C’est sans aucun doute la cheffe de gouvernement la plus populaire et la plus efficace de ces dernières décennies. Giorgia Meloni a mis un terme à des crises politiques cycliques, ramené la stabilité dans le pays, signé des victoires contre la migration clandestine, scellé un partenariat ambitieux avec l’Afrique, dopé le flux des investissements étrangers, etc. Mais est-ce que tous ces succès autorisent la sémillante et charismatique cheffe de file de “Fratelli d’Italia” (extrême droite) à faire fi des usages dans une démocratie qui se respecte ? Est-ce que comme son ami Donald Trump Mme Meloni a le droit de fouler au pied le cadre fixé par la Constitution, les lois, les conventions et le droit internationaux ?
L’affaire est brûlante, politiquement et judiciairement. Mme Meloni a fait savoir ce mardi 29 janvier dans une vidéo sur Facebook qu’elle et deux de ses ministres font l’objet d’une enquête après l’étrange départ d’un responsable libyen. Très habile, la dame a accusé les magistrats de politiser leur statut. Mais cela n’empêchera pas les juges de la traquer, cheffe de gouvernement ou pas…
Et pour cause : Elle serait mouillée dans la fuite de Osama Almasri Najim, chef de la police judiciaire libyenne, sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité perpétrés depuis le 15 février 2015.
C’est d’ailleurs ce mandat qui lui a valu une arrestation il y a 10 jours dans un hôtel de Turin, en vertu du Statut de Rome. Les autorités italiennes étaient censées se plier à cette convention paraphée sur leur terre, sauf qu’il y a une semaine un ordre émis par la Cour d’appel de Rome a sauvé in extremis le sulfureux Libyen. Le document évoquait un vice de procédure, le responsable a été libéré illico, mis dans un avion affrété par l’État italien direction Tripoli.
Giorgia Meloni, les ministres de la Justice Carlo Nordio et de l’Intérieur Matteo Piantedosi sont pointés du doigt, pour être intervenus dans la libération et l’exfiltration du Libyen. L’affaire est d’autant plus suspecte que la coopération des autorités libyennes est pour beaucoup dans les exploits du gouvernement italien sur le dossier des migrants illégaux. Mme Meloni est directement accusée par des magistrats, elle a répliqué qu’ils ont un agenda politique…
Elle a tiré surtout en direction du procureur de Rome, Francesco Lo Voi, qui lui a signifié l’ouverture d’une enquête sur l’expulsion du Libyen. Elle a clamé qu’il était le procureur à Palerme chargé de porter l’accusation dans le procès de son vice-chef du gouvernement, le leader anti-immigration Matteo Salvini, inculpé pour avoir bloqué des migrants en mer quand il était ministre de l’Intérieur en 2019. L’homme a été relaxé.
Mme Meloni a également insisté sur le fait que la plainte avait été formalisée par l’avocat Luigi Li Gotti, qui avait défendu de nombreux mafieux repentis mais surtout occupé la fonction de sous-secrétaire à la Justice dans un gouvernement de centre-gauche, piloté par Romani Prodi. Donc forcément ce magistrat est un adversaire politique et veut abattre la cheffe du gouvernement, se dit cette dernière. C’est peut-être vrai, peut-être pas. On verra…
La suite c’est l’enquête qui le déterminera. Ce qui est certain c’est que le lourd passif du Libyen enfoncera Mme Meloni. Osama Almasri Najim est accusé par la CPI d’avoir signé en Libye des crimes contre des détenus du fait de leur religion, quand ils n’étaient pas accusés d’un “comportement immoral” ou affiliés à des groupes armés. La cheffe du gouvernement italien s’était défendue samedi dernier en demandant à la CPI de “clarifier pourquoi elle a mis des mois à lancer ce mandat d’arrêt alors qu’Almastri avait déjà traversé trois pays européens“. Elle a ressorti cet argumentaire mardi dans sa vidéo…
La CPI “après des mois de réflexion émet un mandat d’arrêt contre le chef de la police judiciaire libyenne, mais curieusement la Cour le fait précisément au moment où cette personne était sur le point d’entrer sur le territoire national après avoir séjourné de manière sereine pendant une douzaine de jours dans trois autres États européens“, a-t-elle glissé.
Est-ce que sa technique de défense l’aidera à sortir des griffes de la justice italienne ? Rendez-vous dans les semaines et mois à venir.
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