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L’Allemagne ouvre sa première base militaire à l’étranger : Une nouvelle ère pour sa stratégie de défense ?

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Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne franchit un cap stratégique majeur en décidant de construire une base militaire en dehors de ses frontières.

Cette décision marque un tournant dans la politique de défense allemande, traditionnellement axée sur le “défense collective” via l’OTAN, et soulève des questions sur les nouvelles ambitions militaires de Berlin à l’échelle mondiale.

Une nouvelle base militaire en Lituanie : que signifie ce geste ?

La nouvelle base militaire allemande sera établie en Lituanie, près de la capitale Vilnius, avec un investissement initial de 1 milliard d’euros de la part de la Lituanie. L’Allemagne y consacrera entre 6 et 9 milliards d’euros, avec des dépenses opérationnelles annuelles de 800 millions d’euros. Cette base, qui accueillera environ 5 000 soldats, devrait être pleinement opérationnelle d’ici 2027.

Son emplacement, au cœur du corridor de Suwalki, entre la Russie et la Biélorussie, est stratégique. Cette zone est considérée comme l’un des points les plus vulnérables de l’OTAN, car elle relie la Pologne aux pays baltes et pourrait permettre à la Russie d’isoler ces derniers en cas de conflit.

De la défense collective au renforcement du “dissuasion”

Depuis sa fondation en 1955, l’armée allemande s’est construite autour d’une stratégie de défense collective, intégrée à l’OTAN. Cependant, l’évolution des menaces, en particulier la guerre en Ukraine, a incité l’Allemagne à repenser son rôle. L’annonce de cette base reflète un changement vers une posture plus proactive et indépendante en matière de défense.

Berlin a d’ailleurs adopté une stratégie de sécurité nationale en 2023, plaçant la Russie en tant que principale menace pour la sécurité européenne, tout en reconnaissant la Chine comme un “partenaire potentiel” mais aussi un adversaire global.

Réactions face aux incertitudes transatlantiques

Cette évolution est également liée à l’érosion progressive de la confiance des Européens vis-à-vis des États-Unis. La présidence de Donald Trump avait aggravé cette méfiance, avec le retrait de 12 000 soldats américains d’Allemagne en 2020. Même avec le retour de Joe Biden et un renforcement temporaire de la présence américaine en Europe, les Européens, en particulier l’Allemagne, ont compris qu’ils ne pouvaient plus dépendre exclusivement de Washington pour leur défense.

L’idée d’un armée européenne unifiée a cependant rencontré des résistances, notamment de la part des pays d’Europe de l’Est, qui voient encore dans l’OTAN la garantie ultime de leur sécurité.

L’Allemagne, un leader militaire européen en devenir ?

Avec cette base militaire en Lituanie et sa montée en puissance militaire, l’Allemagne renforce son rôle de pilier de la sécurité en Europe.

Son budget de défense, augmenté par un fonds spécial de 100 milliards d’euros lancé en 2022, devrait lui permettre d’atteindre l’objectif de l’OTAN d’allouer 2 % du PIB à la défense d’ici 2024. Ce changement confirme la volonté de Berlin de jouer un rôle central dans les affaires de défense européennes, et potentiellement au-delà.

Les prochaines années diront si cette nouvelle orientation stratégique amènera l’Allemagne à adopter une politique militaire plus interventionniste sur la scène internationale, ou si elle restera ancrée dans une posture de dissuasion renforcée.

 

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