Economie

L’avenir des classes moyenne et pauvre dépendra plus des choix du gouvernement que des recommandations des bailleurs de fonds ! (3/3)

L’avenir des classes moyenne et pauvre dépendra plus des choix du gouvernement que des recommandations des bailleurs de fonds ! (3/3)

La cheffe du gouvernement Najla Bouden, a déclaré hier jeudi 23 juin lors de l’ouverture du forum de Tunis pour l’investissement que l’annonce du fonds monétaire international qu’il est prêt pour entamer des négociations avec la Tunisie, en vue d’un nouveau programme, est la preuve de la crédibilité et du réalisme du programme présenté par le gouvernement, et un indice de confiance, à même d’inciter le gouvernement à continuer à œuvrer pour la concrétisation des réformes.

Le ministre de l’Economie et de la Planification, Samir Saïed, a mis l’accent sur « la conviction » du FMI de la stratégie de réforme du gouvernement, après des mois de négociations techniques, il a évoqué l’amorçage d’une nouvelle étape de mise en œuvre des réformes dans des délais acceptables, malgré les difficultés de leur concrétisation.

Jihad Azour, le directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI, avait affirmé mercredi dans un communiqué, après sa visite en Tunisie, la volonté du FMI à entamer, au cours des prochaines semaines, des négociations sur la mise en place d’un programme de financement de la Tunisie, à l’issue de discussions techniques de plusieurs mois. Néanmoins, il a insisté sur l’importance que des réformes profondes soient menées au pays.

Absence de visibilité

Les réformes gouvernementales fondées sur l’austérité et qui ne comportent aucun timing de leur réalisation telles qu’elles ont été présentées dernièrement par la cheffe du gouvernement sont à priori très loin de la logique inclusive et de dynamique économique globale prônée aussi bien par le FMI que par les autres bailleurs de fonds sur lesquels comptent le gouvernement pour résoudre tous les maux économiques et financiers du pays et ce grâce à leurs seuls concours.

Le magazine américain « Foreign Policy » a publié début février une note d’analyse intitulée « L’Argentine et le FMI se détournent de l’austérité ». D’après celle-ci, le dernier accord conclu entre l’Argentine et le Fonds Monétaire International (FMI) pour restructurer un prêt record en 2018 a permis au pays d’éviter le défaut de paiement. Les deux parties ont clairement compris les dangers de tomber dans l’abîme et l’inconnu : que se passerait-il si un accord n’était pas trouvé ? Plus important encore, le FMI n’a pas insisté sur l’austérité, indique la note. L’accord donne plutôt à l’Argentine la possibilité de poursuivre sa reprise économique.

Selon la note, les partisans de l’austérité ont reproché au gouvernement argentin actuel de ne pas avoir fait baisser le taux d’inflation plus rapidement. L’inflation a été un autre héritage négatif que le gouvernement Fernández a hérité de l’ancien président argentin Mauricio Macri. 

Bien que l’inflation soit maintenant un peu moins élevée qu’avant l’arrivée au pouvoir du gouvernement Fernández, peu de progrès ont été accomplis pour la réduire. Mais si l’on pèse les coûts et les avantages d’en faire plus, le gouvernement est du bon côté. Habituellement, il y a trois préoccupations concernant l’inflation : premièrement, elle deviendra un emballement ou une hyperinflation ; Cela n’arrive pas. Deuxièmement, cela détruira la croissance économique. Mais comme nous ça été noté, la croissance a été forte en 2021, surmontant les conséquences du COVID-19. Enfin, l’inflation peut accroître la pauvreté parmi ceux dont les revenus ne suivent pas la hausse des prix. La baisse du chômage d’environ 1,7 million d’emplois due à la reprise de 2021 a sorti de nombreuses personnes de la pauvreté.

La débâcle tunisienne

Pour mobiliser des ressources financières qui font cruellement défaut, le gouvernement tunisien vient de renouer les discussions avec le FMI pour obtenir un nouveau. Cette assistance du FMI est conditionnée par la conduite d’un certain nombre de réformes.

Un grand gap sépare les « budgétaires » des « monétaristes » en Tunisie au niveau de l’appréhension de la politique optimale permettant de booster l’économie sans création de déconnexion avec les canaux de transmission entre l’économie réelle et l’économie monétaire à savoir : le taux directeur, le refinancement bancaire et l’action sur le cours de change de la monnaie nationale.

Mais, en dépit de la volonté des pouvoirs publics, notamment du président Kaïs Saïed et du gouvernement, à focaliser leur action sur des mesures essentiellement basées sur l’austérité, des questions se posent sur l’écart par rapport aux exigences d’une politique monétaire restrictive mais qui ne bloque pas la croissance tout en préservant les réserves en devises, un matelas combien même crucial pour la sécurité du secteur extérieur.

La crise des finances publiques, l’endettement extérieur, la situation de presque faillite des entreprises publiques ne doivent pas passés sous silence. Idem sur les moyens qui seront mis en œuvre pour combler le trou budgétaire de 2022 estimé à 10 milliards de dinars.

A l’heure actuelle, un mot récurrent revient sur toutes les bouches : l’impératif d’observer une stricte austérité en matière de dépenses publiques et de limiter le recours aux ressources d’emprunts extérieurs. Certes, ce recours est coûteux et difficile d’accès, mais il est nécessaire pour assurer les équilibres budgétaires de l’Etat à condition de ne pas bloquer l’investissement public : l’arbitrage est assez difficile.

Selon les maisons de rating, si un financement important n’est pas assuré, la Tunisie, qui voit sa note souveraine dégradée, pour la dixième fois depuis 2011, risque le défaut de paiement.

Inévitable à priori, l’austérité demandée est-elle possible ? ses répercussions ne pourraient-elles pas être sévères pour une population appelée sans cesse à serrer la ceinture ?

Marges de manœuvres limitées

Le président de la République a appelé à plusieurs reprises, lors d’entretiens tenus avec le gouverneur de la Banque Centrale et la cheffe de gouvernement à l’austérité en matière de gestion des finances publiques. Son argument tient relativement la route, estimant que l’argent ne doit pas être dépensé dans des importations dont la Tunisie n’a pas besoin, rappelant la nécessité, pour tous les citoyens, de se sentir concernés par les politiques menées par l’Etat mais on publie souvent que le plus grand consommateur des dépenses courantes et des importations oisives est l’administration qui ne fournit aucun effort en matière de rationalisation de sa consommation.

En outre, le budget 2022 ne manque pas d’ambiguïtés. On lui reproche d’avoir occulté les données relatives aux moyens et aux ressources ainsi que la vision qui sera adoptée pour soutenir la croissance.

Dans tous les cas de figure, cinq grandes orientations ont été théoriquement tracées. Elles concernent le soutien des entreprises notamment affectées par le COVID-19, la poursuite de la réforme fiscale, la digitalisation de l’administration, l’amélioration du recouvrement des impôts, la lutte contre l’évasion fiscale outre des mesures d’ordre social.

L’autorité « budgétaire » aurait-elle pu faire autrement ? Pas sûr. Même si le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie cherche à adopter un discours modéré en estimant que la situation n’est pas facile, tout en rassurant que la conjugaison de tous les efforts permettra de passer ce cap, la croissance n’est pas pour le moment au rendez-vous, le pays a terminé l’année 2021 avec un taux de croissance de 3%, contre -9%, au cours de l’année 2020.

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