Economie

Huile d’olive tunisienne : la Chambre d’agriculture de France déballe le micmac de l’Italie et de l’Espagne, ces milliards qui filent

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La Tunisie est incontestablement un ténor de la production mondiale d’huile d’olive, elle est le 4ᵉ exportateur mondial, après l’Espagne, l’Italie et le Portugal. C’est valable aussi pour la qualité de l’or vert produit par le pays du jasmin, moult fois récompensé à l’international, de prestigieuses distinctions. Mais voilà, cette production reste sous-valorisée sur le marché international, ce qui fait le bonheur des concurrents de l’Union européenne (UE).

L’huile d’olive tunisienne est majoritairement exportée à bas prix (quelque 2 dollars le litre), essentiellement vers l’Espagne et l’Italie. Sur place elle est réexportée à des tarifs beaucoup plus élevés. Autant dire que les grands perdants sont les producteurs et exportateurs tunisiens. C’est ce qu’indique la Chambre d’agriculture de France dans un rapport sur le marché mondial de l’huile comestible publié en avril dernier

A noter que la Tunisie exporte plus de 80% de sa production d’huile d’olive sur le marché international et 90% de ces volumes atterrissent dans les 27 États de l’UE en vrac, sans aucune marque ni conditionnement. Ce qui ouvre un boulevard aux labels européens. D’après la Chambre d’agriculture de France, les importateurs européens tels que l’Espagne et l’Italie, respectivement 1er et 2e exportateur mondial, s’y glissent pour mélanger l’huile tunisienne à leurs propres productions…

Ce tour de passe-passe leur permet de revendre le précieux liquide à des prix bien supérieurs sous des marques labellisées. «En Italie, une part significative de l’huile vendue sous la dénomination “italienne” est en réalité un mélange contenant de l’huile tunisienne, mais reconditionnée sous des marques prestigieuses. Ces marques bénéficient d’une image de qualité supérieure, soutenue par l’héritage culturel et gastronomique italien, et renforcée par des certifications officielles telles que les labels DOP et IGP, quasiment inexistants en Tunisie», explique l’organisme français.

Les données collectées par l’Observatoire de l’agriculture montrent par exemple que le prix à l’exportation du kilogramme d’huile d’olive conditionnée monte à 16,7 dinars (5,5 dollars), une progression de 48,6% en comparaison avec le tarif du kilogramme d’huile d’olive en vrac (3,7 dollars). En d’autres termes la majeure partie de la valeur ajoutée qui se fait à l’exportation d’huile d’olive ne profite guère à la filière tunisienne.

La Tunisie a engrangé 4,8 milliards de dinars (1,6 milliard de dollars) grâce à ses expéditions d’huile d’olive sur le marché international en 2024, imaginez le volume des gains si cette perte sèche dans le conditionnement et la labellisation était gommée.

Les exportations tunisiennes ont toujours fait la part belle au commerce en vrac, du fait des coûts de conditionnement onéreux en Tunisie. Cette situation désavantage les exportateurs locaux, forcément moins compétitifs que les concurrents européens. Une étude réalisée par la FAO a établi que le coût du conditionnement en bouteilles de verre de 750 ml est de près de 1000 dollars par tonne d’huile d’olive, contre quelque 650 dollars en Espagne…

«Cela est dû aux coûts importants des emballages, qui représentent 70% du coût de conditionnement total. La principale raison est que la Tunisie ne produit pas suffisamment de bouteilles pour le transport de l’huile d’olive et doit en importer, principalement d’Italie, mais aussi de Chine», précise l’organisation onusienne.

En plus de ces freins il y a les tares structurelles du secteur tunisien de l’huile d’olive, principalement les obstacles pour les producteurs dans la filière du conditionnement. Dans un entretien avec Reuters en 2024, Mustapha Mtiraoui, qui joue dans la cour des petits exploitants mais qui est reconnu à l’international pour sa marque «Zlas», se plaignait des écueils autour du financement, du déficit d’usines d’embouteillage et de la position dominante d’un groupe de gros producteurs…

«La vente d’huile d’olive en bouteille est plus rentable, mais plus compliquée, car nous ne pouvons pas obtenir les prêts préférentiels accordés aux grands concurrents par les banques locales», soutenait M. Mtiraoui.

Ces difficultés devront être scrutées par les autorités pour que les correctifs soient apportés. De nouvelles niches émergent un peu partout dans le monde, notamment en Amérique du Nord, en Asie et au Brésil ; la Tunisie pourrait tirer un profit maximal de cette dynamique en exploitant de manière optimale son potentiel oléicole…

La voie royale on la connait :  sortir de la logique d’exportation en vrac, proposer une offre différenciée, propulser des marques nationales solides, investir dans les certifications de qualité et muscler la stratégie de communication à l’international.

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