Lors d’une audition au Sénat le mercredi 27 novembre, Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, a exprimé son souhait de mettre fin à l’accord franco-algérien de 1968, un texte qui facilite le séjour et l’emploi des Algériens en France. Qualifiant cet accord de « désuet » et « non justifié », Retailleau estime qu’il est en « décalage total avec les réalités migratoires et diplomatiques actuelles ».
Pour le ministre, cet accord, révisé à plusieurs reprises mais jamais fondamentalement remis en question, serait à l’origine d’une « immigration d’installation » accordant des privilèges disproportionnés aux Algériens par rapport aux autres ressortissants du Maghreb, notamment les Marocains et les Tunisiens. Il plaide pour une « relecture » de ces relations bilatérales.
Une position qui interroge la stratégie diplomatique
Le débat sur l’immigration est déjà un terrain hautement sensible en France, mais la proposition de Retailleau ajoute une dimension diplomatique à une question principalement perçue sous l’angle national. En appelant à « tourner la page » de cet accord, le ministre remet en question un texte historique qui symbolise une partie de la relation complexe entre la France et l’Algérie, marquée par le passé colonial et des liens humains profonds.
Cependant, cette position semble ignorer les conséquences potentielles d’une telle décision. Mettre fin à cet accord pourrait exacerber les tensions déjà vives entre Paris et Alger, notamment dans un contexte où les relations diplomatiques ont été fragilisées par des différends récents, comme la question du Sahara occidental ou l’arrestation de l’écrivain Boualem Sansal à l’aéroport d’Alger.
Une vision critiquée
La déclaration de Retailleau soulève plusieurs interrogations. D’abord, sur la forme, elle semble être une position personnelle plus qu’une politique gouvernementale concertée. En précisant que « cela n’engage que moi », Retailleau démontre une fragilité dans sa posture, laissant entendre que son appel ne fait pas l’objet d’un consensus au sein de l’exécutif. Ensuite, sur le fond, la remise en question de cet accord peut être perçue comme une réponse simpliste à des problèmes migratoires bien plus complexes.
Critiques et associations soulignent également le danger de réduire les relations bilatérales franco-algériennes à des enjeux migratoires. L’accord de 1968 ne représente pas seulement un outil d’immigration, mais également un cadre symbolique pour les liens historiques et humains entre les deux nations.
Entre pragmatisme et populisme
Dans un contexte où l’immigration est au cœur des débats politiques en France, la position de Retailleau peut apparaître comme un moyen de répondre à une partie de l’opinion publique favorable à un durcissement des politiques migratoires. Toutefois, cette posture risque de nuire à la crédibilité diplomatique de la France et de renforcer les tensions avec l’Algérie.
Au lieu de proposer une solution globale et concertée, Retailleau semble choisir la voie du populisme, au risque de fragiliser un équilibre déjà précaire dans les relations franco-algériennes.
Que se passe-t-il en Tunisie?
Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!
Commentaires