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Le Maroc somme l’UE de poser des “actes” forts : C’est soit Rabat, soit les indépendantistes du Sahara occidental et Alger…

Le Maroc somme l’UE de poser des “actes” forts : C’est soit Rabat, soit les indépendantistes du Sahara occidental et Alger…

Y a-t-il de l’eau dans le gaz entre le Maroc et l’Union européenne (UE), deux solides partenaires ? Oui, à en croire la tonalité très inhabituelle du discours du diplomate en Chef de sa Majesté Mohammed VI, Nasser Bourita. Il a rangé ses formules feutrées pour prendre le taureau par les cornes : «Le partenariat avec l’Union européenne est arrivé à une période charnière», qui nécessite «la confirmation de l’engagement de l’UE dans ce partenariat à travers des actes au-delà des expressions verbales», a-t-il asséné hier lundi 25 novembre à Rabat, après son entretien avec le commissaire européen chargé du Voisinage et de l’Élargissement, Oliver Varhelyi.

Rabat n’a pas digéré le jugement de la Cour de justice de l’UE

Ce dernier, en visite de travail dans le Royaume, repartira avec les doléances de Rabat et cette fois le ton très direct ne laisse place à aucune ambiguïté. La dernière fois que le Maroc s’est officiellement adressé à l’UE c’était suite au verdict de la Cour de justice sur les accords agricoles et de pêche. Le jugement de la juridiction européenne avait été interprétée comme un arbitrage en faveur des indépendantistes du Sahara occidental…

D’ailleurs les réactions au sein du Front Polisario et chez son premier soutien, l’Algérie, démontraient que la balance européenne penchait plutôt pour les Sahraouis. Le communiqué officiel de Rabat a tenté de donner le change en mettant en relief les liens entre le Maroc et l’UE, mais des éléments de langage donnaient une indication sur le désappointement de la partie marocaine. Cette fois le chef de la diplomatie ne prendra pas de gants.  

Bourita exige de l’UE des actions concrètes pour manifester sa fidélité au Pacte stratégique scellé avec le Maroc. En termes encore moins diplomatiques ce sera soit le Royaume, soit les indépendantistes du Sahara occidental et derrière eux le mentor algérien. Ça évidemment le chef de la diplomatie ne peut pas le dire, pas aussi crûment mais il est certain que la partie européenne a bien capté le message. Des gestes concrets suivront-ils ? Nous verrons bien…

En tout cas pour Rabat les choses sont très claires : «Il faut que tout ce qui se dit dans les capitales européennes sur l’importance du partenariat de l’Union européenne avec le Maroc soit traduit par des actes et des solutions concrètes face aux provocations et au harcèlement», qui se déclinent dans la politique, la diplomatie et les actions de justice, et cherchent à torpiller ce partenariat, a martelé Bourita devant Varhelyi.

Rabat fait allusion à des décisions fortes pour verrouiller la Cour de justice de l’UE. Sauf que cette juridiction ne fonctionne certainement pas comme ça, l’Europe a d’autres moeurs politiques. Par définition cette Cour est indépendante, souveraine et n’a de compte à rendre à personne, pas même aux dirigeants européens. Alors faire pression sur elle ne donnera aucun résultat, ça pourrait même produire l’effet inverse.

Bourita demande la lune !

«Aujourd’hui, le Maroc attend de l’Union européenne qu’elle dise de quelle manière elle compte faire face aux provocations. Le Maroc attend que l’UE envoie des signaux et des propositions matérielles qui reflètent son attachement à ce partenariat et qui répondent aux défis qui se posent», a insisté Bourita, en redisant la position très ferme du Maroc exposée clairement par le roi Mohammed VI dans son allocution du 6 novembre dernier…

Le Souverain avait réaffirmé qu’il ne «peut y avoir de partenariat au détriment de l’intégrité territoriale et de la souveraineté du Royaume du Maroc», une posture qu’il avait exprimée fortement dans son discours du Trône en…

Rabat est «pleinement engagé dans son partenariat avec l’UE. Aujourd’hui, la balle est dans le camp de l’UE (…). Autant le Maroc est engagé dans ce partenariat, autant il demande à ses partenaires européens de traduire cet engagement par des actes», a conclu le ministre des Affaires étrangères.

Le commissaire européen sera plus sibyllin dans sa réplique, parce qu’il sait que chacun de ses mots sera guetté, par l’Algérie notamment qui pèse lourd dans le commerce extérieur de l’UE. Varhelyi sait surtout que la baguette magique n’existe pas, que l’UE ne peut pas aller dans le sens que veut le Maroc parce que justement on parle de 27 Etats-membres, qui ont parfois et même souvent des intérêts divergents. Alors le responsable européen se bornera à dire ceci :

«Nous sommes toujours avec vous, car le problème que vous avez évoqué ne se pose pas uniquement pour le Maroc, c’est aussi valable pour l’UE. Il faut trouver une solution commune et c’est la raison pour laquelle j’ai réservé ma dernière visite au Maroc pour être sûr qu’il y aura une solution». L’UE dit «clairement» qu’elle reste «attachée aux acquis et aimerait non seulement sauver ce partenariat, mais également l’élargir», a déclaré le Hongrois.

Le Maroc sait que l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne et même la France ne suivront pas

Il a rappelé que l’UE a investi, ces dernières années, plus de 5 milliards d’euros dans un programme de développement de l’économie marocaine. Et d’ailleurs dans la même journée il a rencontré Fouzi Lekjaa, ministre délégué chargé du Budget, pour évoquer un fonds de 190 millions d’euros dédié à la reconstruction d’une partie de la région d’El Haouz, ravagée par le séisme de septembre 2023.

Ce que l’Europe veut dire par là c’est qu’elle en fait déjà beaucoup pour les Marocains et qu’il ne faut pas lui demander d’aller plus vite que la musique. Et puis il y a les disparités qui empêchent de foncer comme l’exige Rabat. La France a certes basculé vers le Maroc mais n’a pas pour autant “enterré” l’Algérie, et vice versa. L’Allemagne a de solides liens économiques avec le Maroc mais n’ira pas jusqu’à tourner complètement le dos à l’Algérie, ne serait-ce que pour la paix dans la région et la sauvegarde de ses intérêts…

L’Italie, 3e économie de la zone euro, a misé très gros sur l’Algérie, sur ses hydrocarbures notamment. Donc pas question pour Rome de suivre Rabat en sabrant Alger. Idem pour l’Espagne. Madrid revient de loin avec l’Algérie, après la rupture de tout lien – diplomatique et économique – en février 2023. À présent les relations sont bonnes même si l’Espagne a un partenariat très étoffé avec le Maroc.

Là on ne vous parle que des ténors européens, il faut voir aussi la vingtaine d’autres pays. Tout cela pour dire que ce qu’exige Bourita n’est pas simple et il le sait pertinemment. Il fait juste monter les enchères pour s’assurer qu’il engrangera le maximum. Tout le monde sait que le Maroc n’a pas les moyens de pousser plus loin ses pions, l’Algérie non plus, l’UE également…

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