L’Algérie s’est fâchée avec le Mali, certes très vraisemblablement les bruits de botte n’iront pas au-delà des simples démonstrations de force mais le fait est que les relations diplomatiques et économiques sont au point mort. Et qui en a profité pour placer ses pions à Bamako, avec des projets très porteurs ? Le Maroc. Alors pas question de refaire la même erreur avec le Niger, pas question de laisser la brouille s’installer dans la durée avec le voisin du Mali. Alger a donc fait les choses autrement et cette stratégie paye…
Ça redémarre très fort entre Alger et Niamey
Une délégation d’experts de la compagnie pétrolière algérienne Sonatrach est en visite de travail d’une semaine au Niger pour plancher sur un projet de construction d’une raffinerie et d’un complexe pétrochimique, a annoncé la société dans un communiqué publié le jeudi 9 janvier. La délégation a même été reçue par le ministre nigérien du Pétrole, Sahabi Oumarou, a précisé la même source. Elle ajoute que cette unité, qui devrait être installée dans la ville de Dosso (Sud-ouest), entre dans le cadre de «l’engagement de l’Algérie à accompagner le Niger dans la transformation de ses richesses naturelles en opportunités de développement durable».
Du point de vue des hydrocarbures le pays est bien loti et les installations suivent. Le coup de main de l’Algérie, qui est devenu un ténor en la matière, permettra de franchir des paliers supérieurs, avec en plus la forte symbolique de la coopération Sud-Sud et intra-africaine. Une orientation qui accroît l’essor de l’Algérie en Afrique, après les jalons posés sur le chemin de la ZLECAF (Zone de libre-échange continentale africaine).
La Sonatrach a fait savoir qu’un groupe d’ingénieurs et de techniciens nigériens seront accueillis dans les raffineries algériennes pour recevoir une formation spécialisée, pilotée par des experts de l’Institut algérien du pétrole (IAP). Le ministre nigérien du Pétrole a déclaré que ce programme «constitue une étape cruciale vers la réalisation de la souveraineté énergétique et un fondement essentiel à la transition économique du Niger, en ce sens qu’il contribue à la satisfaction des besoins nationaux, à la création d’emploi, au renforcement du contenu local et à l’attraction des investissements»…
La raffinerie à terme devrait avoir une capacité de production de 30 000 barils/jour, extensible à 100 000 barils/jour, a indiqué la compagnie publique algérienne. A noter que ce partenariat fait suite à un déplacement du Premier ministre nigérien à Alger en août dernier, en compagnie d’une imposante délégation ministérielle.
Fini les foudres de la CEDEAO et le rêve Bazoum, place au business
Pourtant Alger et Niamey viennent de loin. Après le coup d’Etat du 26 juillet 2023 les autorités algériennes avaient joint leurs voix à celles de la CEDEAO pour tenter une médiation autour du retour à l’ordre constitutionnel et du rétablissement du président élu, Mohamed Bazoum. Le gouvernement algérien avait alors officialisé l’accord des nouvelles autorités militaires pour des pourparlers politiques «pendant six mois au maximum […] avec la participation et l’approbation de toutes les parties au Niger sans exclusion», pour cheminer vers le «rétablissement de l’ordre constitutionnel dans le pays».
Patatras : le Premier ministre du Niger, Ali Mahaman Lamine Zeine, avait clamé qu’il n’en était rien et qu’il avait appris les termes de cette médiation sur les réseaux sociaux, ce qui revient à accuser l’Algérie de «manipulation». Inutile de vous dire qu’Alger n’avait pas aimé. S’y est ajouté le bras de fer autour de la crise migratoire. Le point culminant a été la convocation début avril 2024 de l’ambassadeur algérien en poste à Niamey au ministère des Affaires étrangères pour condamner la violence des vagues d’expulsion de milliers de migrants à la frontière entre les deux pays.
Officiellement les partenaires sont sortis de la zone de turbulence. Il faut dire qu’entre temps la junte nigérienne a montré qu’elle se cramponnera au pouvoir et qu’il est illusoire de songer au retour de Bazoum. Tous les partenaires du pays, y compris des démocraties comme l’Allemagne et les USA, en ont tiré les conséquences et composé avec la nouvelle donne. Même la CEDEAO, qui menaçait d’une intervention armée pour déloger les putschistes, a fini par changer de ton. Cela n’a pas empêché le Mali, le Burkina Faso et le Niger, tous dirigés par des putschistes, de quitter l’organisation au motif qu’elle est une courroie de transmission de la France.
Donc Alger ne pouvait pas être plus royaliste que la CEDEAO, lui aussi a fait preuve de pragmatisme en renouant avec les militaires au pouvoir au Niger. Les relations bilatérales se sont considérablement renforcées ces derniers mois, une dynamique dont profite les hydrocarbures. La Sonatrach a repris ses chantiers chez le voisin, la compagnie publique algérienne a même densifié ses investissements sur le champ pétrolier nigérien de Kafra. Les deux puits forés sur ce bloc, qui s’étale sur 23 737 km2, devraient permettre au Niger de hausser sa production de pétrole de 90 000 barils par jour.
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