En Espagne, comme partout en Europe, l’extrême droite monte, mais ici elle est contenue. Aux élections européennes de juin dernier, marquées par une forte abstention, Vox a recueilli 10,4% des voix, ce qui lui donne 6 sièges au Parlement européen. Ce résultat double presque le score de 2019 (6,28% des voix), mais l’extrême droite est nettement distancée par la droite modérée espagnole, le Parti populaire et le Parti socialiste du Premier ministre Pedro Sanchez. Donc l’extrême droite espagnole est très loin de la percée historique de sa consoeur en France et encore plus de Fratelli d’Italia. N’empêche Vox donne de la voix autant que les autres et pour le pire, le prodige espagnol Lamine Yamal est très bien placé pour le savoir.
Si la pépite du football espagnol et maintenant mondial célèbre tous ses buts en indiquant «304» c’est parce qu’il a des comptes à régler avec l’extrême droite. En effet «304» c’est les trois derniers chiffres du code postal de son quartier ouvrier de Rocafonda (Mataro, dans la province de Barcelone), que des élus de Vox avaient nommé «fumier multiculturel». Chaque réalisation du jeune prodige sera une célébration de ses origines : Un papa d’origine marocaine et une maman équato-guinéenne.
Lamine Yamal, du haut de ses 16 ans – il fêtera ses 17 ans ce 13 juillet -, a entamé un long combat contre le racisme et la xénophobie. “La stigmatisation des enfants issus de l’immigration par le Parti Vox repose sur une idéologie xénophobe et nationaliste qui ignore la réalité de la société espagnole contemporaine. En qualifiant des quartiers multiculturels de « fumier », Vox véhicule un discours de haine et de division, oubliant que ces quartiers sont le foyer de nombreuses familles qui contribuent activement à la société espagnole“, a confié à Hespress Yassine El Yattioui, secrétaire général du Centre marocain de recherche pour la globalisation «NejMaroc».
“Sa réussite sportive, loin de se réduire à une simple performance individuelle, est le reflet de la richesse et de la diversité culturelle de l’Espagne moderne“, ajoute-t-il. La percée phénoménale du jeune joueur à à peine 16 ans “démontre que les enfants issus de l’immigration ont un potentiel immense. Ce potentiel, malheureusement, est souvent négligé ou même délibérément entravé par des politiques discriminatoires et des discours stigmatisants. En célébrant son but avec le code postal de son quartier, Yamal a non seulement affirmé son attachement à ses racines, mais a également mis en lumière la contribution des communautés immigrées au patrimoine culturel et sportif de l’Espagne“, clame le SG de NejMaroc.
“Les enfants issus de l’immigration apportent une diversité de perspectives, de talents et de compétences qui enrichissent la société dans son ensemble. En les stigmatisant, Vox non seulement commet une injustice envers ces jeunes, mais se prive également de la richesse qu’ils apportent. L’Espagne, comme beaucoup d’autres pays, est une nation de diversité. Ignorer cette réalité, c’est tourner le dos à une partie intégrante de son identité nationale“, dit-il par ailleurs.
L’expert marocain est d’avis que “la stigmatisation des enfants issus de l’immigration a des conséquences délétères sur leur intégration et leur bien-être. Les discours de haine et de rejet alimentent la marginalisation et l’exclusion sociale, créant un environnement hostile qui peut affecter profondément leur développement personnel et professionnel. L’exemple de Lamine Yamal montre cependant que, malgré les obstacles, il est possible de réussir et de briller. Mais il ne devrait pas être nécessaire pour ces jeunes de surmonter des barrières supplémentaires en raison de leurs origines“.
Prenant le contre-pied des effluves de haine lâchées par l’extrême droite Yassine El Yattioui parle des quartiers à forte concentration d’immigrés comme “des foyers de vie, de culture et de résilience. Ils sont souvent le théâtre de solidarités et de dynamiques communautaires positives qui échappent à la rhétorique simpliste et xénophobe de l’extrême droite (…). Il est essentiel de reconnaître la complexité et la richesse de ces espaces urbains“.
“La célébration de Yamal avec les chiffres « 304 » est un rappel puissant de l’importance de l’appartenance et de la fierté communautaire. En dépit des discours de rejet, ces jeunes trouvent dans leur environnement et leur culture des sources de force et d’inspiration. C’est cette résilience qui doit être mise en avant, plutôt que les discours stigmatisants et réducteurs. En valorisant les réussites et les contributions des enfants issus de l’immigration, nous pouvons construire une société plus juste et inclusive“, martèle le chercheur.
“En qualifiant des quartiers comme Rocafonda de « fumier multiculturel », ils passent à côté de l’essentiel : ces quartiers sont le cœur battant d’une Espagne diverse et dynamique“, et le succès de Yamal “sur le terrain de football est un rappel que les enfants issus de l’immigration ont le potentiel de réaliser des exploits remarquables et de contribuer de manière significative à la société“…
“Les réussites de jeunes comme Lamine Yamal montrent que la diversité est une force, et non une faiblesse. En valorisant cette diversité et en combattant les discours de haine et de rejet, nous pouvons bâtir une société plus équitable, plus inclusive et plus prospère. Le parcours de Yamal est une source d’inspiration et un appel à reconnaître et à célébrer les contributions des enfants issus de l’immigration à la richesse de la société espagnole“, conclut-il.
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