Economie

Exportations de fruits en hausse : La Tunisie brade l’eau dont elle a besoin

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La Tunisie est confrontée à une politique agricole qui soulève des questions et suscite la controverse. En effet, le pays, faisant face à une grave sécheresse, se trouve dans une situation paradoxale où il exporte des quantités importantes d’eau, une ressource essentielle qui lui fait cruellement défaut.

Selon les dernières données du Groupement interprofessionnel des fruits (GIFruits), la production nationale de fruits en Tunisie a subi une régression de 24,3% au cours de la saison 2022/2023, principalement en raison de la forte baisse de la pluviométrie. Cette diminution de la production a eu un impact significatif sur la valeur totale de la production nationale, qui est estimée à 223 000 tonnes par rapport aux 294 500 tonnes de la saison précédente.

Cependant, malgré cette baisse, les exportations de fruits tunisiens semblent prometteuses grâce à une augmentation des prix à l’exportation. La Tunisie vise à exporter près de 70 000 tonnes de fruits au cours de cette saison, ce qui représente une augmentation en valeur par rapport aux 68 000 tonnes d’une valeur de 177 millions de dinars de la saison précédente.

La saison d’exportation vers la Libye et les pays du Golfe a déjà commencé et se poursuivra avec une demande croissante qui dépasse largement l’offre. Les prix à l’exportation devraient augmenter davantage avec le début de la récolte des pêches plates, en raison de la forte demande sur le marché libyen.

Une politique agricole surréaliste

Cependant, cette situation suscite des inquiétudes parmi de nombreux experts en raison de son impact négatif sur les ressources hydriques et son empreinte eau élevée. La Tunisie, confrontée à une grave sécheresse, se retrouve dans une situation préoccupante, où les ressources en eau sont limitées. Les scientifiques, les militants écologistes et les associations tirent la sonnette d’alarme face aux conséquences d’une agriculture axée sur l’exportation et gourmande en eau, au détriment de l’autosuffisance alimentaire.

L’empreinte eau, qui mesure la quantité d’eau utilisée pour produire un produit donné, souligne le dilemme de la Tunisie. En exportant ses fruits et légumes, le pays vend également une quantité précieuse d’eau dont il a cruellement besoin. Les barrages sont seulement remplis à 24% de leur capacité en raison de la sécheresse répétée, les nappes souterraines sont surexploitées et certaines sont même épuisées par endroits. Les agriculteurs creusent des puits de plus en plus profonds pour trouver de l’eau, tandis que la population des villages et des villes subit des restrictions d’eau potable et des coupures fréquentes.

L’exportation d’eau par le biais des fruits et légumes amplifie encore davantage ces problèmes. Alors que la demande et les prix à l’exportation sont élevés, certains experts estiment que cette politique agricole est irréaliste et dangereuse pour l’avenir du pays. Au lieu de se concentrer sur l’autosuffisance alimentaire et la préservation des ressources hydriques, la Tunisie semble privilégier les bénéfices économiques à court terme, mettant en péril sa propre sécurité alimentaire et environnementale.

Entre-temps, les barrages perdent, par sédimentation et par manque d’entretien, 20% de leur capacité de stockage, indépendamment des effets de la chaleur et du réchauffement, des stations de dessalement et d’assainissement sont toujours à l’état de projets et l’industrie textile, ainsi que celles chimiques et du phosphate continuent d’accaparer la grande part de la nappe phréatique du Sud-est et du Sud-Ouest, tout en la rendant impropre à la consommation, par leurs gigantesques rejets.

Rappelons que d’après les chiffres du ministère de l’Agriculture, de la Pêche et des Ressources Hydrauliques, l’allocation annuelle est actuellement autour de 450m3 par habitant et par an, soit très en deçà du seuil de pauvreté (1000m3/hab/an). Une situation qui risque de s’aggraver puisque les prévisions annoncent une allocation de 350m3/hab/an à l’horizon 2030.

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Publié par
Mohamed Ben Abderrazek