Le fantasme de la submersion, de l’invasion par des hordes de “barbares” – les migrants -, du grand remplacement et autres théories fumeuses copieusement alimentées par l’extrême droite française. Jean-Marie Le Pen, artisan du Front national, en fut pendant longtemps le porte-drapeau, avant de passer le flambeau à sa fille, Marine Le Pen et son Rassemblement national. Par trois fois (en 2002, 2017, 2022 et 2024) ces idées passent tout près du parfait hold-up électoral, mais à chaque fois les électeurs ont reculé devant le vertige du racisme et de la xénophobie institutionnalisés. Mais ce qui combat le mieux ces fossoyeurs de la paix civile et de l’Etat de droit c’est l’étude sans fard réalisée par l’Institut national des statistiques et des études économiques (INSEE) sur l’immigration, avec ses vrais chiffres.
Ce travail a compilé une kyrielle de travaux et enquêtes, il bat en brèche l’édifice des préjugés sur un thème avec lequel l’extrême droite fait son beurre, avec une mauvaise foi manifeste qui trompe les esprits égarés, de plus en plus nombreux du fait de la crise protéiforme. Mais si on s’en tient à la définition communément admise de l’immigré, c’est-à-dire un individu né avec une nationalité étrangère, à l’étranger et qui vit en France, il y avait 7,3 millions d’immigrés sur le sol français en 2023, ce qui fait au total 10,7% de la population française. Une précision de taille : Un tiers de ceux qui cochent cette case ont été naturalisés.
“Le vrai problème, ce n’est pas le nombre, c’est la concentration dans les quartiers pauvres. C’est ce qui fait peur aux gens et la droite a une responsabilité parce qu’elle fait obstacle à toute tentative de meilleure répartition“, commente le journaliste et écrivain Laurent Joffrin dans le studio de RTL, qui s’est penchée sur l’étude de l’INSEE.
Au niveau des continents d’origine des immigrés évidemment pour des raisons liées à l’histoire l’Afrique distance largement les autres avec la moitié du total des immigrés installés en France. A noter que l’immigration africaine est principalement maghrébine (60%), avec une forte contingence algérienne, ce qui donne des boutons à Marine Le Pen mais surtout l’autre trublion de l’extrême droite, Eric Zemmour.
La deuxième source d’immigrés en France est l’Europe, avec 32%, essentiellement les Portugais, les Espagnols et les Italiens qui pèsent 50% dans l’immigration européenne. Enfin vient l’Asie avec 14% (Turquie, Asie du sud et du sud-est, Moyen-Orient et Chine).
Les raisons de la migration diffèrent en fonction du continent d’origine. Pour les Africains c’est le regroupement familial qui est le plus cité par les sondés, alors que les Européens qui choisissent la France le font pour dénicher un emploi et pour une meilleure situation professionnelle. Pour les Asiatiques ce sont plutôt les guerres et les persécutions qui les font bouger, notamment les Turcs…
L’étude de l’INSEE avance d’autres motifs tels que les études supérieures.
Autre idée reçue répandue sciemment par les promoteurs de la xénophobie mais malmenée par cette étude : les Africains et les Maghrébins sont les moins intégrés. Les Asiatiques sont ceux qui maîtrisent le moins la langue française, donc théoriquement le dernier tour de vis sur les critères de délivrance des cartes de séjour devrait les frapper plus. Mais il est permis d’en douter…
60% des immigrés originaires d’Afrique et du Maghreb répondent sans hésiter qu’ils s’expriment bien dans la langue de Molière. “Les moins intégrés ce sont les Asiatiques mais ça ne pose de problème à personne…“, glisse Laurent Joffrin.
Autre injustice subie par les Africains : ce sont ceux qui subissent le plus un déclassement professionnel, comprenez par là que le métier qu’ils exercent en France est en-dessous, statutairement, de leur activité avant de migrer.
Le sujet de l’immigration est surpolitisé en France, pourtant le politologue Philippe Moreau Chevrolet rappelle que le thème favori de l’extrême droite n’arrive qu’en 5ème position des préoccupations des Français. La journaliste française Isabelle Saporta est d’avis qu’il faudrait consulter cette étude “pour arrêter de politiser l’immigration (…). Il faut être pragmatique. L’Europe est en train de vieillir, nous avons une démographie qui s’effondre et nous ne le ferons pas sans l’immigration“, dit-elle…
Elle souligne que les hôpitaux français “ne tiennent que grâce aux médecins étrangers (…). Il faut leur tirer chapeau, ils sont moins bien payés que les autres et on est très contents qu’ils soient là“, déclare-t-elle. Enfin, “on est très contents qu’ils soient là“, ça dépend qui, on peut opposer à la journaliste les souffrances qu’endurent les praticiens étrangers pour trouver leurs places dans les hôpitaux français, de toutes petites places.
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