Le pouvoir d’achat des ménages tunisiens a été nettement affecté ces dernières années, impactant les conditions de vie d’une large part de la population.
Cette érosion du pouvoir d’achat est le reflet d’une conjoncture économique difficile marquée par l’inflation, la pression fiscale élevée et une croissance économique stagnante.
Selon un rapport de l’Institut Tunisien de la Compétitivité et des Études Quantitatives (ITCEQ), le pouvoir d’achat des ménages s’est dégradé durant la période 2011-2022. Pendant cette période, les prix à la consommation ont augmenté de 5,3 % en moyenne par an, bien plus que la hausse des revenus des ménages. Cette disparité entre l’inflation et l’augmentation des revenus a significativement réduit le pouvoir d’achat réel des familles tunisiennes.
Cette érosion s’explique également par une pression fiscale élevée. En moyenne, de 2011 à 2020, la pression fiscale a dépassé les 22 %, atteignant même 25 % en 2022. Ce niveau, parmi les plus élevés d’Afrique, pèse lourdement sur le budget des ménages, réduisant leur capacité à consommer et à épargner.
En se référant à une simulation approximative des dépenses d’une famille tunisienne type, le revenu minimum nécessaire pour subvenir aux besoins de base (logement, nourriture, santé) doit logiquement dépasser les 3000 dinars par mois. Cependant, l’enquête « Emploi et salaires auprès des entreprises en 2022 » de l’INS montre que le salaire de base moyen en Tunisie n’est que de 924 dinars par mois, avec seulement 658 dinars en moyenne pour les ouvriers permanents tous secteurs confondus.
Cette disparité entre le salaire moyen et le salaire nécessaire pour vivre décemment met en évidence les difficultés auxquelles sont confrontées de nombreuses familles tunisiennes pour joindre les deux bouts, surtout avec une inflation élevée atteignant 9,3% en 2023. Le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) de 460 dinars est nettement insuffisant.
La conséquence directe de cette dégradation du pouvoir d’achat est une stagnation de la consommation privée par habitant, qui n’a progressé que de 7,2% en moyenne annuelle sur 2011-2022, soit au même rythme que la décennie précédente. Cela indique une difficulté persistante pour les ménages à augmenter leur niveau de vie malgré les changements économiques et sociaux de la période.
Selon des statistiques, le nombre de familles bénéficiant de l’aide de l’État est passé de 310 000 en 2010 à 960 000 en 2022, représentant près de 6 millions de Tunisiens vivant plutôt dans une situation relativement précaire. Cette augmentation préoccupante souligne l’ampleur de la crise et l’incapacité de nombreux ménages à subvenir à leurs besoins sans aide extérieure.
Face à cette dégradation du pouvoir d’achat, de nombreux ménages tunisiens ont dû recourir à l’endettement pour maintenir leur niveau de vie. Entre 2015 et 2022, l’encours des crédits aux ménages a plus que doublé, atteignant 55,3 milliards de dinars. Cette explosion de l’endettement fragilise davantage la situation des ménages les plus vulnérables, notamment les plus pauvres, ceux dépendants de l’agriculture, et les ménages dirigés par des femmes.
L’endettement massif, bien que parfois nécessaire pour pallier les besoins immédiats, accroît le risque de surendettement et de défaut de paiement, mettant en péril la stabilité financière des familles. Les taux d’intérêt élevés et les conditions de remboursement strictes exacerbent cette vulnérabilité.
L’État tunisien a un rôle essentiel à jouer pour encadrer et soutenir le développement du secteur privé, qui est le moteur de l’économie. Il doit fournir un cadre réglementaire et juridique stable, investir dans les infrastructures et l’éducation, soutenir l’innovation et la compétitivité, promouvoir le dialogue social, et réguler les excès du capitalisme. Cependant, cet accompagnement doit se faire de manière équilibrée, sans pour autant se désengager complètement ou privatiser les services publics essentiels.
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