Dernier développement dans les relations tumultueuses entre la France et l’Algérie, après le départ définitif de l’Ambassadeur algérien à Paris (dont le remplacement est renvoyé “sine die“) : la Justice française a décidé de classer sans suite la plainte de l’Etat algérien contre l’eurodéputée Sarah Knafo, la campagne du sulfureux Eric Zemmour, un anti-algérien notoire. Donc clap de fin, la dame ne sera pas poursuivie pour avoir dit publiquement que l’Algérie reçoit une aide française colossale, une des raisons des difficultés budgétaires de l’Hexagone, une affirmation dénuée de tout fondement, fausse et qui a été contredite par des médias français.
Rappelons que le 20 septembre dernier la députée européenne d’extrême droite avait déclaré sur RMC que Paris versait à Alger “800 millions d’euros par an” dans le cadre de l’aide au développement. Un déballage qui avait aussitôt agité les réseaux sociaux. Vérification faite (“fact checking”), cette «révélation» est totalement erronée, ce que plusieurs médias français ont établi après avoir mené leurs propres enquêtes.
La chaîne TF1, dont pourtant on connait les accointances avec la droite, a investigué objectivement en remontant jusqu’à la source de cette fausse information : un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sorti en avril 2024 dans le magazine “Challenges”. Ce document disait bien que la France avait décaissé 800 millions d’euros pour l’Algérie, mais sur une période de 5 ans, entre 2017 et 2021, et pas annuellement, comme l’a affirmé Sarah Knafo…
La députée de Reconquête! n’en est pas à sa première sortie sur l’Algérie, en juin 2024 elle avait posté les mêmes données sur les réseaux sociaux. Alger n’avait pas tiqué, les fausses assertions sur RMC en septembre dernier sont le débordement de trop. Le 25 du même mois l’Etat algérien porte plainte au tribunal judiciaire de Paris, pour diffusion de fausses informations.
Le moins qu’on puisse dire est que le Parquet de Paris ne s’est pas foulé pour traiter le fond de ce dossier, en quelques jours la plainte a été classée au motif que l’infraction n’était pas avérée. Le Parquet est d’avis que certes les propos de l’eurodéputée sont effectivement inexacts, mais qu’elle n’a pas menti sciemment et n’a pas troublé l’ordre public…
Pour que ce délit soit établi il aurait fallu apporter la preuve que les affirmations de l’élue avaient provoqué de quelque manière que ce soit un désordre public ou que le risque existait. En d’autres termes les Algériens n’ont pas fait assez de bruits, n’ont pas causé assez de problèmes pour être audibles, comme si des problèmes la France n’en avait pas assez. Il fallait en rajouter pour être pris au sérieux.
C’est quand même une étrange conception de la justice, des droits des Etats et des peuples. On veut bien croire que la justice est indépendante, en vertu de la séparations des pouvoirs théorisée par Montesquieu, mais on pourra difficilement nous faire croire que cette décision n’a aucun sous-bassement politico-diplomatique, n’a aucun lien avec les bisbilles entre Paris et Alger. En ce moment le sujet qui polarise le plus le débat en France est la révision des Accords de 1968 avec l’Algérie…
L’ancien Premier ministre Edouard Philippe, après l’extrême droite, a été le premier à plaider publiquement pour le sabrage de ces accords qui ont eu le mérite de pacifier les relations entre la France et l’Algérie, après une guerre longue et sanglante. Le nouveau ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau claironne la révision de ces accords au motif qu’ils avantagent trop l’Algérie – en langage moins diplomatique il y a trop d’Algériens en France. Même l’ancien président Nicolas Sarkozy donne de la voix, en tressant au passage des lauriers au Maroc, “exemplaire” dans son partenariat avec Paris.
Alors qu’on ne vienne pas nous raconter que toute cette bronca anti-algérienne n’est pas arrivée aux oreilles des juges du Parquet…
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