opinion publique et serai à la disposition des centres d’études et des chercheurs pour témoigner dans une vision qui appelle les actants principaux des dernières décennies à écrire, afin de combler les lacunes de notre mémoire nationale.

La formation des futurs cadres repose en grande partie sur le transfert des expériences. Il ne s’agit pas de refaire exactement pareil, mais personne ne commence à partir d’une feuille blanche.

2- J’ai finalement terminé mon expérience avec Ennahdha. Le partage des prestations et la probabilité des manipulations sont des raisons, mais pas toutes. Bien que le mouvement puisse continuer, en tant que puissance sociale et politique pour combler un vide et non comme force de progrès. Ennahdha est disposée au renouveau, mais la façon de gérer la transition éliminera cette opportunité. Il s’agit de mon interprétation personnelle, sur laquelle j’ai bâti ma position et je respecte tous les autres avis ou estimations.

Il y avait d’autres options pour engager des réformes. La tenue d’un Congrès extraordinaire aurait mis politiquement en exergue l’intolérance à accepter les différentes options. Je ne l’ai pas fait par égard à l’opinion publique devenue allergique aux conflits au sein des parties et pour garder les relations précieuses et profondes qui sont tout ce que cultivé dans ma vie. Je n’ai pas travaillé sur l’idée de la dissension pour des raisons morales et politiques. Je suis parti seul et ne me retournerai pas même si on fixait la date du prochain Congrès et même si le président annonçait publiquement qu’il ne se présentera pas à la prochaine échéance.

Je ne pense pas à déclencher une Ennahdha 2 ou 50, et je ne jetterai pas des pierres à une construction à laquelle j’ai contribué. Grande et large est la terre de Dieu. Mais je ne me tairai pas. La démission est un acte politique et non un état psychologique. Je suis surpris quand on parle des médias de la honte. Je vais répondre à toutes les sollicitations. Les journalistes ont le devoir d’éclairer l’opinion publique, certains d’entre eux ont leurs agendas et j’ai assez d’intelligence pour contrôler ma langue. Je n’ai jamais rencontré, du moins jusqu’à présent, un journaliste pointant un pistolet pour me dicter ce que je dois dire. Je veux juste affirmer que je ne serai pas l’instrument qui frappera Ennahdha. Ce mouvement, malgré ses nombreux défauts est le meilleur parti politique du pays et je souhaite à ses membres démocrates la réussite. Je ne bâtirai pas ma nouvelle identité politique sur des règlements de compte historique ou sur la base de mon opposition à Ennahdha.

Dans quelques jours je vais me consacrer à la réflexion et au travail pour l’avenir, et je m’intéresserai à Ennahdha , comme à tout ce qui concerne les grandes expériences dans le pays, dans le cadre de la réflexion sur le pouvoir, sa signification et le positionnement des partis politiques à son égard, parce que je crois qu’il n’y a pas de démocratie sans partis politiques, seulement avec la participation à l’effort critique des outils du travail.

Il faut profiter de notre expérience tunisienne avant et après la révolution, en particulier les conclusions éloquentes des élections de mai 2018 et celles de l’automne 2019. Il faut aussi interagir avec les désillusions et les aspirations des nouvelles générations pour une action politique saine et transparente qui ouvre les portes de la participation à tous, sur la base de leurs compétences.

Ma devise dans la vie est d’être utile. Ma référence est un saint Hadith de notre prophète « quand arrive l’heure et que l’un d’entre vous a dans la main un plant qu’il le plante, alors il aurait une récompense. » et j’ajouterai une approche semblable à celle d’André Malraux dans son roman L’Espoir. La meilleure chose que l’on puisse faire dans la vie est de traduire l’expérience la plus large possible en prise de conscience. L’émerveillement de la transmission et la culture de l’espoir est plus constructive que le piétinement et le lynchage.

3-Je ne me tairai pas. Je suis surpris par ceux qui me demandent de le faire. L’ingénieur Hammadi Jbali a eu tort de garder le silence sous prétexte qu’on ne lave pas son linge en public et que nous sommes tenus par un devoir de réserve.

La règle du silence ou Omerta est une pratique de la Mafia pas des partis politiques. Ce sont des entités contractuelles où l’adhérent est tenu de renoncer à une partie de sa liberté en vue d’un plus grand succès. Le contrat peut être résilié par les deux parties. J’insiste sur le fait que je ne mentionnerai pas de noms et je ne révélerai pas les usages du parti, et n’attaquerai aucune réputation. Je veillerai à ce que le dialogue soit transféré au cercle intellectuel et politique. Je confirme aussi que ce que je présente est un point de vue personnel. J’espère que mes derniers amis nahdhaoui comprendront que je suis libre désormais de ne plus appliquer la discipline à laquelle nous étions tous habitués: Je suis parti. Je suis très heureux de garder l’amour de tous mes amis tout en faisant ce que ma conscience me dicte, mais si je me trouve en conflit, je privilégierai l’harmonie avec mes convictions à un amour sous conditions, sans cela, je ne me respecterai pas, malheureusement.

Je ne répondrai ni aux insultes ni à l’accusation de traitrise. Je respecte tout le monde. J’ai choisi une option et j’en connais les coûts. La transition démocratique a encore beaucoup de chemin à faire.

J’ai remarqué que beaucoup de gens mentionnent la possibilité d’un échec, certains d’entre eux par compassion, d’autres à titre d’avertissement. N’eût été les aventuriers, l’humanité aurait continué à vivre dans les forêts à ce jour. Parfois, nous craignons l’échec alors que nous vivons dans la rotation de l’échec, puis l’échec devient une seconde nature et la consternation une culture. Penser à de nouvelles façons de cheminer est alors assimilé à la mécréance. Le monde ne s’arrêtera pas si on trébuche ou échoue. On peut faire de son échec une échelle pour le succès de l’autre. Je suis effrayé par les jeunes qui craignent l’aventure comme des vieux de 90 ans. Les jeunes qui sont proches de certains partis me rappellent les bourguibistes formatés incapables de faire face sur le terrain.

Je veux profiter de certains des avantages de la révolution de la liberté.

Je continuerai à accommoder pensée et travail pour “quelque chose” qui puisse être utile à la Tunisie, en contribuant à des ateliers de réflexion collective.

Mes compagnons seront tous ceux qui accepteront le partenariat. Beaucoup d’amis et de parents sont proches à mon cœur et me ressemblent : l’indépendance de la pensée, la volonté, la discipline morale et la tolérance.

Je vais essayer de trouver un souffle nouveau.

Samedi 7 mars 2020

Que se passe-t-il en Tunisie?
Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!

Commentaires

Haut