Economie

Le paradoxe tunisien : performances monétaires exceptionnelles…et économie aux abois

Le paradoxe tunisien : performances monétaires exceptionnelles…et économie aux abois

Marouane Abbassi, le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT) vient d’être auditionné le 7 février courant à l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP). Un document de synthèse récapitulant les questions soulevées par le gouverneur lors de son audition a été publié par la BCT.

Le document dit que face aux pressions inflationnistes, notamment en 2017 et 2018 causées essentiellement par la baisse du cours du Dinar, des augmentations salariales et la montée de la pression fiscale, la BCT a adopté une politique restrictive qui s’est traduite nomment par l’accroissement du taux d’intérêt directeur à partir du début de l’année 2018 à trois reprises et ce, à hauteur de 2.75% durant 2018 et 2019.

La BCT a insisté sur le fait qu’elle a imposé aux banques le respect de mesures rigoureuses pour la maîtrise du déficit de la liquidité et le resserrement des crédits. Aux dires de la BCT, cette politique aurait permis de lutter efficacement contre l’inflation en dépit de la hausse persistante des prix de presque tous les produits et services ressentie pratiquement par tous les consommateurs.

En somme, les données de la BCT révèlent que le taux d’inflation est à son plus bas niveau depuis juin 2018 soit 5.8%, le niveau du volume global de refinancement qui correspond au déficit de la liquidité s’est amélioré en passant de 15.8 Millibars de Dinars fin 2018 à 10.4 Milliards de Dinars le 29 janvier 2020 et ce, parallèlement à la progression des avoirs en devises à 19826.1 Millions de Dinars (MD) soit 114 jours d’importation le 10 février courant contre 14113.1 (MD) ce qui correspond à 83 jours d’importation le même jour de l’année 2019.

Techniquement, la baisse de l’inflation évoquée par la BCT et l’évolution remarquable du cours du Dinar, notamment par rapport à l’Euro et le Dollar qui valent actuellement et respectivement 3.10 et 2.83 Dinars, sont des facteurs qui doivent obligatoirement faire revoir à la baisse le taux directeur qui est à ce jour de 7.75% avec un taux du marché monétaire de 7.85%.

Ces taux servent de base pour calculer les intérêts sur les crédits bancaires (en baisse en 2019 de 4.6%) et la rémunération des dépôts et des placements des clients des banques.

De point de vue normatif, le niveau exceptionnellement élevé de ces taux est inexplicable vu l’amélioration de la situation monétaire annoncée par les autorités monétaires qui impose une revue à la baisse parallèle qui les alignent sur le taux de l’inflation qui a atteint 5,8%. A leur niveau actuel, ces taux ne peuvent qu’entraver davantage l’investissement déjà en net recul (-16.9% pour l’industrie) et (-37% pour les services) d’après les chiffres de l’Agence de promotion de l’industrie et de l’innovation (APII).

Les investissements directs étrangers (IDE) sont aussi en baisse 7.6% en 2019.

Il est à noter que l’enfer des taux continue de faire des ravages au niveau des marges des entreprises surtout les petites et moyennes dont une grande partie est menacée de disparition. La dégradation du pouvoir de consommation et d’achat des ménages ayant des crédits bancaires est inédite au point que le gouvernement multiplie les interventions pour fixer les taux afin de limiter la hausse des mensualités des crédits.

Encore une fois, la politique monétaire mène à des situations absurdes qui échappent à toute logique.

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