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France : L’ami de Bayrou provoque un tollé, Macron pourrait prendre les pleins pouvoirs en cas de censure, comme dans toute autocratie qui se respecte

France : L’ami de Bayrou provoque un tollé, Macron pourrait prendre les pleins pouvoirs en cas de censure, comme dans toute autocratie qui se respecte

Les bruits autour de l’exécutif étaient déjà très mauvais avant l’entrée en scène du gouvernement de François Bayrou. Les 10 premiers jours du chef du gouvernement ont été les pires – en termes d’impopularité – sous la 5ème République, selon les sondages ; l’impopularité du président Emmanuel Macron est abyssale avec 76% de Français insatisfaits dans le dernier sondage. Et que dire après les déclarations fracassantes de Bruno Millienne, le porte-parole du parti de Bayrou, le MoDem. Il a agité l’idée des pleins pouvoirs que pourrait s’arroger le chef de l’Etat en cas de nouvelle censure…

Un énorme pavé dans la mare

Millienne a commencé en douceur hier mardi 24 décembre dans l’après midi, sur BFMTV : «Je compte un peu sur l’esprit de responsabilité des uns et des autres». Bayrou et ses ministres vont «tout faire pour essayer de rassembler les Français contre vents et marées (…). Vous voyez bien que si jamais il y a une nouvelle motion de censure et qu’elle est votée à la majorité des parlementaires, on plonge à nouveau le pays dans le chaos. Ce sont les Français les perdants, pas les partis politiques » plaide Millienne.

Jusqu’ici tout va bien. Ensuite le ton commence à monter : «le Rassemblement national et Jean-Luc Mélenchon (qui) jouent la carte du chaos perpétuel pour faire démissionner le président». Finalement il jette le pavé dans la mare : «Je tiens à rappeler quand même, même si je ne suis pas sûr que le président utiliserait cet article, qu’il reste un article dans la Constitution qui est l’article 16 dont peut se saisir le président en cas de blocage institutionnel grave, pour finalement gouverner tout seul».

C’est dit : les pleins pouvoirs, comme dans toute autocratie qui se respecte. Le porte-parole du MoDem a argumenté, tenté d’enrober la chose, de maquiller sa rudesse, sa violence symbolique, mais tout le monde l’a encaissé comme une menace. «Mais on est où là ?» s’est emporté le député du Rassemblement national (RN) Frédéric Falcon. «Ce genre de discours, lorsqu’il s’agit de chercher l’apaisement du pays, est tout de même parfaitement inadapté et irresponsable», fustige le président du Parti radical de gauche, Guillaume Lacroix…

Autre son de cloche à gauche, même indignation : «2024 : dissolution de l’Assemblée nationale. 2025 : dissolution de la démocratie ?», assène le député Benjamin Lucas. Thomas Portes, élu de La France insoumise (LFI), pointe des «troupes» macronistes qui «se préparent à l’utilisation de l’article 16 (…). Macron est un autocrate. Macron est un danger pour le pays». «Quand l’extrême-centre envisage ouvertement l’instauration de la dictature en France…», tacle sévèrement Matthias Renault du RN.

Milliene n’a pas tardé à prendre conscience de l’ampleur du tollé et des dégâts pour son Premier ministre qu’il croyait sauver en terrorisant la classe politique. Le porte-parole du MoDem s’est fendu d’un tweet en milieu d’après-midi pour tenter de dégonfler le front :«Je n’ai fait que rappeler la constitution. En aucun cas j’ai affirmé que le Président l’utiliserait. Ne déformez pas mes propos». Trop peu et trop tard, le mal est fait, il vient de jeter un liquide inflammable sur une situation déjà incandescente politiquement.

Valls, Borne, Darmanin, Retailleau, le verdict de Mme Le Pen le 31 mars… : Bayrou aura le tournis

Bayrou a recruté des poids lourds pour muscler son équipe, sauf qu’entre temps beaucoup de ces dits ténors sont devenus des poids plumes et seront plus des boulets qu’autre chose. Le retour de l’ancien Premier ministre socialiste Manuel Valls, qui a lâché ses camarades dès 2017 pour rallier Macron, est vécu par le Parti socialiste comme une déclaration de guerre. Idem pour le débauchage de l’ex-socialiste François Rebsamen. A ajouter aux retours de l’ancienne Première ministre Elisabeth Borne, “Mme 49,3” et celui de l’ex-ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui cette fois sera à la Justice pour faire la paire avec Bruno Retailleau. Comme signaux à droite et à l’extrême droite Bayrou ne pouvait pas faire mieux… ou pire.

Ça c’est pour la colère à gauche. Il y a aussi la colère froide à l’extrême droite. Certes le RN a eu la peau de son ennemi juré Xavier Bertrand, recalé dans le gouvernement pour la deuxième fois, mais pour le reste Marine Le Pen n’a rien eu de plus qu’avec le chef du gouvernement déchu Michel Barnier. Bayrou claironne partout qu’il n’a aucun contentieux avec le RN (comme l’extrême droite il défend l’élection à la proportionnelle et a parrainé Mme Le Pen à la présidentielle de 2022), mais il ne l’a pas associé aux consultations pour former son gouvernement et aucun ministre n’est estampillé lepéniste…

Et il y a d’autres cas de casus belli, pour le RN comme pour la gauche : Bayrou a dit qu’il n’est pas question de revenir sur la très impopulaire réforme des retraites (tout au plus il consent à discutailler, sur 9 mois) et a signifié qu’il n’écarte pas la possibilité de passer en force au Parlement – encore le 49,3 – si les élus bloquent le Budget 2025. Le même bâton qui avait valu à Barnier une censure historique, moins de 3 mois après son installation. Donc Oui, n’en déplaise à M. Millienne, les mêmes causes risquent de reproduire les mêmes effets, un vote de défiance, hélas.

Pour l’instant le RN, qui a le bouton de la censure, temporise alors que la gauche frappera 2 jours après le discours de politique générale de Bayrou, calé le 14 janvier prochain. Très vraisemblablement Marine Le Pen ne dégainera pas avant le 31 mars 2025, date à laquelle la cheffe de file de l’extrême droite connaitra le verdict dans l’affaire des fonds européens détournés, un dossier qui peut atomiser le brillant avenir politique que lui prédisent les sondages. Donc clairement le Premier ministre n’est assis sur rien, son socle est aussi frêle que celui de Barnier et pourrait à tout moment se dérober sous ses pieds.

 

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