La consultation nationale chère au chef de l’Etat, Kais Saied, file droit vers un ratage complet. Saied pourra en vouloir à un tas de personnes, à commencer par ses plus proches collaborateurs qui n’ont rien fait pour que la mayonnaise prenne. Celui qui a le plus brillé dans cette affaire, et pas toujours de la meilleure des façons, c’est sans doute le ministre de la Jeunesse et des Sports, Kamel Deguiche. La dernière fois qu’il a fait le point sur les chiffres de la plateforme électronique il qualifiait les 113 000 inscrits de bon score, en attendant la montée que devait forcément provoquer un grand battage médiatique et publicitaire, dans toute la presse. L’opération n’est jamais venue, à moins de 3 semaines de la fin des inscriptions. Kamel vient de corser son addition avec des propos inqualifiables…
Au départ le ministre de la Jeunesse tablait sur 2 millions de personnes inscrites sur la plateforme, il considérait cela comme un seuil acceptable pour légitimer la grande affaire de Kais Saied. Ce chiffre est passé à un peu de 200 000. Il a déclaré sur une radio privée qu’après tout un peu plus de 200 000 personnes (sur au moins 6 millions de citoyens-électeurs) qui se prononcent sur l’avenir de toute une nation c’est convenable. Il vient donc de lâcher son ballon d’essai sur ce qui se prépare en haut lieu : Célébrer le peu d’appétit des Tunisiens pour cette consultation comme un triomphe modeste certes mais triomphe quand même. Et après embrayer pour dérouler la suite vers le référendum populaire…
Mais Kamel ne s’est pas arrêté là, pour renforcer son argumentaire il a déclaré que même le président français, Emmanuel Macron, est passé avec un million de voix sur une population de 60 millions de personnes (la France en compte plus de 67 millions). Le ministre ne donne aucune indication sur le vote en question : référendum, élection… Ce qui est certain c’est que le chef de l’Etat français n’a organisé aucun référendum depuis son élection en 2017. Il projetait d’en convoquer un, pour inscrire l’urgence climatique dans la Constitution, mais a reculé au dernier moment face au risque d’incompréhension du texte et in fine de son rejet…
Et entre temps les seules élections qui ont eu lieu ce sont les municipales de 2020, très compliquées en raison de la pandémie du Covid-19. Mais même en dépit de ce contexte près de 21 millions de français se sont déplacés pour aller voter au premier tour, et au second ils étaient près de 7 millions. On est donc très loin du chiffre de 1 million avancé par le ministre. Et s’il parle des élections générales de 2017, un peu plus de 37 millions d’électeurs avaient voté au premier tour et plus de 35 millions au second. Au premier tour Macron avait recueilli plus de 8 millions de voix et près de 21 millions au deuxième. Là encore on est à des années-lumière du chiffre dégainé par Kamel Deguiche. D’où il le sort ?!
Ce qu’on peut regretter c’est que le présentateur et les chroniqueurs n’aient pas rebondi pour obliger le ministre à donner des précisions sur ce parallèle français qu’il a sorti de sa tête pour justifier le fait que 200 000 citoyens tunisiens décident de l’avenir d’un pays de près de 12 millions d’habitants. Le même ministre qui avait été pris dans la tempête du faux coup de fil à la Fédération de football et aux joueurs de l’équipe nationale a donc récidivé. Des arrangements avec la vérité sur certaines sujets mineurs on peut le pardonner, mais pas sur un projet qui engage le devenir de toute une nation…
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