Le fonds de dédommagement des victimes de la révolution deviendra-il une caisse noire ?

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Le président de l’Instance générale des résistants, des martyrs et blessés de la révolution et des opérations terroristes, Abderrazzek Kilani a annoncé hier jeudi 24 décembre l’ouverture d’un compte de dépôt auprès du Trésor public pour le dédommagement des victimes de la révolution, conformément au décret gouvernemental n°2018-11.

Il s’agit, selon l’Instance, d’une action pour soutenir le Fonds Al Karama (la Dignité). Les dons peuvent être versés dans un compte courant postal dédié aux victimes de la révolution ou encore à travers un compte courant du trésor public ouvert auprès de la Banque centrale.

Abderrazek Kilani, a précisé qu’un accord sera passé entre le chef du gouvernement et le ministre des Finances qui fixera la méthode de gestion de l’argent déposé en faveur du fonds Al Karama, créé en 2018  en indiquant que le chef du gouvernement, Hichem Mechichi a décidé d’élaborer un rapport à la lumière des recommandations présentées par l’Instance Vérité et Dignité pour mettre en place des réformes relatives aux différents secteurs, notamment celui de la justice, de l’information et la sécurité.

Pourtant, l’ouverture des comptes citées ci-dessous renvoie à une problématique budgétaire importante, celle de la gestion des fonds spéciaux du Trésor (FST) notamment ceux qui pourraient être alimentés par des dons.

Le mécanisme des FST est une sorte d’affectation directe décidée sous forme de comptes hors-budget général mais inclus au budget de l’Etat. La loi organique du budget identifie leur création dans les écritures du Trésor à travers l’affectation de recettes particulières au financement d’opérations bien déterminées et liées à des services publics spécifiques.

Les mécanismes des FST sont perçus, généralement, par les économistes et les spécialistes en droit budgétaire comme des failles qui peuvent générer la création de caisses noires.

Les exemples ne manquent pas, à cet égard. Leur création est un indice de non-transparence des finances publiques. C’est ce que confirme la lecture du rapport du FMI n°16/339 de novembre 2016 ayant pour objet l’évaluation de la transparence des finances publiques de la Tunisie.

Ce rapport soulève l’existence de ces fonds qualifiés d’entité extrabudgétaire floues. Il existe 36 comptes spéciaux du Trésor et 22 fonds spéciaux.

La multiplication des FST ne contribue pas à une gestion financière budgétaire rigoureuse. Deux facteurs négatifs se présentent : le premier est relatif à l’impossibilité que des comptes puissent fonctionner sans un lien avec le budget général et le deuxième dépend de l’utilisation déréglée qui pourrait naître du processus.

Pendant longtemps, les FST ont été une échappatoire pour s’éloigner des règles de rigueur de la comptabilité publique. Cette fois, la création de comptes pour le dédommagement des résistants, des martyrs et blessés de la révolution et des opérations terroristes comporte encore le risque de nouveaux dérapages et de violations des règles du droit budgétaire dont les conséquences seront certes graves.

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Publié par
Mohamed Ben Abderrazek