Il fallait forcément une suite à l’agitation monstre provoquée par le coup d’arrêt du Tribunal administratif dans le dossier des 57 magistrats révoqués par le chef de l’Etat, Kais Saied. La suite c’est le vice-président de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH), Bassem Trifi, qui la donne avec des révélations embarrassantes pour la ministre de la Justice, Leila Jaffel.
Maitre Bassem Trifi a déclaré ce jeudi 11 août sur une radio privée qu’il tient de certaines sources que c’est bien Leila Jaffel qui a décidé, seule, de monter de bout en bout les dossiers des juges limogés. Il a ajouté que la ministre a veillé personnellement sur l’élaboration de ces documents et qu’elle les a soumis par la suite au président de la République.
Autre confidence : Des parties sécuritaires ont trempé dans cette affaire en inscrivant des noms dans ces fameux documents…
Cela sous-entend qu’il y a eu complot – ourdi par qui et pour quel agenda ? – au sommet de l’Etat pour compromettre ces magistrats…
En tout état de cause le vice-président de la LTDH est d’avis que tout le processus d’éviction de ces juges, par simple décret présidentiel, sort du cadre légal, ce que d’ailleurs le Tribunal administratif a pointé pour motiver sa décision…
Reste le fond de l’affaire. Une affaire qui fait tache si les informations de Me Trifi sont avérées. En effet une ministre qui confectionne sur un coin de table des documents de cette ampleur avec les conséquences que l’on sait, c’est tout simplement surréaliste dans une République digne de ce nom. Et c’est surtout mortifère pour la crédibilité d’une Justice sans laquelle point de salut démocratique…
Toutefois il est très probable que si la ministre s’est conduite de la sorte – on y va avec des pincettes – c’était pour offrir des trophées à son patron, Kais Saied, qui dénonce à chacune de ses sorties une Justice gangrenée par la corruption, qui laisse filer les pilleurs de la République pour tomber à bras raccourcis sur les “petits” délinquants. Il est très probable, si Leila Jaffel a effectivement fauté, que c’est cette ambiance délétère faite de soupçons tous azimuts qui aurait fait dérailler la ministre…
Mais même dans le cas où elle serait sortie du cadre, elle ne porterait pas seule la responsabilité de cette sombre affaire. C’est Saied qui a porté ce dossier à la connaissance du public, il lui revenait de s’assurer de la solidité des éléments de preuve et de la régularité de la procédure avant de la valider et de l’ébruiter. Donc jeter l’opprobre sur la ministre de la Justice, pourquoi pas si c’est justifié, mais ça ne dédouane en rien l’occupant du palais de Carthage…
En fin connaisseur des arcanes juridiques et constitutionnels il lui était facile de s’assurer de la fiabilité des documents avant de décréter. Il ne l’a pas fait, il y est allé tout de go. Il devra en assumer la responsabilité morale et politique…
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