Le 20 octobre 2024 le président égyptien, Adel Fattah Al-Sissi, a dit publiquement que son pays pourrait être amené à rompre des décennies de relation avec le Fonds monétaire internationale (FMI). La raison : les Egyptiens sont éreintés par la potion amère imposée par l’institution internationale (réformes, levée des subventions, etc.). Un remède de cheval auquel le pays des pharaons n’était plus habitué et qui pourrait tuer le malade. “Heureux hasard” – ou pas : Les bonnes nouvelles tombent, depuis les Assemblées annuelles à Washington…
Les annonces qu’Al-Sissi voulait entendre
Les horizons se dégagent pour l’économie égyptienne à partir de 2025, bientôt la fin des vaches maigres. Enfin, c’est ce qu’indique le dernier rapport du FMI sur les perspectives économiques mondiales, exposé lors de la grand-messe annuelle (du 21 au 26 octobre). Le document prédit à l’Egypte un bond substantiel durant l’exercice 2025-2026, avec une croissance du PIB qui monterait à 4,1%.
Rien à voir avec le marasme économique actuel, avec un taux de croissance qui se hisse péniblement à 2,7% pour l’exercice 2024-2025, selon les estimations du FMI. Bon, c’est nettement mieux que 2023-2024, avec une croissance du PIB qui est tombée à 2,4%, contre 3,8% l’année précédente. Une plongée que l’Egypte paye cher, avec une monnaie fortement dépréciée, une crise de devises, un fardeau de la dette insoutenable, des factures alimentaires impayées, etc.
Mais le FMI nous dit que tout ira mieux en 2025, presque comme dans le meilleur des mondes. L’institution financière trouve même des alibis au Caire pour expliquer ses contre-performances, des explications qui sont du reste valables : la guerre au Moyen-Orient, dans la bande de Gaza, ses contrecoups sur le tourisme et le trafic en mer Rouge et dans le canal de Suez.
Rien ne va plus depuis que les rebelles Houthis, un groupe d’obédience chiite, obstruent le commerce maritime, très juteux pour les caisses publiques égyptiennes, en signe de solidarité avec le Hamas. Si le FMI dit que ça ira nettement mieux pour Al-Sissi l’an prochain c’est parce qu’il parie sur une accalmie dans la région. Or rien n’est moins certain, à ce stade ça reste un simple pari, une “promesse écrite sur le dos d’un poisson“, comme le dit un proverbe de chez nous.
Si l’institution internationale y croit c’est aussi en raison de l’appui financier très conséquent dont bénéficie l’Egypte : un accord de 8 milliards de dollars avec le FMI, 6 milliards de dollars qui seront déboursés par la Banque mondiale (BM) plus 8,06 milliards de dollars annoncés par l’Union européenne. Il y a également l’accord de 35 milliards de dollars scellé avec les Émirats arabes unis en février 2024.
Un combat BRICS-Occident qui ne dit pas son nom
Sur le papier c’est très costaud mais voilà, le versement de ces fonds est étalé dans le temps, avec des échéances qui s’étirent, s’étirent. Entre temps les problèmes des Egyptiens eux enflent. Par ailleurs ces financements dépendent aussi de la conjoncture internationale, tourmentée par la guerre en Ukraine, laquelle vient de se mondialiser davantage avec l’entrée en scène de la Corée du Nord aux côtés de la Russie. La Corée du Sud a également promis d’épauler Kiev…
Bref, tout ça sent très mauvais. Mais le FMI ne peut pas attendre que la tempête se calme, il est obligé d’agir parce que dans le camp d’en face, les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) ça s’agite beaucoup. Il n’a pas échappé à Washington que le président Al-Sissi a pris pied dans le club chinois, avec 4 autres nouveaux membres (Éthiopie, Iran, Arabie saoudite et Émirats arabes unis).
Bon, les BRICS sont encore une coquille vide, une association de nababs vaguement contre-révolutionnaires (contre l’Occident) sous la botte et au service de Pékin, et la banque du club n’a certainement pas la même puissance financière que le FMI et la BM. Mais enfin on peut nouer des relations dans cet espace. D’ailleurs le président russe Vladimir Poutine a annoncé que la banque des BRICS prêtera aux pays du Sud en monnaies locales.
Certes les emprunts estampillés Chine – il faudra voir de près les conditions – seront sans commune mesure avec les sommes allouées par le FMI mais ça peut régler les problèmes de certains pays, dont l’Egypte. Les Occidentaux feront tout pour garder le pays le plus peuplé du monde arabe dans leur giron. C’est une affaire de bataille d’influence, de pré-carré mais aussi de gros sous. Exactement comme quand le FMI a accordé à l’Afrique un 3e siège dans son Conseil d’administration.
Le combat entre l’Occident et la Chine sera âpre, et ce n’est pas une mauvaise chose pour l’Egypte et le continent africain en général, très courtisé par les deux camps. On verra comment Al-Sissi et compagnie tireront profit de cette dynamique…
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