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Le sénateur américain Chris Murphy conjugue la Tunisie au passé, Kais Saied va ramer

Le sénateur américain Chris Murphy conjugue la Tunisie au passé, Kais Saied va ramer

La Tunisie est encore sous les radars de ses amis et soutiens étrangers, mais pour combien de temps encore ? Pendant combien de temps  les partenaires de la jeune démocratie vont encore la porter à bout de bras, avec tout ce qui se profile pour 2022, une année archi chargée ? Une partie de la réponse se trouve dans la dernière analyse du sénateur américain Chris Murphy, à la tête du sous-comité des relations étrangères du Sénat américain sur le Proche-Orient, l’Asie du Sud, l’Asie centrale et le combat contre le terrorisme…

Selon lui la coopération entre les USA et la Tunisie a un avenir, mais le chef de l’Etat tunisien, Kais Saied, devra tenir ses engagements sur la nouvelle Constitution, sur des élections libres, transparentes et inclusives et le rétablissement à moyen terme du Parlement. En cela il partage le point de vue du directeur exécutif du Projet sur la démocratie au Moyen-Orient (POMED), Stephen McInerney…

 Au sujet de la place de la Tunisie, en tant que jeune pousse démocratique, dans l’agenda de Washington, Murphy l’a conjuguée au passé, et ça fait beaucoup réfléchir : «La Tunisie était une lueur d’espoir au sortir du printemps arabe. C’est un pays que nous avons pointé du doigt sur ce qui était possible au Moyen-Orient, en Afrique du Nord. Comment, même dans un pays avec une histoire de despotisme, la démocratie pouvait fonctionner – et cela n’a pas [toujours] bien fonctionné, mais les gens avaient leur mot à dire sur qui dirigeait et les politiques qu’ils proposaient»…

 «La Tunisie, bien sûr, est un partenaire important de la lutte contre le terrorisme. La Tunisie est donc importante du point de vue de la sécurité. Mais plus largement… nous sommes dans un combat global pour la santé et la persévérance, la préservation de la démocratie. Ma conviction est donc que notre démocratie ici aux États-Unis est menacée. Et quand la démocratie est menacée partout, elle est menacée partout. Je pense donc que nous avons nous-mêmes l’obligation, en tant que démocratie fragile, d’essayer de protéger ceux qui sont assiégés», a ajouté le sénateur américain.

Au sujet du coup de main américain à la Tunisie, Murphy rétorque ceci : “Tout simplement, les États-Unis ne peuvent pas financer des attaques contre la démocratie. Et compte tenu du fait que l’armée a été utilisée en Tunisie pour dissoudre le Parlement, et qu’il y a eu des scènes diffusées dans toute la Tunisie et le monde de militaires entourant le parlement gardant les parlementaires à l’écart, et que les tribunaux militaires ont été utilisés pour poursuivre des civils à l’intérieur de la Tunisie , il est clair que pour le moment, les États-Unis doivent reconsidérer leur soutien à l’armée tunisienne, étant donné la participation et la complicité de l’armée à cette suspension, espérons-le temporaire, de la démocratie“…

Je soutiens donc la décision prise et j’ai plaidé en faveur de la décision prise par la commission sénatoriale des crédits, à laquelle je siège, de retenir une affectation pour l’instant dans ce prochain budget de crédits pour le soutien militaire tunisien de la manière que nous l’avons affectée dans le passé…. Et si nous devions réautoriser une affectation à la sécurité tunisienne [assistance], ce serait un signal clair au président Saied qu’il n’y a aucune responsabilité des États-Unis en ce qui concerne cette suspension temporaire de la capacité du peuple à participer à la démocratie tunisienne“, a indiqué le responsable américain…

Puis il déclare en direction de l’exécutif tunisien : “attendez-vous à être de retour dans le métier de plaider pour l’affectation dans les lois de crédits de soutien à l’aide tunisienne à la sécurité, mais pas avant de savoir que cette feuille de route est réelle“. C’est on ne peut plus clair…

Son avis est sans appel sur les orientations du chef de l’Etat tunisien :”[C]ette feuille de route est désespérément incomplète et beaucoup trop longue lorsqu’il s’agit de savoir quand la démocratie sera rétablie. Vous parlez de ne pas avoir de nouvelle constitution avant l’été prochain, de ne pas avoir de parlement avant un an. Il ne semble certainement pas que ce laps de temps soit nécessaire pour apporter des améliorations. Également concernant le fait qu’il n’y a pas eu de large consultation publique avant l’annonce de la feuille de route. La feuille de route envisage une consultation, mais il n’y avait aucune raison pour que vous ne puissiez pas utiliser le second semestre de cette année, après que le président Saied a pris le pouvoir pour procéder à cette consultation précoce“….

Murphy conclut en ces termes : “Passons donc les prochains mois à plaider pour que cette feuille de route soit accélérée. Tenons le président pour responsable, et disons clairement qu’il y a un avenir d’un partenariat américano-tunisien fort“…

Rappelons que le sénateur américain était à Tunis en septembre dernier, à la tête de la délégation du Congrès américain qui s’est entretenue avec le chef de l’Etat tunisien. Il faut croire que les échos sur les développements récents en Tunisie ne l’ont pas du tout rassuré sur le devenir politique et institutionnel de la jeune démocratie. Kais Saied devra ramer pour convaincre…

 

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