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La France”innove” : On expulse sur la base d’un simple soupçon de radicalisation, même si le Conseil d’Etat et la Cour européenne disent NON

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Expulser les délinquants étrangers, tous, coûte que coûte, surtout ceux épinglés pour extrémisme et radicalisme religieux – comprenez les musulmans -, même sur la base de simple présomptions que rien n’étaye matériellement, c’est le cap fixé par l’exécutif français depuis l’assassinat du professeur Dominique Bernard à Arras (Pas-de-Calais). Et c’est le président de la République en personne qui prend la tête de ce combat, comme il l’a fait pour l’abaya et le qamis l’école. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin est prêt à foncer tête baissée dans le tas, même s’il faut pour cela piétiner des décisions de justice…

Darmanin après le rejet au Parlement du projet de Loi sur l’immigration, texte qu’il peaufine depuis juillet 2022, avait promis une autre fournée de «mesures de fermeté» avant la fin de cette année. Il n’a pas attendu, il dégaine déjà. Il a expulsé du territoire français un ressortissant ouzbek sur la base de soupçons de radicalisation. Bon, le ministre a peut-être fait une erreur, après tout elle est humaine. Sauf qu’il refuse de la corriger, il persiste.

Pourtant la Cour européenne des droits de l’Homme a notifié à Darmanin qu’aucune preuve n’incrimine cet homme et qu’en conséquence il faut le réadmettre sans tarder sur le sol français. Pas plus tard que le 7 décembre le Conseil d’État a “enjoint au ministre de l’Intérieur et des Outre-mer et au ministre de l’Europe et des Affaires étrangères de prendre dans les meilleurs délais toutes mesures utiles afin de permettre le retour, aux frais de l’État, de M.A en France“. Rien, le ministre ne veut rien entendre.

Alors l’avocate du malheureux est intervenue hier vendredi 15 décembre dans la soirée sur BFMTV pour crier son incompréhension et sa colère contre Darmanin. Même après que le Conseil d’État a “enjoint” à la France de ramener le ressortissant ouzbek le ministre de l’Intérieur martèle qu’il fera “tout” pour que l’individu expulsé “ne puisse pas revenir […] qu’importe les décisions des uns et des autres“, a déclaré Me Lucie Simon.

Je suis effarée par de telles déclarations, je suis effrayée (…), les gens ne prennent pas vraiment la mesure de la dangerosité, de la gravité de telles déclarations (…). Il nous dit ‘dans ce pays il y a un homme à qui les lois ne s’appliquent pas de la même manière qu’aux autres’ […] et qu’il ne va pas respecter une décision de justice, qu’il est au-dessus des lois (…). Cela dépasse notre client, cela nous concerne tous“, a-t-elle ajouté.

On est à quel degré, pour le ministre de l’Intérieur, de mépris de nos institutions judiciaires?”, s’est indignée l’avocate. “Il ne s’agit évidemment pas d’une décision politique mais d’une décision prise par des juges indépendants qui disent que le ministère de l’Intérieur a méconnu la décision de justice et qu’il faut revenir à l’état antérieur“, a rappelé Me Simon.

L’avocate du ressortissant ouzbek, “emprisonné dans des conditions effroyables” en Ouzbékistan, veut prendre langue avec le ministère des Affaires étrangères et le ministère de l’Intérieur pour faire revenir son client en France. “Il a déjà été torturé, il va très certainement l’être de nouveau“, a-t-elle précisé. “Il y a une décision, le ministre de l’Intérieur ne peut pas passer outre, sinon il perdra toute crédibilité politique“, a-t-elle conclu…

Darmanin, qui rumine encore sa vengeance après le camouflet administré à l’Assemblée nationale par les élus de l’opposition, entendra-t-il la voix de la raison ? Nous verrons bien. Mais ce qui est certain c’est que ce n’est pas cette bravade qui le fera passer pour un dur aux yeux de la droite et encore moins de l’extrême droite. Et ne parlons même pas de la gauche (les députés écologistes ont orchestré l’échec du projet de loi) par qui les malheurs du ministre sont arrivés.

 

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