Cela fait des décennies que le spectre – complètement fantasmé – d’une invasion par des hordes de migrants hante le sommeil du fondateur du Front national (FN), Jean-Marie Le Pen. Sa fille Marine Le Pen a repris le label FN et l’a rebaptisé Rassemblement national (RN). Toujours les mêmes obsessions, le même épouvantail, avec une petite nouveauté : le jeune et charismatique Jordan Bardella crie avec la louve. Mais il n’y a pas qu’eux, le camp d’Eric Zemmour n’est pas mort et enterré, la chaîne C8 aussi verse – beaucoup trop – dans ces inepties, et maintenant le nouveau ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau…
Pourtant régulièrement des enquêtes et des statistiques officielles battent en brèche ces préjugés tenaces, une étude de l’INSEE l’a fait pas plus tard qu’en septembre dernier. En marge du dernier Sommet de la Francophonie le président français Emmanuel Macron a recadré publiquement Retailleau. Depuis il l’a reçu à l’Elysée, on ne sait pas ce que les deux hommes se sont dit, ce qui est certain c’est que le rapport annuel du CESE (Conseil économique, social et environnemental) sur les priorités des citoyens apporte de l’eau au moulin du chef de l’Etat.
Le document tire le tapis sous les pieds de Le Pen et compagnie. Cette étude, réalisée en partenariat avec Ipsos et publiée ce mercredi 23 octobre, place la santé en tête des préoccupations des citoyens, viennent ensuite le pouvoir d’achat et la conjoncture économique du pays. Le Premier ministre Michel Barnier a du pain sur la planche et pas peu.
La chaîne du groupe de Vincent Bolloré devra chercher d’autres têtes de Turc que les musulmans de France, les Algériens, les migrants et leurs punaises de lit, etc. Ça calme un peu cette étude. Questionnés sur les trois sujets «qui les préoccupent le plus», à peine 18% des Français ont mis dans le paquet l’immigration, elle est logée à la 6e position du classement, à ex-aequo avec l’instabilité géopolitique ou le futur du système de retraites…
Donc les obsessions de certains sont très loin des questionnements qui trottent dans la tête des Français en se levant le matin. Mais du reste il n’y a rien de nouveau sous le ciel de l’Hexagone, c’est le même ordre que l’année dernière, ce qui a changé c’est le pouvoir de nuisance de la mauvaise foi manifeste de l’extrême droite, de la droite et même une frange au centre – la Macronie. Même à gauche certains vacillent, emportés par le flot lepéniste.
A noter que la catégorie socio-professionnelle qui a le plus dégainé l’immigration dans l’enquête ce sont les retraités (21% d’entre eux), ceux qui côtoient le moins ces migrants accusés de voler le pain des Français. L’immigration est très loin derrière la santé : 40% des citoyens ont choisi cette dernière dans leur réponse, c’est +3 points en un an. Ce chiffre grimpe monte même à 42% dans les catégories socioprofessionnelles défavorisées (CSP-), celles à qui le RN vend des chimères.
L’enquête a été commandée par la troisième assemblée constitutionnelle de la République, ce travail est censé servira de boussole pour le gouvernement dans les grandes orientations des politiques publiques. On verra bien…
Le pouvoir d’achat recule de 6 points par rapport à 2023 mais demeure dans le TOP 3 du classement, 34% des Français interrogés le mettent au 1er rang. L’inflation a atteint un niveau inédit ces deux dernières années, certes l’envolée des prix retombe à 2% mais les Français en redemandent. 32% des sondés affirment qu’ils arrivent à peine à satisfaire leurs besoins essentiels et 13% se disent sur le bord de la route…
C’est beaucoup, beaucoup trop pour la 7e puissance économique de la planète, le pays réagit mal aux soubresauts de la conjoncture mondiale. Justement après le pouvoir d’achat il y a la situation économique et financière du pays. 28% des Français sondés la placent à la 3e position, +5 points en un an. La situation politique du pays, qui n’avait pas été soumise parmi les priorités en 2023, se glisse à la 4e place.
Un autre enseignement, majeur : le difficile accès aux services «pèse négativement sur l’attachement à la démocratie», pointe le CESE. «15 % des Français déclarent qu’ils ne seraient pas prêts à défendre la démocratie si elle était en danger», indique l’étude. «Plus inquiétant, 23 % ne sont pas convaincus qu’il s’agisse du meilleur système politique existant»…
Sans surprise parmi ceux qui tiennent le moins au legs démocratique les jeunes et les personnes défavorisées «sont largement surreprésentés». Pire : «un Français sur deux juge que seul un pouvoir fort et centralisé peut garantir l’ordre et la sécurité (51%)». Les présidents russe, iranien, chinois, égyptien, vénézuélien, etc., seront ravis de lire cette partie de l’enquête.
Enfin sur la participation à la vie sociale les Français citent majoritairement le militantisme dans une association (35% des sondés sont bénévoles, 43% parmi les retraités), les syndicats ou les organisations professionnelles et les partis politiques sont très loin derrière, respectivement 12 et 7%.
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