Retour à l’envoyeur. L’influenceur algérien Doualemn, expulsé par les autorités françaises hier jeudi 9 janvier dans la soirée, n’est pas resté longtemps sur son sol natal. A peine il y a mis les pieds il a été renvoyé illico presto vers l’Hexagone. Dès son arrivée il a été cueilli par les forces de l’ordre et conduit dans un centre de rétention administrative (CRA), au Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne). Qu’est-ce que la France fera de cette patate chaude, vu que sa patrie n’en veut plus ?
Macron a méthodiquement bazardé tout ce qu’il a fait à Alger en 2022
Coup pour coup, on en est là depuis que le président Emmanuel Macron a eu la mauvaise idée de sabrer les fils qu’il a renoués à Alger en 2022 avec le président Abdelmadjid Tebboune. Le chef de l’Etat français a basculé dans le camp du Maroc en foulant au pied un symbole sur lequel Alger ne transige jamais : la reconnaissance de la souveraineté totale de Rabat sur le Sahara occidental. Et depuis août 2024 l’Algérie ferme ses portes à ses ressortissants expulsés par la France, entre autres représailles, pour faire payer à Macron sa forfaiture.
Pour régler le problème il faudrait au moins que les deux chancelleries puissent se parler sereinement, froidement, sans les envolées éruptives qui ont toujours caractérisé les relations entre les deux pays depuis le traumatisme de la colonisation couronné par une longue et sanglante guerre de libération. Mais voilà, le président français a aggravé son cas en commentant de la pire des façons, devant ses Ambassadeurs, l’arrestation de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal. Alger a très mal pris ces réflexions. Donc l’affaire Doualemn n’étonnera personne.
L’influenceur, qui affiche 138 000 abonnés sur le réseau social TikTok, a été arrêté après avoir publié une vidéo qui «appelait à donner une sévère correction à un homme semblant résider en Algérie», avait indiqué mardi dernier le procureur de la République de Montpellier. Selon lui c’est un «appel à la torture» ciblant «un opposant au régime actuel en Algérie», un acte qui justifie le retrait de son permis de séjour et son expulsion, avait ajouté hier jeudi le préfet de l’Hérault…
Après son retour express sur le sol français il attend son jugement, qui sera rendu le 24 février prochain à Montpellier, confiait hier au “Figaro” une source proche du dossier. «La suite dépendra des discussions avec Alger», ajoutait-elle. Mais quelle suite quand on voit la déferlante de commentaires incendiaires en France, qui en rajoutent à la colère à Alger ? Tous ceux qui parlent jettent de l’huile sur le feu, les voix de la raison ont préféré garder le silence, par crainte sans doute d’être taxés de pro-algériens, ce qui sera bientôt le crime suprême dans l’Hexagone au train où vont les choses.
L’heure de gloire de la digne compagne d’Eric Zemmour
La réaction la plus virulente, et cela n’étonnera personne, est venue de la députée européenne de Reconquête! Sarah Knafo, celle qui n’en rate jamais une quand il s’agit de tirer sur Alger, même s’il faut pour cela débiter publiquement de graves contre-vérités. En septembre 2024 l’Etat algérien a porté plainte contre elle en France, «pour diffusion de fake news», des faits établis par des journalistes français objectifs. La Justice française n’a pas jugé utile de faire preuve de la même objectivité. Mme Knafo s’en est tirée et continue de plus belle.
Elle a commenté l’affaire Doualemn en ces termes, sur TRL ce vendredi : «On fait ce qu’on aurait dû faire depuis des années, c’est-à-dire divorcer pour de bon avec l’Algérie (…) On est dans une situation où on a donné l’indépendance à l’Algérie en 1962, donc c’était prétendument le divorce. Mais le problème c’est qu’on a eu la garde des enfants et qu’on continue à payer la pension alimentaire, a ajouté Sarah Knafo. Donc on fait ce qu’on aurait dû faire : la fermeté et la fin de la naïveté».
L’eurodéputée d’extrême droite est d’avis qu’il fait «utiliser les moyens de pressions énormes» dont dispose la France pour faire plier l’Algérie. Elle parle d’un régime «dictatorial» en Algérie. «En cinq ans, on a donné 842 millions d’euros à ce pays. Est-ce qu’on peut se dire qu’à présent on arrête ? Plus un centime à ce pays qui ne reprend pas des individus qui sont des bombes sur pattes, qui ne nous donne jamais les laisser-passer consulaire et qui nous insulte dans des conférences de presse. Il faut commencer à se dire que cet État n’est plus un ami, qu’on ne lui doit plus rien», assène-t-elle.
Voilà ce que la compagne d’Eric Zemmour dit de l’Algérie. Du reste qui se ressemble s’assemble, de tous les anti-Algériens Zemmour est sans doute le plus “illustre”, encore plus que Marine Le Pen. Mais les Algériens ne sont pas ses seuls ennemis, tous les étrangers et tous les musulmans de France le sont. Il en a tellement dit publiquement que la Cour de cassation l’a condamné en février 2023, pour injures publiques et provocation à la haine raciale. C’est ce couple que le président américain Donald Trump a invité – des invités d’honneur – pour assister à son investiture.
Ils sont jaloux du vedettariat de Sarah Knafo
Le Rassemblement national (RN), qui sans doute commence à être jaloux du vedettariat de Mme Knafo, a également fait feu sur l’Algérie. Le député Jean-Philippe Tanguy a déclaré ceci sur BFMTV ce matin : «Il y a des rétorsions très dures et immédiates à prendre contre l’Algérie : suspension de tous les visas, suspension de l’aide au développement, suspension, s’il le faut, des flux financiers de la diaspora algérienne en France vers l’Algérie»…
«Le régime algérien est un régime faible qui ne vit partiellement que de l’argent que la France lui verse (…). La France respecte beaucoup trop le régime algérien. On est soumis à ce régime depuis plus de cinquante ans», a conclu l’élu RN.
«Quand nous ferons-nous enfin respecter ?! Il est certain qu’il est difficile de se faire respecter quand on n’est plus un pays souverain !…» a lâché le président des Patriotes Florian Philippot sur son compte X. L’ex-président des Républicains (la droite) et chef de file de l’Union des Droites pour la République (UDR), Éric Ciotti, appelle à enterrer immédiatement les accords de 1968 avec les Algériens «et de ne plus [en] accueillir un seul [sur le territoire français]».
«La décision du pouvoir algérien de renvoyer ce soir en France l’influenceur expulsé pour avoir publié des vidéos incitant à la haine et appelant au meurtre de nos compatriotes est une nouvelle provocation insupportable», a commenté la présidente de la région Île-de-France et candidate malheureuse de la droite à l’élection de 2022, Valérie Pécresse. «J’ai toute confiance en Bruno Retailleau pour répondre à cet affront, y compris en ouvrant le débat sur les accords de 68 !», a-t-elle ajouté.
De toute évidence ce n’est pas avec ces “brillantes idées” qu’on va régler le problème avec un pays qui partage «tant d’enfants et tant d’histoires» avec la France, comme l’a dit le président Macron le 6 janvier 2025. Il faut juste souhaiter que cette fois il ne suivra pas les apôtres du conflit ouvert avec l’Algérie, qui n’apporterait que malheurs et désolations, pour les deux parties.
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