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Le Liban au fond du trou : Une juge française ordonne l’arrestation du patron de la Banque centrale

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Le président français Emmanuel Macron avait débarqué au Liban en décembre 2022 pour faire la leçon aux hommes politiques du pays, incapables de se mettre d’accord pour sortir le pays du marasme économique. Cette fois c’est la justice qui frappe, dans le haut du panier : Riad Salamé, le tout-puissant gouverneur de la Banque centrale depuis 30 ans. Il est sous le coup d’un mandat d’arrêt international…

Une richesse insolente alors que la population se débat dans la crise

L’homme est accusé de s’en être mis plein les poches, de s’asseoir sur un patrimoine immobilier et bancaire ahurissant en Europe, alors que les banques libanaises sont asséchées financièrement au point de confisquer les dépôts de leurs clients. Riad Salamé aurait fait comme tous les autres corrompus et corrupteurs qui pullulent au pays du Cèdre, à la différence que lui a les moyens de ramasser encore plus à travers un micmac financier complexe et un détournement massif de fonds publics.

Après avoir mis le nez dans le patrimoine de Salamé, un juge a exigé hier mardi 16 mai qu’on le ramène illico en France pour y être répondre de ses crimes présumés. L’intéressé a dit qu’il ne se laissera pas faire. Il était attendu hier au matin au Tribunal judiciaire de Paris pour une audition qui avait toutes les chances de déboucher sur une mise en examen. Mais voilà, il a fait faux bond au juge…

Son avocat, Maître Pierre-Olivier Sur, a confié a argué qu'”en ayant adressé la convocation moins de dix jours avant la date prévue de l’interrogatoire, les textes n’ont pas été respectés. La convocation est donc caduque. C’est imparable“.

Pourtant une source judiciaire libanaise a dit lundi 15 mai 2023 que des policiers libanais sont allés durant quatre jours d’affilée, la semaine dernière, au siège de la Banque du Liban (BDL) pour remettre la convocation à Riad Salamé, en vain, rapporte France 24 ce mercredi.

Après le subterfuge de l’accusé la juge française qui mène l’instruction avait deux possibilités : renvoyer à une date ultérieure l’audition du gouverneur de la Banque centrale libanaise ou lancer un mandat d’arrêt international. Ce sera la deuxième option, inculpant formellement Salamé, un basculement dans le traitement de ce dossier, entamé en juillet 2021.

Je vais me battre contre cette décision qui constitue une violation flagrante de la loi“, a rétorqué le gouverneur dans un communiqué émis en arabe. Son avocat a fait savoir qu’il saisira “les juridictions compétentes“.

L’homme traîne moult casseroles

En tout cas pour la rue libanaise la cause est entendue : Salamé, 72 ans, est l’une des principales sources de la crise financière sans précédent dans laquelle se débat le Liban depuis l’automne 2019. Le nom du gouverneur est souvent conspué dans les manifestations de la jeunesse contre la classe politique dans son ensemble.

A noter que depuis le début de l’année, des juges européens dont la juge française ont débarqué trois fois au Liban pour l’auditionner et enquêter dans son cercle. A terme deux mises en examen ont été décidées dans les dossiers français : Anna K., une collaboratrice de Riad Salamé, accusée d’être l’une de ses prête-noms en France et Marwan Kheireddine, ex-ministre et qui pilote actuellement la banque privée al-Mawarid.

Rappelons qu’en mars 2022 la France, Allemagne et Luxembourg avaient saisi 120 millions d’euros de biens libanais qui appartiendraient à Riad Salamé. La cour d’appel de Paris tranchera sur ce dossier le 23 mai.

Reste à savoir si le mandat d’arrêt émis par la France obligera le gouverneur à se cloîtrer chez lui, évitant les virées à l’étranger. La “large dérobade (de Riad Salamé) est à la mesure de son cynisme et de son refus d’assumer toute responsabilité (…) Un jour ou l’autre, il sera arrêté“, a commenté Maître William Bourdon, avocat de l’association Sherpa et du Collectif des victimes des pratiques frauduleuses et criminelles au Liban (CPVCL), qui se sont constituées parties civiles.

Le Liban n’a pas encore été notifié du mandat d’arrêt international“, a confié hier mardi une source judiciaire libanaise, sous le sceau de l’anonymat. “Le Liban n’autorise pas l’extradition de ses ressortissants vers d’autres pays. Lorsqu’un mandat d’arrêt international est émis via une notice rouge Interpol, la justice libanaise demande à la France de lui transmettre le dossier complet sur lequel se fonde la décision des juges français“, a indiqué la même source…

Si l’accusation est jugée valable, la justice peut le poursuivre au Liban, comme elle l’a fait pour Ziad Takieddine ou Carlos Ghosn“, a-t-elle ajouté.

Vu la place de la France, un des premiers soutiens du Liban à tous les niveaux, il est très peu probable que les autorités locales ne donnent pas suite au mandat d’arrêt international. Beyrouth n’a pas les moyens de tenir tête à Paris et encore moins à une frappe coordonnée des pays de l’Union européenne.

 

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