On n’entend que lui, on ne voit que lui, même plus que le Chef du gouvernement et Maire de Pau (il tient à son fauteuil municipal, pourtant la raison lui commande de le lâcher), François Bayrou. Ce dernier voulait des poids lourds dans son équipe et s’est engagé à ne pas les brider, à les laisser s’exprimer «à titre personnel», il est servi, à satiété, beaucoup plus qu’il le souhaitait et certainement plus que les Français l’espéraient. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, est partout, un ingrédient qui se met tout seul dans toutes les sauces, même celles qui empoisonnent les intérêts supérieurs de la République…
Il en a tellement fait sur l’épineux dossier algérien qu’on l’a diplomatiquement recadré, en lui signifiant que ce terrain n’est pas le sien, que c’est la chasse gardée du chef de l’Etat et de son ministère des Affaires étrangères. Retailleau a maugréé et a remis ça de plus belle dans un long entretien aux allures de bravade. Entre temps il a trouvé un autre os à ronger : la régularisation des sans-papiers, ceux dont le pays a besoin, ceux qui occupent des emplois dont les Français ne veulent pas.
Mais même pour ces tâches ingrates, nocives pour la santé et mal payées Retailleau trouve que trop de migrants illégaux passent entre les mailles du filet. Il a alors sabré la circulaire de l’ancien Premier ministre socialiste Manuel Valls, signé en 2012, pour régler un tas de problèmes. Ce texte avait été ménagé par la nouvelle Loi sur l’immigration, même Gérald Darmanin, qui n’est pourtant pas un tendre, avait fini par lui trouver quelques vertus pour l’économie française. Pas Retailleau, rien ne trouve grâce à ses yeux.
Les autres poids lourds du gouvernement, les anciens Premiers ministres Valls et Elisabeth Borne, se font discrets pour ne pas écraser leur chef Bayrou, le ministre de l’Intérieur ne se donne pas cette peine, il fonce dans le tas, animé par des calculs politiques et électoralistes mais aussi par des convictions fermes. Ce qui le rend plus dangereux pour la cohésion gouvernementale. Il a envoyé hier jeudi 23 janvier aux préfets une nouvelle circulaire sur la régularisation des sans-papiers. La musique va changer…
«La voie d’admission exceptionnelle au séjour (AES) n’est pas la voie normale d’immigration et d’accès au séjour. Visant des étrangers en situation irrégulière, elle doit demeurer une voie exceptionnelle», écrit le ministre, repris par “Le Figaro”. Retailleau rêve de parvenir à une parfaite «maîtrise des flux migratoires, en particulier par la lutte contre l’immigration irrégulière».
«Le niveau d’exigence en termes d’intégration des étrangers à notre société doit être renforcé, notamment au travers de leur engagement à respecter les valeurs de la République» (ce n’est pas nouveau, Darmanin l’a fait), ajoute-t-il dans cette nouvelle circulaire qui sera fièrement présentée ce vendredi lors d’une visite dans les Yvelines. «L’objectif, c’est de diminuer l’immigration, de lutter contre l’immigration notamment illégale et de ne pas régulariser à tour de bras», a plaidé le ministre sur Europe 1 ce vendredi.
«Il faut ne pas régulariser de façon trop quantitative, parce que (sinon) on donne une prime à l’irrégularité, à ceux qui ont fraudé», précise l’occupant de la Place Beauvau. Le ministre de droite – Les Républicains -, on l’a vu dès ses premiers pas, est un partisan de la ligne dure sur l’immigration. Il n’a pas cessé de clamer qu’il veut la peau de la circulaire Valls, trop permissive à son goût sur la régularisation des étrangers en situation irrégulière, Retailleau a triomphé, dans le silence total des autres membres du gouvernement, même Valls.
Certes le nouveau texte ne change pas fondamentalement les conditions pour bénéficier de cette «admission exceptionnelle au séjour», mais il invite les préfets à fermer le plus possible. «Il vous appartient d’assortir systématiquement le refus de séjour d’une mesure portant obligation de quitter le territoire français (OQTF)», déclare le ministre…
La circulaire Valls prônait une politique d’immigration «lucide et équilibrée», et demandait aux préfets «une juste prise en compte des réalités humaines», Retailleau assume des ouvertures «au compte-goutte». “Le Figaro” rapporte que désormais le demandeur doit apporter la preuve de la maîtrise «de la langue française (…). La justification d’un diplôme français ou bien d’une certification linguistique, délivrée par un organisme dûment agréé, ou toute autre preuve d’une maîtrise de la langue devra être appréciée favorablement» (là aussi ce n’est pas nouveau…), mentionne le ministre.
Autre écueil pour les demandeurs : le travailleur sans-papiers devait résider en France depuis au moins 3 ans et attester de 2 ans de travail au moins ; la nouvelle circulaire dit qu’«une durée de présence d’au moins 7 ans constitue l’un des indices d’intégration pertinent».
Enfin sachez qu’en 2023 la circulaire avait permis à 34 724 personnes d’obtenir un titre de séjour (+0,3% en comparaison avec 2022). D’après les données du ministère de l’Intérieur, 11 525 clandestins avaient été régularisés grâce à leur insertion professionnelle, 22 167 pour motif familial et un millier avec un statut d’étudiant. Avec la circulaire Retailleau il est hautement probable que tous ces chiffres seront sérieusement rabotés. C’est clairement l’objectif du ministre.
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