Economie

La dette climatique des pays riches envers l’Afrique estimée à 36 000 milliards de dollars (rapport)

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Les pays riches, historiquement responsables de la majeure partie des émissions de gaz à effet de serre, ont accumulé une dette climatique estimée à 36 000 milliards de dollars envers le continent africain, révèle un rapport publié en février 2025 par l’ONG ActionAid. 

Cette somme dépasse de plus de cinquante fois la dette extérieure totale de l’Afrique, illustrant une profonde iniquité dans la gestion des conséquences du changement climatique.

Une dette ignorée malgré son ampleur

Le rapport intitulé « Who Owes Who ? External debts, climate debts and reparations in the Jubilee Year » s’appuie notamment sur les travaux des économistes écologiques Jason Hickel et Andrew Fanning, qui ont quantifié l’excès d’émissions de carbone des pays riches par rapport à leur part équitable du budget carbone mondial. 

Cette « appropriation atmosphérique » a lourdement pénalisé l’Afrique, qui subit les effets du réchauffement climatique sans en être responsable. Pourtant, alors que cette dette climatique reste impayée, les pays africains doivent faire face à un recouvrement rigoureux de leur dette extérieure, souvent sous des conditions financières défavorables qui réduisent les budgets nationaux consacrés à la santé, à l’éducation et à la lutte contre le changement climatique.

Des financements climatiques sous forme de prêts

Les mécanismes actuels de financement climatique aggravent cette situation. Les pays riches se sont engagés à verser 100 milliards de dollars par an aux pays du Sud, un objectif porté à 300 milliards lors de la COP29 en 2024. Toutefois, la majorité de ces fonds sont accordés sous forme de prêts, augmentant la charge de la dette des pays africains déjà fragilisés. 

En moyenne, les taux d’intérêt appliqués en Afrique atteignent 9,8%, contre seulement 0,8% pour des pays comme l’Allemagne, accentuant les inégalités financières. Les modélisations indiquent qu’un transfert annuel de 1 400 milliards de dollars serait nécessaire pour l’Afrique afin de compenser cette dette climatique d’ici 2050.

L’urgence d’une nouvelle architecture financière

Face à cette réalité, le rapport d’ActionAid appelle l’Union africaine et les pays du Sud à s’unir pour réclamer une réforme profonde du système international de gestion de la dette. Il s’agit notamment de remplacer l’actuelle architecture, centrée sur le Fonds monétaire international, par une convention-cadre des Nations Unies plus équitable. 

Cette démarche inclut la demande d’annulation de la dette extérieure comme partie intégrante du règlement de la dette climatique. Une telle transformation permettrait aux pays africains de mobiliser les ressources nécessaires pour soutenir leur urbanisation rapide et renforcer leur résilience face aux impacts climatiques, alors qu’ils ne contribuent qu’à hauteur de moins de 4 % aux émissions mondiales de gaz à effet de serre.

L’Afrique se trouve ainsi à la croisée des chemins, confrontée à une double contrainte : devoir financer son développement et son adaptation climatique tout en étant tenue responsable d’une dette qui ne lui revient pas. Le poids de cette dette climatique, largement ignoré jusqu’ici, impose une réflexion urgente sur la justice climatique et financière à l’échelle mondiale.

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Publié par
Mohamed Ben Abderrazek