Gigantisme, c’est le qualificatif qui colle le mieux à l’Egypte. Le pays le plus peuplé du monde arabe et le 3e le plus peuplé en Afrique (après le Nigéria et l’Ethiopie) a donné à l’Humanité une des plus brillantes civilisations, une civilisation pétrie de sciences et de culture qui a émerveillé le monde en triomphant de tous les handicaps naturels, en premier le climat aride. Mais ce même environnement sec a permis au pays des pharaons de conserver ses monuments millénaires qui font le bonheur des touristes du monde entier. Cette fierté nationale trempée dans ce glorieux passé on la lit dans les yeux des Egyptiens, elle transparait dans chacun de leurs gestes, paroles et c’est encore elle qui a forgé leur foi en l’avenir en dépit des accidents de l’Histoire dont le peuple s’est toujours relevé pour avancer.
Il a vaincu le démon de l’extrémisme religieux, il gagnera ses autres combats
L’Egypte, nichée en Afrique du Nord-Est, est un trait d’union entre son continent et le Moyen-Orient. Sa capitale, le Caire, abrite les sièges d’instances internationales phares telles que la Confédération africaine de football (CAF) et la Ligue des Etats arabes. Depuis des décennies l’Egypte est au carrefour de la diplomatie mondiale et a une place centrale dans la résolution de vieux conflits tels que le conflit entre Israël et la Palestine, lequel enfièvre toute la région. Cette conjoncture internationale tourmentée a fait de l’actuel président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, un personnage incontournable dans les négociations de paix entre l’Etat hébreu et ses voisins.
Mais avant cela il a fallu que l’Egypte réglât ses problèmes. Comme ses voisins sur la rive sud de la Méditerranée (l’Algérie et la Tunisie surtout) le pays des pharaons a lui aussi affronté et vaincu le démon de l’islamisme radical. C’est lui qui avait emporté le président Anouar el-Sadate, assassiné par les intégristes en 1981. Avec une main de fer son successeur Hosni Moubarak rétablit l’ordre et tient fermement le pays jusqu’en 2011. Lui aussi sera balayé par la bourrasque du «Printemps arabe». Les islamistes, qui travaillaient en sous-marin et étaient déjà bien structurés, profitèrent de la ferveur révolutionnaire pour émerger de nouveau…
Le triomphe du Parti de la liberté et la justice, la formation islamiste, aux législatives de 2011-2012 mit sur orbite leur candidat Mohamed Morsi pour l’élection présidentielle de juin 2012. S’en suivent des années d’errements et de dérives dans la gestion des affaires publiques, des sorties de route que les Egyptiens payèrent très cher et payent encore. C’est le coup d’Etat de juillet 2013 qui stoppa cette dangereuse embardée. Depuis le maréchal al-Sissi pilote le pays, avec la même fermeté que Moubarak mais c’est aussi grâce à cette fermeté que le pays a retrouvé son chemin vers le progrès.
L’Egypte vient de loin et elle est allée très loin
Le chef de l’Etat, âgé de 69 ans, a entamé son 3e mandat en avril 2024, au terme d’un scrutin où il a été réélu très confortablement, avec 89,6% des voix. Ses opposants crient encore à la forfaiture démocratique, à la répression des libertés publiques et individuelles, mais personne ne peut minorer ce qu’al-Sissi a fait et continue de faire pour éviter à son pays un naufrage financier, économique et social. D’après les dernières données livrées par le FMI – en avril 2024 – l’Egypte affiche le 2e PIB (produit intérieur brut) le plus gros du continent, quelque 347,60 milliards de dollars, derrière l’Afrique du Sud (373 milliards de dollars).
Le climat désertique du pays a concentré l’essentiel de l’activité humaine et économique sur les abords du fleuve Nil. En dépit de ces aléas naturels l’Égypte a pu bâtir une économie diversifiée qui lui donne un net avantage sur beaucoup de pays africains. En 2015 près de 16% du PIB étaient générés par des secteurs manufacturiers, 12% par les secteurs extractifs (principalement l’exploitation de ressources naturelles comme le pétrole et plus tard le gaz), 13% provenaient du commerce de gros et de détail, etc. Depuis 40 ans les autorités se démènent pour défaire l’économie étatique centralisée instaurée par le président Gamal Abdel Nasser.
Le virage des réformes et de la modernisation de l’économie pris par l’Égypte entre 2006 et 2008 a produit des taux de croissance record, +7% par an, une lancée qui a été stoppée net par la crise des subprimes. A cause de ce cataclysme mondial l’Egypte n’a pas pu tasser davantage le seuil de pauvreté, qui est monté à 40% dans la population. Et quand une population de plus de 110 millions de personnes s’agite il est très difficile de la contenir. La contestation populaire a fait le lit de la Révolution en 2011 et de la chute de Moubarak.
Encore des larmes et de la sueur, avant le bout du tunnel
Le président al-Sissi a dû composer avec toutes ces tares en 2013. Dès son installation il mit en place une politique d’austérité. Cap sur la réduction des subventions à l’énergie et à l’électricité, instauration d’une TVA et hausse du tarif des billets du métro du Caire. Evidemment les classes populaires ont protesté devant le lourd fardeau alors que l’impôt sur le revenu des sociétés baisse. Un nouveau plan d’austérité est imposé en novembre 2018 et cette fois les fonctionnaires trinquent, avec un gel des salaires. Mais ils ne sont pas les seuls, les bénéficiaires des subventions pour l’alimentation également, ils sont 3 millions de moins après le tour de vis.
Tout cela n’empêche pas la dette publique d’exploser, 92,64 milliards de dollars en juin 2018, ce qui fait une hausse de 17% en une seule année. L’Egypte paye le prix de son budget militaire croissant, un poste de dépenses qui laisse peu de place aux investissements dans l’éducation, la santé, les infrastructures et la relance économique. D’après un rapport de la Banque mondiale publié en avril 2019 près de 60% de la population égyptienne vit dans la pauvreté ou la précarité. Quant à la dette extérieure du pays, elle est montée à plus de 143 milliards de dollars en 2023 et le service de la dette mange plus de 18 milliards par an. Rien qu’en 2023 le service de la dette a englouti 42 milliards.
Mais l’Egypte se soigne, par les financements extérieurs pour muscler l’économie et créer de la richesse, par les investissements étrangers pour hausser le niveau de développement et offrir des emplois durables. Cette année le Caire a annoncé la signature de 7 protocoles d’accord d’un montant global de 41 milliards de dollars avec des groupes énergétiques locaux et internationaux. Le but est de faire de l’Egypte un hub mondial des énergies renouvelables et de l’hydrogène vert. Dans cette même année le président al-Sissi a rondement mené des négociations pour encaisser 22 milliards de dollars (8 milliards de la part du FMI, 8 déboursés par l’Union européenne et 6 versés par la Banque mondiale)…
Parallèlement à la dynamique de l’investissement il y a celle des politiques de réforme, avec une vague de privatisations sans précédent pour rogner les dépenses étatiques et générer des recettes pour le Trésor public. Toute cette débauche d’énergie finira par payer, forcément.
Article, extrait du numéro 12 de TN Le Mag.
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