L’endettement, encore plus, toujours plus… Le doux poison de la dette, pourquoi pas s’il s’agit de financer l’économie pour créer de la richesse, de générer des recettes fiscales qui iront financer d’autres grands projets pour refaire tourner le pays. Un cercle vertueux en somme. Pour l’Egypte cette masse d’emprunts sans précédent – une dette extérieure de plus de 143 milliards de dollars – a servi à financer des chantiers à la démesure du pays des pharaons, dont l’emblématique nouvelle capitale administrative. Mais voilà, ces chantiers n’ont rien impulsé, reste le fardeau de la dette, qui grossit à vue d’oeil et qu’il faille rembourser, coûte que coûte. Les créanciers ne badinent pas avec ça. Le programme du Fonds monétaire international (FMI) est devenu un purgatoire pour le Caire.
Les Egyptiens font ce qu’ils peuvent pour appliquer la thérapie de choc de l’institution financière internationale : Réduction de la facture des importations alimentaires – qui pèsent lourd -, baisse des subventions, des privatisations pour alléger les charges de l’Etat et faire rentrer de l’argent, etc. Rien n’y a fait, les indicateurs macroéconomiques restent scotchés dans les bas fonds, alors que la potion du FMI est plus amère que jamais pour une population dont près de 30% vit déjà sous le seuil de pauvreté.
Alors oui le président Abdel Fattah al-Sissi est fortement tenté d’envoyer valser le programme de réformes économiques pour lequel le FMI a mis sur la table 8 milliards de dollars en mars 2024. Si l’institution de Bretton Woods ne prend pas en compte l’âpreté de la conjoncture régionale – la guerre au Proche-Orient et ses contrecoups – et internationale le Caire pourrait tout stopper, a annoncé al-Sissi hier dimanche 20 octobre.
«Nous nous sommes mis d’accord avec le FMI, et c’est une question importante. Je dis au gouvernement et à moi-même que si cela conduit à des pressions que la population ne peut pas supporter, nous devons réévaluer notre situation, et la situation avec le Fonds doit être revue», a asséné le chef de l’Etat lors d’une conférence organisée au Caire…
«En ce qui concerne le programme dans lequel nous sommes actuellement engagés, et c’est un message que nous adressons à nous-mêmes et aux institutions internationales concernées, le FMI, la Banque mondiale et toutes les institutions, nous le mettons en œuvre dans des circonstances régionales et mondiales extrêmement difficiles», a-t-il ajouté.
Le président égyptien a argué que les tensions économiques et géopolitiques ont durement impacté le pays le plus peuplé du monde arabe et le deuxième le plus peuplé en Afrique. «L’Egypte a perdu 6 à 7 milliards de dollars de revenus au cours des sept à dix derniers mois, une situation qui pourrait se poursuivre pendant au moins un an», a-t-il indiqué.
Le Caire souffre surtout de la paralysie du trafic dans le canal de Suez, gros pourvoyeur de devises. Les attaques perpétrées par les rebelles Houthis du Yémen contre les navires en mer Rouge et dans le golfe d’Aden, «en signe de solidarité» avec le mouvement palestinien Hamas, ont fait fondre les revenus du canal de Suez. L’Egypte n’a tiré que 870 millions de dollars du commerce mondial au deuxième trimestre 2024, contre 2,54 milliards de dollars à la même période en 2023.
Rappelons que l’accord paraphé avec le FMI stipule, entre autres, la réduction des subventions sur le carburant, l’électricité et une kyrielle de produits de base ; il est aussi question de migrer vers un régime de change flottant. Pour le prix du pain subventionné c’est fait depuis juin dernier, +300%. Une autre salve de majorations le 18 octobre 2024, par exemple une large palette de produits pétroliers a augmenté pour la troisième fois cette année : +11% pour le diesel, +17% pour l’essence..
Inutile de vous dire que ces mauvaises nouvelles, qui s’ajoutent à beaucoup d’autres, ont provoqué une poussée de colère et elle enfle, enfle. Tous les ingrédients d’une explosion sociale sont là, même si le pouvoir en place tient fermement le pays, avec une main de fer. Mais jusqu’à quand al-Sissi, aussi fort soit-il, pourra étouffer la grogne populaire ?
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