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Interview Franchise-Mehdi Ben Gharbia: La Tunisie, Bizerte, la liberté d’expression

Interview Franchise-Mehdi Ben Gharbia: La Tunisie, Bizerte, la liberté d’expression

A la veille du vote de confiance au gouvernement Mechichi, Mehdi Ben Gharbia député de Tahya Tounes sur la circonscription de Bizerte et ancien Ministre chargé des Relations avec les instances constitutionnelles, la société civile et les organisations des droits de l’Homme a donné une interview franchise à Tunisienumérique.

  1. Tahya Tounes soutient le gouvernement Mechichi pourquoi ?

“Tahya Tounes était parmi les premiers partis qui ont expliqué qu’ils sont pour le principe d’un gouvernement technocrate, un gouvernement de compétences mais avec l’impératif que ce soit vraiment des compétences indépendantes avec un programme de sauvetage de l’économie. Nous pensons que, même si on est dans un régime parlementaire, aujourd’hui la situation est tellement tendue entre les divers partis politiques, la mosaïque du Parlement est tellement dispersée que peut être, exceptionnellement, on serait dans un gouvernement de technocrates, de compétences. Comme ça, il y aura un petit armistice entre les partis politiques et l’ARP se concentrera pour instaurer les institutions : La Cour suprême, la loi électorale, etc.

On aura “une bouffée d’oxygène” durant une année ou deux avec moins de conflits politiques. On est pour ce gouvernement et on va voter ce gouvernement demain.”

  1. La formation du gouvernement suffira-t-elle à dépasser la crise politique ?

Certainement pas. Aujourd’hui, il y a une crise politique, économique et sociale. La crise politique c’est avec le Parlement et surtout avec des partis politiques qui sont, malheureusement, depuis 10 ans en campagne électorale continue. Aujourd’hui, il y a une diabolisation de tous les partis politiques : Tout le monde accuse tout le monde de corruption, de tous les maux du pays et chaque parti politique a un discours : le problème du pays c’est les autres. Par contre en vérité c’est le pays qui est malade.

Tous les indices économiques sont en rouge et avec la Covid-19 tous les problèmes qu’on a se sont amplifiés, notamment le déficit public, la détérioration du service publique, enseignement, santé et transports faute de moyens, des entreprises publiques en faillite, une compensation qui est source de corruption et une administration qui a du mal à se renouveler et à faire sa réforme. On vit une crise sociale et les problèmes sont là depuis 2011, une précarité qui touche de plus en plus de Tunisiens, la détérioration du pouvoir d’achat de la classe moyenne, un chômage endémique a part les problèmes qui durent du  Kamour, du phosphates et les diverses formes du travail précaire qui demandent régularisation.

Ce n’est pas juste un gouvernement qui pourrait changer tout cela. Ce gouvernement aura nécessairement besoin pour pouvoir dépasser la crise politique, d’une prise de conscience des partis qui, aujourd’hui,  se trouvent à la marge du jeu politique. Des partis qui ont gagné les élections qui se trouvent, un an après avec un gouvernement technocrates nommés par le président de la République et qui n’ont  aucun parti politique : C’est une situation assez inédite. Aujourd’hui, il faudrait une prise de conscience et surtout recentrer le débat autour des réformes et arrêter ce discours populiste en prétendant que le pays est riche et plein de ressources. Le pays doit surtout se remettre au travail.

  1. En tant que membre du bureau de l’ARP quel bilan dressez-vous de la session parlementaire passée ?

On a réussi à voter quelques lois importantes. On a aussi réussi lors de la crise de la Covid-19 à faire adopter des mesures d’urgence avec 3/5 des élus. Mais il faudrait dire que l’année était traversée de spectacles désolants avec des querelles, des bagarres et avec une présidence du Parlement qui n’était pas consensuelle, qui est restée beaucoup plus dans l’appartenance partisane que dans la gestion conciliante d’une institution.

