On prend les mêmes ingrédients qui ont fait chuter le gouvernement de Michel Barnier – il a tenu moins de 3 mois – et on recommence ? Est-ce la fin de la « baraka » pour le Premier ministre François Bayrou, lui qui a survécu à 4 motions de censure ? En tout cas la cheffe de file de l’extrême droite, Marine Le Pen, est fortement démangée par le renversement de la table. Avec les 143 députés qu’elle mène elle avait été décisive dans le torpillage du gouvernement Barnier, le rééditer avec Bayrou lui permettrait de rebattre les cartes en espérant conjurer la confirmation en appel de sa condamnation et de son inéligibilité. Et puis il y a les autres arguments qu’elle avance, moins politiques.
Barnier et Bayrou même politique, même sort tragique ?
Mme Le Pen a pris la parole ce vendredi 30 mai sur BFMTV-RMC, elle a promis de voter une censure contre le gouvernement s’il « tend à augmenter les impôts comme l’avait fait » l’équipe de Barnier. « Les mêmes causes entraîneront les mêmes effets. (…) Il nous poussera à prendre la même décision que celle que nous avions prise pour empêcher l’augmentation d’impôt que défendait M. Barnier, à savoir voter une censure« , a-t-elle martelé.
Bayrou, qui ne sait plus à quel saint se vouer pour requinquer les finances publiques, est fortement tenté par une « TVA sociale« . Concrètement il songe à financer le système avec une hausse de la TVA pour compenser des baisses de cotisations à la charge du travail. Le chef du gouvernement est d’avis que le modèle social de la France « repose trop sur le travail« , c’est-à-dire principalement sur les cotisations sur les salaires.
La patronne du Rassemblement national (RN) elle invite Bayrou à regarder ailleurs, à ne pas céder à la facilité. Elle soutient que le gouvernement « n’a aucune envie de s’attaquer au train de vie de l’État« , à « l’immigration incontrôlée« , à la « fraude » ou à « limiter la contribution qui devient excessive à l’Union européenne« , il préfère « sortir comme d’habitude l’arme de l’impôt« …
« La ‘TVA sociale’, c’est l’augmentation de l’impôt qui frappe injustement les plus modestes (…). Puisque la consommation a un pourcentage plus important dans le budget des familles modestes que des familles plus privilégiées (…). Toujours demander des efforts aux Français sans que l’État ne soit capable d’en faire, ça devient insupportable« , s’emporte Mme Le Pen.
L’alliance objective entre Macron et Le Pen
L’équipe de Barnier, qui a eu la durée de vie la plus brève de la 5e République, a disparu en décembre dernier. La motion de censure, déposée par le Nouveau Front populaire à cause de la massue du 49.3 sur le budget de la Sécurité sociale, n’aurait aucune chance de passer sans l’armada des élus RN. In fine elle était passée avec 331 votes, beaucoup plus que la majorité requise, 288 députés…
C’était la première frappe de ce type depuis 1962, Bayrou pourrait très bien recevoir la deuxième et cette fois l’opinion publique se cabrerait moins. Le chef du gouvernement a campé plus que prévu parce que les Français n’auraient pas compris ni pardonné qu’on le débarque dans une conjoncture économique aussi mauvaise, prolongeant une instabilité politique qui nuirait davantage au pays. Mais l’impopularité croissante de Bayrou – dans tous les sondages – pèse plus lourd que ces considérations.
La voix du chef de gouvernement ne porte plus, n’imprime plus et surtout les citoyens ont du mal à identifier le cap qu’il a fixé. On n’entend et ne voit que le président Emmanuel Macron, qui il faut le dire fait tout pour voler la vedette à un gouvernement avec lequel il a été obligé de composer après une dissolution ratée. Le chef de l’Etat, à qui Bayrou aurait forcé la main – certains disent « chantage » – pour être nommé à Matignon, ne serait pas mécontent d’avoir sa revanche, même s’il n’en dira rien.
Il y a les raisons objectives qui ont fait que la cheffe de file de l’extrême droite et favorite de la présidentielle de 2027 a retenu ses coups contre le gouvernement, mais il y a aussi les raisons politiques. Mme Le Pen s’était dit qu’elle avait plus à perdre en termes de bonnes opinions en renversant l’équipe de Bayrou. L’humeur a changé dans l’opinion publique et de plus sa condamnation en première instance pourrait très bien être confirmée en appel. Si elle doit périr elle n’ira pas seul…
Quand elle a été condamnée le Premier ministre a fait le service minimum, avec une réaction très timorée qui derrière n’a été suivie d’aucun geste pour épauler Mme Le Pen. Bayrou s’est englué dans les problèmes du pays et ses déboires personnels dans l’affaire Bétharram. La patronne du RN, en vertu des liens particuliers avec le maire de Pau, s’attendait certainement à mieux de sa part. Il ne faut pas minorer sa volonté secrète de faire payer au chef du gouvernement ce qu’elle a vécu comme une forfaiture.
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