D’un sujet à l’autre et ils pointent tous vers les “métèques”, les immigrés, les migrants, les aspirants à la citoyenneté française. L’activisme du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, est plus que suspect. Les étrangers, il n’y a que ça qui l’intéresse, un dada qui confine à l’obsession maladive. Et tout le monde, à commencer par les chefs du gouvernement et de l’Etat, laisse faire, se couche. Enhardi le ministre le plus populaire (disent les sondages) en remet une bonne louche ce mardi 6 mai, histoire de pousser dans les cordes le président Emmanuel Macron et le Premier ministre François Bayrou.
Il grille encore les feux rouges de l’Elysée et passe
Retailleau boit du petit lait, il est beaucoup plus coté que ses patrons, même si jusqu’ici il brasse de l’air et pédale dans la semoule. Alignement des planètes en sa faveur : le dossier algérien patine après un redémarrage spectaculaire le 6 avril dernier. Les relations diplomatiques avec la France sont au point mort, alors il attaque les naturalisations et un os encore plus gros : Un référendum sur l’immigration. Il fallait oser.
Les prérogatives du président de la République, les feux rouges du Conseil constitutionnel…, rien n’arrête le ministre de l’Intérieur. Il a plaidé moult fois pour un référendum sur l’immigration, il y est revenu ce mardi 6 mai sur CNews et Europe 1. “Quand la loi ne protège pas les Français, il faut changer la loi et je pense que sur l’immigration pour reprendre le contrôle, il nous faut un référendum“, a asséné Retailleau.
“Reprendre le contrôle” du pays, des frontières, du destin de la France et tout le toutim, un jargon très usité par l’extrême droite et que le ministre plagie sans vergogne. A croire que l’élection du chef des Républicains et donc du candidat naturel de la droite à la présidentielle de 2027 lui donne des ailes. Il est d’avis qu'”un référendum sur l’immigration s’imposera, y compris au Conseil constitutionnel“…
Il feint d’oublier les freins, les écueils constitutionnels. Il sait pertinemment que le sujet de l’immigration n’est pas explicitement mentionné dans l’article 11 de la Constitution, lequel fixe le périmètre du référendum. Le chef de l’État “peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent“, peut-on y lire.
On ne peut contourner ce verrou qu’en faisant mouvement vers les mesures sociales, telles que l’a évoqué Retailleau en février dernier. Ici il serait question de conditionner les prestations sociales à une certaine durée de séjour sur le territoire français ou de remettre sur la table l’aide médicale d’État (AME). Des articles que la droite et l’extrême droite avaient imposés dans la Loi immigration en échange de leurs votes, le Conseil constitutionnel avait expurgé le texte de toutes ces dispositions qui n’avaient rien à y faire.
Fabius avait fermé la porte, Ferrand ouvrira-t-il à Retailleau ?
Laurent Fabius, qui a longtemps dirigé les Sages, avait été formel dans le journal Le Monde en 2024 : “La politique migratoire n’entre pas dans le champ de référendum“. Donc l’ancien Premier ministre socialiste avait clairement fermé cette porte, Retailleau s’est dit qu’il aura plus de chance avec le Macroniste à la tête du Conseil constitutionnel, Richard Ferrand. Mais justement : sans une demande formelle du chef de l’Etat aucune chance que ce sujet soit étudié.
A ce qu’on sache Macron n’a jamais formulé ce voeu, il a même clamé en octobre 2024 devant la Francophonie que l’immigration est “notre richesse”et “une force”, répliquant à une réflexion de Retailleau sur la question. Encore le ministre de l’Intérieur, décidément. Le chef de l’État s’est borné à évoquer son souhait de demander aux Français de “trancher” sur des “sujets déterminants” lors de ses vœux pour 2025. Il n’est pas allé plus loin. Quant à Bayrou il s’y oppose fermement…
Le chef du gouvernement a agité l’idée d’un référendum vendredi dernier dans la soirée mais il parlait des finances de l’État, il rejette toute consultation sur l’immigration. “Vous posez quelle question aux Français? ‘Vous êtes pour ou contre l’immigration?’ Vous croyez vraiment que c’est une question de référendum?“, avait dit sèchement Bayrou sur LCI en janvier dernier. Retailleau lui-même déplorait en septembre dernier sur la même chaîne, après sa nomination à l’Intérieur, qu’on ne puisse “pas faire en France, malheureusement pour des raisons constitutionnelles, de référendum sur l’immigration“.
Qu’est-ce qui a changé depuis ? Son appétit grandissant pour le palais de l’Elysée et le fait que le braconnage sur les terres de l’extrême droite soit plus payant électoralement. Pourtant le dernier sondage montre clairement que l’activisme du ministre ne bonifie en rien le rang de la droite, créditée d’à peine 10% des voix à la présidentielle. Alors que Marine Le Pen – Jordan Bardella caracolent en tête (34% des votes) et que la gauche unie se hisserait au 2e tour (au moins 20%).
Retailleau ferait mieux de se réveiller : le concernant l’élection ne se gagnera pas à l’extrême droite, un terrain déjà occupé. Pour la droite il faudra remigrer vers le centre et même la gauche modérée. La haine feinte ou pas des Algériens et des étrangers en général ne payera pas.
Laissez un commentaire