Il y avait aussi des blocs comme le PDL qui n’ont fait qu’arrêter le travail de l’institution. Les bagarres quotidiennes à l’Assemblée ont beaucoup touché la crédibilité de cette institution. Je pense que l’année passée était globalement en dessous des attentes de tunisiens.

On espère bien que cette année tous les partis politiques retiendront la leçon et seront conscients qu’on ne peut pas continuer avec cette ARP du moins avec l’image qu’elle a présentée aux tunisiens l’année dernière.

  1. Seriez-vous candidat pour rempiler au bureau de l’ARP ?

Le bureau de l’ARP est l’organe qui gère le Parlement. Il est représenté par les blocs parlementaires. Malheureusement cette année il y a eu une alliance gouvernementale qui n’était pas la même au Parlement.

J’étais membre du bureau durant la session parlementaire précédente et je suis désolé de dire qu’avant, il y avait beaucoup plus de consensus et on essayait d’éviter les problèmes de la plénière et non d’exporter nos problèmes à la plénière, ce qui était le cas cette année.

Je pense qu’étant représentant de Tahya Tounes, j’ai essayé d’être la voix de la raison.

J’ai représenté mon bloc et mes convictions comme j’ai pu le faire au sein de ce bureau et c’était une belle expérience. Mais l’année prochaine il y aura un autre député puisque j’ai passé une année et il faut laisser la place à un autre député.

  1. Quel bilan dressez-vous du gouvernement Fakhfekh ?

Monsieur Fakhfekh était choisi par le président de la République. Ce gouvernement pouvait être une chance pour le pays mais, malheureusement, le comportement des partis politiques n’a pas aidé, en premier lieu Ennahdha qui n’a pas accepté totalement ce gouvernement mais aussi les autres partis politiques qui n’ont pas joué le jeu.

Il y avait un manque de maturité politique ce qui a pesé sur le rendement de ce gouvernement. Je pense que globalement le gouvernement Fakhfekh a bien géré la plus grande crise sanitaire qu’on eu au pays. C’était un succès et donc un grand point positif pour lui. Il a essayé de faire des réformes mais malheureusement la plus grande force politique qui composait ce gouvernement ne voulait pas qu’il continue, du moins pas dans la configuration initiale et c’est ce qui a précipité sa chute.

  1. Le limogeage de Chawki Tabib est-il acceptable d’un gouvernement démissionnaire ?

Je ne voudrais pas enter dans l’explication juridique mais je pense que ce limogeage n’est pas dans l’esprit avec lequel on a prévu ces institutions permanentes dans la Constitution. Je pense que ce n’était pas la bonne décision à prendre.

  1. MBG s’investit plus à Bizerte depuis une année. Est-ce un prélude à un retour au CAB ?

C’est mon troisième mandat en tant qu’élu de Bizerte. J’ai essayé durant ce mandat de servir Bizerte. Je me consacre à Bizerte en essayant de servir mes électeurs et d’être beaucoup plus proches d’eux. Ma priorité c’est Bizerte et même au Parlement je me concentrerais sur ça les années prochaines.

Pour le CAB, j’étais président pendant 5 années et demi. J’estime que j’ai fait tout ce que j’ai pu pour cette équipe. Je pense que j’ai eu ma chance de gérer ce club et il faudrait donner cet honneur à quelqu’un d’autre mais je serais toujours à ses côtés.

  1. On vous a vu au spectacle de Lotfi Abdelli est-ce un positionnement par rapport à Abir Moussi?

Non, ce n’est pas un positionnement politique. C’est une position citoyenne. L’art est satire, personne n’a le pouvoir de définir la moralité, ni l’Etat, ni les partis politiques, ni les instances religieuses. La liberté ne se divise pas, la liberté d’expression ne peut pas être muselée. C’est le principal acquis depuis la Révolution.

Ce n’est pas une position politique, c’est une position citoyenne et je l’aurais fait indépendamment de qui est de l’autre côté et je le ferais avec quelconque artiste. Etant toujours pris pour cible pour ça, il faudrait prendre les choses avec humour.

 

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